Encore une fois, la montagne finit par accoucher d'une souris. À la veille de la séance parlementaire prévue mercredi et consacrée à l’épineuse question de l’aide européenne d’un milliard d’euros octroyée au Liban, les protagonistes politiques, notamment ceux qui font du retour des Syriens leur cheval de bataille, ont revu leurs ambitions d'opposition à ce don à la baisse. Après avoir tiré à boulets rouges sur le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, l'accusant d'avoir accepté « un pot-de-vin » pour que le Liban garde sur son sol les réfugiés et migrants syriens, les Forces libanaises ont rectifié le tir. Elles semblent aujourd'hui convaincues que l’enveloppe annoncée le 2 mai n’est autre que le prolongement des aides de l’Union européenne au Liban. De son côté, le CPL semble désormais (ironiquement) disposé à « soutenir le gouvernement », pour reprendre les termes de Nicolas Sehnaoui, député aouniste. Mieux encore : les deux partis se montrent prêts à collaborer pour apporter une solution à ce dossier.
Ce sont surtout des propos accordés samedi soir par le numéro deux des FL, Georges Adwan, à la chaîne locale MTV qui ont créé la surprise. « Il s’est avéré qu’il n’est pas question d’un don européen, mais d’aides qui ont été fournies au Liban par le passé, et dont le montant a augmenté », a-t-il dit, précisant qu’une partie de cette somme permettra à l’armée de contrôler la frontière (libano-syrienne) et que l’enveloppe n’a pas été approuvée en attendant les débats qui devraient être engagés à Bruxelles lors de la conférence prévue le 27 mai et dédiée à la question des réfugiés syriens. Ces déclarations rompent avec le ton va-t-en-guerre adopté par son parti à l’égard de ce dossier depuis le meurtre, le 7 avril dernier, du coordinateur des FL pour la région de Jbeil, Pascal Sleiman, imputé à des ressortissants syriens. Les FL sont allées même jusqu'à menacer le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés de poursuites judiciaires. Pas plus tard que lundi dernier, le chef de ce parti, Samir Geagea, réitérait « cette position de principe », affirmant qu’elle « ne change pas au gré des milliards européens ou des souhaits de la communauté internationale ». Comment expliquer ce revirement ? « Notre position n’a pas changé. Nous nous rendrons à la Chambre mercredi pour entendre les explications du Premier ministre concernant la nature de l’aide et ceux qui en profiteront. Nous appellerons aussi à une politique claire et bien définie sur ce plan », affirme à L’Orient-Le Jour Ghayath Yazbeck, député FL.
Le CPL, lui, est allé beaucoup plus loin. « S’il faudrait aider le gouvernement dans ses décisions afin de renvoyer chez eux les (migrants et réfugiés) syriens dont le séjour au Liban est illégal, nous sommes prêts à lui fournir le soutien parlementaire nécessaire. Et nous avons présenté une proposition de loi à cet effet », a affirmé Nicolas Sehnaoui dans une déclaration à la chaîne MTV samedi. « Ce qui nous importe le plus, c’est de parvenir, lors de la séance de mercredi, à consolider la position officielle locale à travers un plan clair et des décisions concrètes », a ajouté le parlementaire.
Venant du courant aouniste, ces prises de position interpellent. D’autant qu’elles dénotent d’un changement clair d'attitude à l'égard du Premier ministre et de son gouvernement que les aounistes boudent depuis 2022, l'accusant de tous les maux constitutionnels. Mais dans les milieux proches du chef du parti, on ne voit pas les choses sous cet angle. Au contraire, on insiste pour dire que la position du CPL n’a pas bougé d’un iota. « Il serait erroné de croire que nous nous sommes rétractés. La proposition de loi en question ne vise pas à renflouer l’équipe de M. Mikati. Nous nous adressons à la Chambre et derrière elle à tout cabinet qui serait appelé à résoudre ce dossier, notamment celui qui sera formé après l’élection du futur président de la République », explique Antoine Constantine, conseiller de Gebran Bassil. Sauf que dans un discours prononcé samedi à Batroun, lors d’une conférence articulée autour de la question des réfugiés et migrants syriens, le chef du CPL n’a pas frontalement attaqué M. Mikati, se contentant de critiquer le don d’un milliard d’euros et ses éventuelles conséquences. « Il n’y a pas de décision politique (de résoudre la crise migratoire), à cause de la soumission à la volonté de garder les migrants et réfugiés au Liban, comme l’a montré l’enthousiasme à l’égard de la plaisanterie du milliard d’euros », a lancé M. Bassil. Et d’ajouter : « Nous ne voulons pas d’une somme destinée à aider les Syriens à rester au Liban. Nous la prendrons si elle viserait à permettre aux Syriens de retourner chez eux. »
La fleur de Bassil à Geagea
Il reste que la soudaine « douceur » de M. Bassil (à l'égard du PM sortant) n’est pas la seule conclusion à tirer de son discours. Il y a aussi le fait qu’il a tendu une perche à son principal adversaire Samir Geagea, ne serait-ce que pour fédérer les efforts pour un règlement du dossier des migrants et réfugiés. Quelques semaines après avoir critiqué « la léthargie du chef des FL » sur ce plan pendant une douzaine d’années, Gebran Bassil semble s'être rendu à l’évidence : il ne pourra pas mener la bataille en solo. « Nous pouvons être en désaccord politique. Mais il est interdit que nous divergions sur l’existence du pays, son identité et sa souveraineté. Il faut savoir travailler ensemble et mettre de côté les mésententes pour protéger le pays », a-t-il lancé. « Quand quelqu’un rectifie le tir, nous n’avons pas le droit de ne pas lui pardonner et le retrouver à mi-chemin », a-t-il dit. Mais, là aussi, les aounistes ne reconnaissent aucun pas en arrière. « Nous ne pouvons que nous féliciter du fait de voir un parti se joindre à nous », se contente de commenter Antoine Constantine. « Il n’y a pas de changement de positionnement. Notre convergence sur ce dossier est similaire à celle autour de la candidature de Jihad Azour (ancien ministre des Finances et actuel haut cadre au sein du Fonds monétaire international) à la présidentielle », commente à son tour Ghayath Yazbeck.
Von der Layene herself s'est déplacée pour nous rapporter des arriérés et une rallonge ? Lol, ils nous prennent pour des quiches ?
22 h 27, le 13 mai 2024