Les observateurs, analystes et autres commentateurs se perdaient en conjectures hier sur la portée à donner à la visite effectuée par l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Beyrouth, Ali Awad Aassiri, au chef du Courant patriotique libre, le général Michel Aoun, à Rabieh, à l’invitation de ce dernier. La rencontre, qui s’est déroulée en la présence exclusive du ministre sortant de l’Énergie et de l’Eau, Gebran Bassil, et qui a été suivie d’un déjeuner, est la troisième du genre en l’espace de trois mois entre M. Aassiri et des dirigeants du CPL.
Pour les partisans d’une vision restrictive de la portée politique de cette visite, la décision de ne convier hier à cette occasion que M. Bassil, gendre du général, tend à démontrer qu’on a cherché à donner à la rencontre une dimension plus « sociale », voire « familiale », que politique. C’est, pour le moins, ignorer le rôle majeur, quasiment unique, que joue depuis de nombreuses années M. Bassil dans la définition de la stratégie générale et des politiques du CPL.
À l’autre bout du spectre, on croit entrevoir dans ce qu’il convient clairement de considérer comme un rapprochement entre Michel Aoun et l’Arabie saoudite, un début de repositionnement du premier sur la scène politique libanaise, une sorte de Mar Mikhaël à l’envers (en référence à la cérémonie de signature du fameux document d’entente entre le chef du CPL et le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, le 6 février 2006).
En est-on là ? Il est permis d’en douter pour l’instant. Si la volonté de rapprochement du CPL avec la monarchie saoudienne est plus que manifeste et si les facteurs de désaccords et même de tensions entre le courant aouniste et le tandem chiite Hezbollah-Amal ne manquent pas, les intéressés eux-mêmes, d’un côté comme de l’autre, continuent de nier toute intention de rompre le contrat stratégique les liant.
Michel Aoun est lui-même intervenu sur ce point hier, au terme de la réunion de son bloc parlementaire, en affirmant qu’il n’y avait pas de « tension » avec le Hezbollah et en s’employant à nier toute corrélation entre sa volonté de réchauffer les rapports avec Riyad, d’un côté, et l’alliance avec le Hezb, de l’autre.
D’ailleurs, il convient de noter que le CPL tout autant que l’Arabie saoudite avancent prudemment l’un vers l’autre puisque, en dépit des propos tenus par l’ambassadeur Aassiri, selon lequel le général Aoun serait le bienvenu – à l’instar des autres Libanais – en Arabie, le diplomate ne lui a pas transmis d’invitation expresse à visiter son pays.
Cela étant dit, il est difficile d’accepter la logique qui voudrait que le rapprochement entre le CPL et Riyad ne se fasse aucunement aux dépens de la relation avec le Hezb, d’autant qu’un certain nombre de signes tangibles induisent le contraire.
Tout d’abord, l’ambassadeur Aassiri lui-même a pris soin hier, avant de se rendre à Rabieh, de donner à l’Agence nationale d’information (ANI, officielle) une déclaration dans laquelle il se livre à une critique sévère à l’encontre du Hezbollah et de sa participation à la guerre en Syrie, avant d’appeler le parti chiite à réviser sa politique à l’égard de la communauté sunnite.
Il est assez rare qu’un diplomate pénètre aussi loin au cœur des tensions interlibanaises. Que M. Aassiri ait choisi de le faire le jour même de sa visite à Rabieh ne saurait être considéré comme fortuit. Et de leur côté, les milieux aounistes n’ont pas cru nécessaire de relever ces propos afin de s’en désolidariser.
(Lire aussi: Aassiri : Le Hezbollah doit reconsidérer sa politique à l’égard de la communauté sunnite)
Ensuite, il convient de noter que les contacts entre les milieux du CPL et ceux du tandem chiite sont réduits ces jours-ci au strict minimum. Ainsi, un entretien au téléphone lundi entre un important responsable du Hezbollah, Wafic Safa, et Michel Aoun n’a duré que trois minutes. En temps normal, ce fait n’aurait pas été relevé. Mais étant donné le nombre de sujets de désaccords qui s’empilent depuis quelque temps entre les deux parties, et même si, à leurs dires, il ne s’agit guère de questions stratégiques, trois minutes, c’est vraiment très peu.
Enfin, à en croire des sources bien informées citées par l’agence al-Markaziya, des cadres du CPL travailleraient à l’heure actuelle à la mise au point d’un tableau reproduisant tous les couacs dans la relation entre cette formation et le Hezbollah. Grosso modo, ces sources affirment que des responsables aounistes expriment de plus en plus ouvertement leur ras-le-bol vis-à-vis d’une alliance dans laquelle on donne beaucoup plus qu’on ne prend.
Ira-t-on en fin de compte vers un retournement du CPL ? Rien n’est moins sûr, d’autant que le pourrissement général semble appelé à se poursuivre dans l’immédiat et qu’on ne voit pas comment un gouvernement pourrait être formé dans les jours qui viennent.
Il est vrai que dans les milieux centristes, on s’active pour essayer de débloquer la situation en liant la formation du cabinet à la reprise du dialogue. Mais dans le même temps, tout le monde semble persuadé que l’unique issue pour sortir de l’impasse serait un rééquilibrage en Syrie, un Qousseir remporté par l’opposition. Certains n’écartent pas une telle éventualité dans les prochaines semaines.
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Michel Aoun, comme à son habitude...Ses alliances politiques , il les fait sur la base de ses intérêts "propres" "personnels" "familiaux"... Là... Il refuse le renouvellement éventuel du général kahawagi.... Par respect des institutions?? Que dalle...Parce qu'il essaie d'imposer son gendre le GENERAL CHAMEL ROUKOZ ...Or, le hezbollah ne joue pas le jeu..Aoun boude..Il essaie de faire du chantage au hezbollah comme il l'a déjà fait 1 ou 2 fois auparavant. Auparavant, ce chantage fonctionnait. Là, le hezbollah n'a pas accepté. Du coup, colérique et capricieux comme il est, Aoun fut pris dans son propre piège..Donc, il va se chercher des alliés qui joueront son jeu. Aucun "enjeu" stratégique ou vision à long terme..Juste une question d'intérêts pour sa propre famille. Aoun a dû constater, aussi, que le hezbollah ne proposera JAMAIS le nom de Aoun à la présidence de la république. Le hezbollah pourrait accepter aussi la prorogation du président sleimane...GROS GAG ce Michel Aoun..Aucune vision...
13 h 39, le 03 juillet 2013