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Spécial journée de la femme - Spécial Journée de la femme - Trois questions à

« Il y a toujours et partout dans le monde une discrimination envers les femmes artistes »

Ninar Esber*, plasticienne et écrivaine partageant sa vie entre Beyrouth et Paris où les critiques la considèrent comme l’une des rares artistes arabes à militer ouvertement pour la condition de la femme.

Ninar Esber explore, sans aucun tabou, la sexualité et la situation de ses congénères.

Selon vous, quelles sont les plus graves atteintes aux droits ou à la condition de la femme dans votre pays ?
La plus grave atteinte aux droits des femmes au Liban (et dans le monde arabe) ce sont les lois régies par la religion ou par l’appartenance à une confession.
Car dans toutes les lois régies par la religion, la femme n’est pas considérée comme un être égal à l’homme, un être doté de raison, indépendant, capable de gérer sa vie. Mais plutôt comme une personne de catégorie inférieure, incapable de régir son existence et qui a donc besoin que l’on décide à sa place.

Le fait d’être une femme a-t-il favorisé votre carrière ou l’a-t-il handicapée ?
Être une femme peut parfois favoriser ou aider dans une carrière, mais ce n’est jamais gratuit, ni acquis. Car, par la suite, s’il l’on veut avancer dans sa carrière, il va falloir se battre dix fois plus que les hommes pour prouver que l’on mérite ce poste ou ce statut, etc. Et la moindre erreur peut être fatale.
Être une femme peut, bien sûr, être un handicap, par exemple lorsqu’elle désire avoir un enfant. Dans certains cas, en Europe, en France par exemple, une femme qui veut garder son poste et rêver d’une carrière doit renoncer à tomber enceinte.
En ce qui me concerne, en tant qu’artiste, j’observe qu’il y a toujours et partout dans le monde une discrimination envers les femmes artistes.
Les hommes sont toujours davantage mis en avant, on mise beaucoup plus sur eux que sur les artistes femmes. C’est un fait et ce n’est pas parce que les artistes femmes sont moins talentueuses.

Auriez-vous préféré être née homme ?
Lorsque j’étais petite et que je voulais faire des choses «uniquement réservées aux garçons» oui, j’ai pu souhaiter être un garçon. Mais plus j’avance dans la vie et plus je suis contente d’être une femme. Car le fait d’avoir des obstacles à franchir, des préjugés à combattre m’a rendue plus forte, plus tolérante, plus exigeante aussi. Je crois qu’une femme est plus courageuse qu’un homme et a une vie complète (lorsqu’on la laisse exister bien sûr, je ne parle pas des femmes en Arabie saoudite ou en Afghanistan!), car elle peut être chef d’entreprise, présidente de la République, femme amoureuse, mère et épouse à la fois. Elle a tous les rôles. Alors bien sûr c’est au prix d’énormes sacrifices, mais elle a le grand rôle. Et c’est ce qui fait peur à certains.


*Née en 1971 à Beyrouth, qu’elle quitte avec sa famille (son père n’est autre que le poète Adonis), Ninar Esber s’installe en 1986 en France où elle poursuit ses études à l’École nationale supérieure d’arts de Paris, Cergy Pontoise. Elle s’engage alors dans une démarche impliquant son corps dans des performances ou des films vidéo jouant sur une certaine lenteur, aux limites de l’immobilité. Les idées de suspense et de «teasing» se trouvent confrontées à l’architecture (murs, tours, promontoires), aux objets quotidiens (étagères, tables, chaises) ou aux mythologies contemporaines (superhéros, chanteurs ou acteurs populaires, pin up...). Elle met en scène le désir et l’exhibitionnisme pour mieux les appréhender. La performance constitue un élément décisif dans ses vidéos (les scènes sont filmées en temps réel et ne font l’objet d’aucun montage, chaque scène étant constituée d’une performance exécutée en une seule prise). À partir de 2002 et jusqu’en 2006, elle inaugure un journal vidéo à partir de séquences filmées de 1 mn, dont ont été tirés: 1 mn à Bangkok (2003), 1 mn à Beyrouth (2005). Une manière pour elle de «s’inscrire dans le présent». En 2006, Ninar Esber imagine un personnage féminin de superhéroïne, Female, une démone guerrière, féministe. On suit ses aventures au travers des peintures, des vidéos et des performances. Parallèlement, elle entame, dès 2002, une réflexion sur la «réduction» des formes, des concepts et de l’espace. En 2001, elle a publié Leil al-Awal, aux éditions an-Nahar, Beyrouth et, en 2006, Conversations avec Adonis mon père, aux éditions du Seuil, Paris. Parmi ses œuvres les plus récentes, en 2011, un projet intitulé «Working for Change» pour le pavillon marocain à la 54e Biennale de Venise. En 2012, elle a participé à l’exposition «La Bonne graine», au Centquatre à Paris; présenté «Newtopia, the State of Human Rights» à Mechelen, en Belgique; «Come Invest with us, you will Strike Gold», au Brotkunsthale de Vienne. En 2013, elle présente «Experienz # 2 – Materializing the Social», au Wiels, à Bruxelles et «Conflicted Memory» à la galerie Alan Cristea de Londres.


 

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