Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a sans détour annoncé qu’il n’est pas question pour lui de remettre ses armes à l’État, qu’il a pratiquement flétri pour pouvoir justifier le maintien de ses armes ainsi que son implication dans la guerre en Syrie.
Dans un discours qu’il a prononcé samedi pour le 22e anniversaire du retrait israélien du Liban-Sud, le chef du Hezbollah a répondu aux critiques que le président Michel Sleiman avait adressées vendredi à sa formation, mais sans le nommer, en expliquant longuement les raisons pour lesquelles le Hezbollah ne peut pas renoncer à ses armes ou rester à l’écart de ce qui se passe en Syrie.
Hassan Nasrallah a commencé par mettre l’accent sur les préparatifs « militaires et civils » engagés par Israël depuis 2006, « en prévision d’une nouvelle guerre » contre le Liban, avant de stigmatiser « l’inaction et l’absence totale de l’État libanais dans ces deux domaines ».
« Depuis le retrait des forces syriennes du Liban en 2005, le gouvernement libanais n’a pas réussi sous différents prétextes à renforcer son armée, au double plan humain et logistique, face aux menaces israéliennes. Si l’armée libanaise avait les moyens et les armes nécessaires, elle aurait combattu Israël avec la même férocité que la résistance », a-t-il dit. « Le problème essentiel est que depuis la création de l’État libanais, les responsables n’ont jamais considéré Israël comme un pays ennemi qu’il faut combattre », a-t-il ajouté, tout en rappelant les « victoires » du Hezbollah contre l’armée israélienne. Selon lui, l’État libanais était « incapable », sans la résistance de son parti, de défendre le pays face aux menaces d’Israël.
Le chef du Hezbollah a développé cette argumentation pour arriver à la conclusion selon laquelle « le Liban puise sa force dans les armes du Hezbollah qui poussent les Israéliens à réfléchir à deux fois avant de l’attaquer ». « Vous ne pourrez pas les supprimer. Ils (ses détracteurs) souhaitent les confisquer, les placer sous telle ou telle autre autorité, mais tous ces slogans ne protègent pas le Liban. Si nous acceptons de placer la Résistance, ses armes et ses combattants sous l’autorité de l’État, ce sera leur fin et le prestige de la Résistance tombera. Pourquoi ? Parce que nous avons un État incapable de mettre fin à l’effusion de sang à Tripoli, de s’entendre sur une loi électorale ou de protéger les funérailles d’un martyr à Saïda », s’est-il exclamé, en allusion au refus jeudi des partisans de cheikh Ahmad al-Assir d’autoriser l’enterrement dans le cimetière de la ville d’un combattant sunnite du Hezbollah, tué à Qoussseir, en Syrie.
Vendredi, le président Michel Sleiman avait de nouveau plaidé, de Yarzé, en faveur d’une stratégie de défense.
(Témoignage : A Qousseir, « les rebelles ont tout miné, même les réfrigérateurs... »)
Plutôt « faible qu’absent »
« Nous vivons dans un État confessionnel », a déploré Hassan Nasrallah, mais en relevant que la présence d’un État, « même faible est mieux que le vide politique ou le chaos ». Il a rejeté les propos selon lesquels son parti est en faveur d’un vide institutionnel, en estimant que les Libanais se trouvent devant trois choix : l’organisation des élections sur base de la loi électorale des années 60, la prorogation du mandat de la Chambre « pour laquelle nous sommes favorables, mais à condition de débattre de la durée ou une entente miraculeuse sur une nouvelle loi électorale ».
Concernant les combats meurtriers à Tripoli, Hassan Nasrallah a appelé à la fin des violences qu’il a qualifié d’« insensées ». « Nous appelons de nouveau à laisser le Liban en dehors de toute confrontation. Nous sommes en désaccord au sujet de la Syrie où nous sommes en train de combattre ? Qu’on aille nous battre là-bas, mais préservons la neutralité du Liban. Pourquoi faut-il se battre au Liban ? » a-t-il dit, en insistant sur le fait que le Hezbollah a évité une confrontation jeudi à Saïda et « reste engagé à l’éviter ».
Le chef du Hezbollah a ensuite évoqué les combats en Syrie dans lesquels est impliqué son parti, accusant les États-Unis et Israël d’être les principaux pays à soutenir la rébellion syrienne face au régime de Bachar el-Assad. « Une guerre mondiale a été lancée contre la Syrie, a dit Hassan Nasrallah. Tout le monde intervient en Syrie, mais la communauté internationale n’accuse que le Hebzollah pour son implication dans le conflit. » « La communauté internationale veut le départ de ce régime même si cela veut dire la destruction de la Syrie », a-t-il accusé, laissant entendre qu’elle a soutenu les courants takfiristes pour se débarrasser du régime de Bachar el-Assad.
(Pour mémoire : Le Hezb lève les couleurs du régime syrien rue Huvelin...)
Le danger des takfiristes
Il s’est longuement étendu sur l’idéologie de ces fondamentalistes et sur le danger qu’ils représentent pour la Syrie, en insistant que le fait que l’opposition syrienne à l’étranger n’a aucun contrôle sur ces groupes. « La montée de ces mouvements radicaux, notamment dans les régions syriennes frontalières tombées sous leur contrôle, ne constitue pas uniquement une menace pour les chiites du Liban, mais pour tous les Libanais, qu’ils soient musulmans ou chrétiens », a averti Hassan Nasrallah, qui a par ailleurs affirmé que la Syrie représentait un soutien essentiel à la résistance libanaise. « La Syrie, c’est la protection arrière de la résistance, le support de la résistance. La résistance ne peut rester les bras croisés quand sa ligne arrière est exposée et quand son support se brise. Si nous n’agissons pas, nous sommes des idiots », a-t-il souligné. « Si le régime de Bachar el-Assad tombe, la résistance sera affaiblie, ce qui permettra à Israël de contrôler le Liban et signera la fin des mouvements de résistance en Palestine », a-t-il ajouté.
Cette argumentation lui a permis de répondre au président Sleiman, qui avait sévèrement critiqué vendredi l’implication du Hezbollah en Syrie, toujours sans le nommer : « Prenez les positions que vous souhaitez, que ceux qui veulent pratiquer la distanciation le fassent, mais nous ne pouvons pas nous tenir dans un front qui risque de détruire toutes nous réalisations », a asséné le chef du parti chiite, en affirmant ne pas se soucier du fait que son parti figure sur les listes d’organisations terroristes. « Nous en sommes heureux. L’Europe considère que nous sommes capables de changer l’équation (régionale), ce qui nous flatte. Votre liste d’organisations terroristes, on s’en moque éperdument », s’est-il exclamé.
Il a également assuré que de nombreux combattants du parti souhaitent aller combattre auprès du régime syrien. « Nous sortirons victorieux de cette bataille, comme toujours. Nous poursuivrons notre chemin et nous sacrifierons tout pour parvenir à cette victoire. Je vous le promets », a-t-il conclu.
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03 h 24, le 28 mai 2013