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À La Une - Humanitaire

Le centre Carnegie évalue l’impact des réfugiés syriens sur le Liban, « le plus grand dans la région »

Cerner « l’impact » de la présence des réfugiés syriens au Liban, c’est comprendre d’abord l’équilibre entre l’affabilité de la société d’accueil (plus de 100 000 réfugiés sont abrités par des familles) et l’afflux des Syriens, ainsi que des Palestiniens et des Libanais de Syrie. Évaluer l’impact c’est percevoir surtout la précarité de cet équilibre, aggravé par une omniprésence de réfugiés sur le territoire libanais, dont certains villages « comptent aujourd’hui plus de Syriens que d’autochtones ».

 

Cet état des lieux a fait l’objet d’un séminaire organisé par le centre de recherche Carnegie pour le Moyen-Orient (Carnegie Middle East Center), avec la participation des représentants des principaux acteurs de la gestion de la crise des réfugiés au Liban : le Haut- Commissariat des Nations unies, qui coordonne l’aide aux réfugiés ; l’Union européenne, principal donateur ; et les acteurs nationaux : l’État et la société civile.

 

Tous les intervenants ont mis l’accent sur l’aggravation de la situation des réfugiés syriens, « la plus grande crise humanitaire dans le monde actuel », dont le Liban subit sans doute les répercussions directes les plus lourdes, « l’impact le plus important », selon l’expression du coordinateur régional du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés syriens, Panos Moumtzis, qui a exposé le mouvement général des réfugiés dans la région. Le Liban compte en effet le plus grand nombre de réfugiés enregistrés (ou ayant demandé à être enregistrés aux bureaux du HCR) : près de 556 181, contre 487 543 en Jordanie ; 387 883 en Turquie ; 160 000 en Irak et 100 000 en Égypte. D’une manière générale, les réfugiés sont majoritairement des femmes et des enfants, et ce que peu savent c’est que « 77 % des réfugiés ne sont pas dans des camps ».


Cet état des lieux s’applique au Liban. Mais ce qui caractérise le Liban par rapport aux autres pays d’accueil c’est la facilité de traverser les frontières (M. Moumtzis souligne la difficulté pour les Syriens d’accéder aux frontières jordaniennes et turques à partir de leur territoire, rappelant en outre que l’Irak a fermé ses frontières). L’accent a d’ailleurs été mis sur la politique d’ouverture pratiquée par l’État libanais. Le responsable de l’unité chargée de la crise syrienne au ministère des Affaires sociales, Makram Malaeb, a rappelé les principes qui guident la gestion de cette crise par l’État libanais. « Nous ne fermerons pas les frontières ; nous ne rapatrierons aucun Syrien par la force; nous ne refuserons à aucun réfugié l’aide humanitaire qu’il demande. » Il a néanmoins rappelé l’entrave essentielle à la prise en charge efficace du dossier des réfugiés par l’État : « L’absence d’un consensus politique sur la question syrienne, qui s’exprime notamment par l’absence de financement nécessaire pour gérer la situation. » Pourtant, l’enjeu de l’aide envisagée aussi bien par l’État que par les organisations internationales et les donateurs est à la fois l’assistance humanitaire aux réfugiés et celle, tout aussi nécessaire, qui devrait être accordée à la communauté d’accueil. Un enjeu qu’a résumé Panos Moumtzis en évoquant la nécessité d’un « soutien plus large à l’État, de manière à protéger la sécurité et la paix sur le terrain ».


Il ne faudrait aucunement sous-estimer les risques sécuritaires, dans « un pays aussi précaire et instable que le Liban qui accueille les bras ouverts les réfugiés », comme l’a fait remarquer Kamel Mehanna, le président de la fondation internationale Amel, l’une des plus actives au niveau de l’aide aux réfugiés.
Si Mehanna transmet l’élan du dynamisme de la société civile, cela ne suffit pas à occulter les tensions qui se manifestent à plus d’un niveau : les rivalités économiques (les Syriens au Liban sont embauchés à des salaires moindres ou prennent l’initiative d’ouvrir leurs commerces...) ; le sentiment des Libanais d’être submergés par une présence qu’ils n’ont pas les moyens d’entretenir, quand bien même ils y sont entièrement disposés (un sentiment qui justifierait par exemple le couvre-feu imposé par certaines municipalités, dans une tentative de contrôler la situation – un point qui n’a pas été évoqué par les intervenants).


Ninette Kelley, représentante régionale du HCR au Liban, a évoqué dans ce cadre des chiffres pour « illustrer l’ampleur du drame » : 6 000 réfugiés au Liban demandent d’être enregistrés par jour ; le Liban comptait 25 400 réfugiés en juin 2012, 175 000 en décembre 2012 et 556 181 aujourd’hui ; il est prévu que le nombre de 40 000 Palestiniens réfugiés de Syrie double et que 49 000 Libanais de Syrie retournent au pays ; seul un tiers des besoins des réfugiés et de la communauté d’accueil est satisfait, sachant que le HCR a lancé une demande d’aide de 5 milliards de dollars US aux pays donateurs, soit le plus grand appel à contribution de l’histoire. Elle a évoqué également l’impossibilité de répondre à des besoins médicaux au tarif élevé, comme le soin d’un cancer, ou encore une opération qui pourrait sauver l’œil d’un enfant...
« Mais ce drame tragique porte aussi des histoires incroyables », poursuit Ninette Kelley. Incroyable comme l’histoire de cet homme ayant recueilli à Masnaa une famille syrienne désorientée, dépouillée, et qu’il a choisi d’abriter jusqu’à la fin de la crise.


Si une telle hospitalité a réussi à absorber une partie de l’impact, elle devrait justifier une aide financière internationale accrue, qui ne semble pas près de venir. Le responsable de la Coopération au sein de la Délégation de l’Union européenne au Liban, Diego Escalona Paturel, relève que l’UE a déjà fourni une aide de 113 millions d’euros pour la gestion de la crise des réfugiés au Liban (68 millions d’euros pour l’aide humanitaire et 45 millions pour le développement, distribués par le biais du HCR et non de l’État) sur un total de 1, 25 milliard d’euros pour l’ensemble des réfugiés syriens, faisant de l’UE le plus grand donateur.
« Le Liban est un des terrains les plus difficiles à gérer », conclut-il, déplorant la complexité d’une situation dont l’impact dépasse les seuls besoins matériels et reflète tout le malaise entourant la tragédie syrienne.

 

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