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À La Une - Liban

Dar el-Fatwa : le défi du mufti Kabbani

Le conflit qui mine depuis plusieurs jours Dar el-Fatwa risque de s’élargir dans les jours qui viennent après les élections controversées d’un nouveau Conseil chérié qui se sont déroulées hier, à la grande surprise d’une large frange de la communauté sunnite qui conteste ce scrutin.

Conciliabules entre le mufti et ses proches à Dar el-Fatwa. Photo Ibrahim Tawil

Le mufti de la République, cheikh Mohammad Rachid Kabbani, avait convoqué hier matin le corps électoral de Dar el-Fatwa pour l’élection d’un nouveau Conseil supérieur chérié, malgré l’avis publié par le Conseil d’État qui avait appelé à la suspension du scrutin.
« Ces élections sont légitimes à 100 % », a martelé cheikh Kabbani à l’ouverture du vote. « Il n’y aura plus de conflit au sein du Conseil », a-t-il assuré, précisant que « les candidats de Beyrouth, Saïda, Hasbaya, Akkar et du Mont-Liban ont été élus d’office ». « Les élections sont toujours en cours dans la Békaa et à Tripoli », a-t-il ajouté.
À Beyrouth, ont été déclarés élus sans concurrents : Hani Abdel Raouf Kabbani, Saadeddine Riyad Aanouti, Omar Wafik Tarabah, Zouhair Ibrahim el-Khatib, Mohammad Abdel Kader Sinno, Mohammad Rabih Toufic Katerji, Zakaria Yehya al-Kaaki et Adnane Ahmad Badr.
Hatem Mohammad Taha a été élu d’office dans les cazas de Habaya et de Marjeyoun, alors que Mohammad Mouwaffak Ibrahim al-Rawwas, Ahmad Mehyiddine Nassar et Talal Majed el-Majwoub ont été élus à Saïda.
Au Mont-Liban, Bilal Ali Fakhreddine et Moustapha Bachir Banbouk ont été déclarés élus.
Dans le caza du Akkar, Bilal Ahmad el-Rifaï a remporté le scrutin sans concurrence.
Vendredi, le dignitaire sunnite avait critiqué l’avis du Conseil d’État, affirmant qu’il revient au mufti de la République d’appeler à la tenue de ces élections « conformément aux dispositions du décret 18/1955 ». Cheikh Kabbani a également démenti vouloir renouveler son mandat, affirmant qu’il ne compte pas rester à son poste « une minute de plus ». « Ces accusations visent à tromper l’opinion publique », a-t-il ajouté.
Le Conseil d’État reproche au mufti d’avoir procédé à des nominations de son propre chef, au fil des années, dans l’intention d’obtenir une majorité qui serait en faveur de son maintien à vie dans ses fonctions une fois élu un nouveau Conseil supérieur chérié qui lui serait favorable.


À l’issue des élections, qui ont suscité un tollé parmi certaines figures sunnites, notamment la plupart des anciens Premiers ministres et plusieurs membres de l’actuel Conseil, le mufti a affirmé qu’il « tend sa main à tout le monde », car, a-t-il dit, de « sérieux dangers menacent le Liban et la région, le Liban surtout ».
Et d’insister : « Nous ne sommes contre personne. Nous ne sommes pas partisans (...) et nous ne faisons la compétition à personne. Ce sont les autres qui se considèrent comme des concurrents », a-t-il dit. Puis, revenant sur ce qu’il considère être des élections « légales », il a déclaré : « C’est d’ici que naît la légalité de Dar el-Fatwa. »
Prié de dire si les raisons de ce conflit sont politiques, il a répondu positivement, soulignant que personnellement, il n’a pas de considérations politiques. « Toutefois, certains voient les choses sous l’angle de leurs intérêts et selon leurs desiderata », a-t-il ajouté, saluant la présence aux élections de l’ancien chef de gouvernement Sélim Hoss.
Citant l’exemple du chef de l’État qui a insisté à maintes reprises sur la nécessité de la tenue des élections parlementaires à temps, dans le respect des délais constitutionnels, le mufti a rappelé que le mandat du Conseil chérié, que l’on a déjà renouvelé à plusieurs reprises, a expiré depuis trois ans.


Commentant l’avis émis par le Conseil d’État, il a affirmé qu’il « n’est tenu d’écouter personne », rappelant que ce sont ses opposants qui sont attachés à l’avis de cette instance. « Le Conseil d’État n’a fait qu’émettre un avis, mais il n’a pas encore pris sa décision (...). D’ailleurs, ses décisions ne s’appliquent pas à nous. Nous sommes en faveur de la loi. Mais la loi émane d’ici, de chez nous », a-t-il conclu.

Les réactions
Le député Ammar Houri (courant du Futur) a critiqué le mufti de la République pour avoir fait fi de la décision du Conseil d’État. « Ignorer les décisions du Conseil d’État est un pas très dangereux, a affirmé M. Houri dans une entrevue avec la chaîne de télévision al-Jadeed. Ceci veut dire que la justice et les institutions constitutionnelles n’ont plus de valeur. » Le député a également estimé que le Conseil élu aujourd’hui ne possède « aucune légitimité ».
De son côté, le vice-président du Conseil supérieur chérié a affirmé à la Voix du Liban (93.3) qu’il ne reconnaîtra pas les résultats du scrutin de dimanche. « Ces élections sont illégales », a-t-il affirmé à l’issue d’une réunion de membres ayant boycotté les élections. « Certaines normes n’ont pas été respectées, comme la nécessité d’avoir un quorum », a-t-il ajouté, tout en saluant « tous ceux qui ont décidé de retirer leur candidature ».

Réunion à Sanayeh
De leur côté, les membres de l’actuel Conseil chérié qui se sont opposés aux élections ont tenu une réunion en début d’après-midi à Sanayeh, à l’issue de laquelle l’ancien ministre, Omar Miskaoui, a lu un communiqué dans lequel il affirme que « le quorum légal n’a pas été atteint dans l’ensemble des localités où se sont déroulées les élections et à partir desquelles ont été annoncés les résultats de ceux qui ont été élus d’office ». « Ceux qui ont été désignés par le mufti ont entendu les résultats par le biais des médias », a-t-il précisé.
M. Miskaoui a exhorté les anciens chefs de gouvernement à prendre les mesures adéquates « afin de mettre un terme à la violation des institutions ». Il a indiqué que des « mesures juridiques doivent être prises afin de mettre fin à la violation des lois », appelant le Premier ministre Tammam Salam à entreprendre une « action décisive contre les décisions du mufti de la République ».


Prié de dire si ce conflit finira par engendrer deux Conseils chériés, il a affirmé : « Nous n’en sommes pas encore là, puisque nous considérons que le Conseil chérié actuel est toujours en vigueur », laissant entendre que la situation restera telle quelle en attendant que des mesures soient prises par les responsables. Et de signaler que l’ancien chef de gouvernement Nagib Mikati a envoyé un message personnel au mufti lui assurant que ces élections ne sont pas légales.
Les associations beyrouthines quant à elles ont déclaré que ces élections « sont bel et bien légales et constitutionnelles. Elles constituent un pas important en direction de la levée de la mainmise politique sur les institutions religieuses, notamment Dar el-Fatwa. Il s’agit là d’une véritable défaite pour les forces laïques qui cherchent à étendre leur hégémonie sur Dar el-Fatwa afin de changer son identité et son rôle au sein de la société musulmane en l’acheminant vers des horizons inconnus », précise le communiqué qui accuse l’ancien chef de gouvernement Fouad Siniora de conduire ce mouvement.


En soirée, l’Agence nationale d’information a annoncé que les élections du Conseil chérié de Tripoli ont été reportées à une date ultérieure, le quorum requis n’ayant pas été atteint. En effet, seuls 20 membres sur 138 étaient présents.
Plus tôt dans l’après-midi, la direction des Wakfs avait indiqué dans un communiqué que le quorum n’avait pas été atteint dans la Békaa non plus.

 

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