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Liban - Analyse

Défiance et démagogie plutôt qu’une arithmétique implacable

Les impasses dans lesquelles le Liban s’est retrouvé bloqué ces jours-ci sont largement dues, au moins sur deux plans – loi électorale et fronde syndicale –, à des réalités arithmétiques brutales que les pouvoirs publics et la classe politique dans son ensemble sont proprement incapables de surmonter à l’heure actuelle.


Mais aussi implacables qu’elles soient, ces réalités n’auraient pas mené à des joutes aussi violentes et aussi amères que celles auxquelles nous sommes contraints d’assister quotidiennement, sans la crise de confiance totale que nourrissent l’amateurisme gouvernemental et les comportements de certains acteurs politiques majeurs du pays.
Dans l’épreuve de force qui se poursuit à propos de l’échelle des salaires dans la fonction publique et chez les enseignants, le gouvernement a certes parfaitement raison, en théorie, de refuser de donner ce qu’il ne possède pas. Fuir à tout prix le précédent grec est, en effet, une nécessité absolue que nul ne saurait contester. Or, un tel scénario-catastrophe ne serait pas à écarter en cas d’aggravation du déficit budgétaire et, consécutivement, d’un abaissement supplémentaire de la note financière du Liban.


Accorder l’échelle des salaires sans un financement prenant en compte l’impératif de préservation des équilibres est donc totalement exclu. Encore faut-il, pour relayer ce message aux parties concernées, que les pouvoirs publics soient en mesure de faire preuve d’un minimum de rigueur, d’abord, de volonté réelle de réforme, ensuite, de pédagogie, enfin.
Et il n’y a absolument rien de tout cela. On fait des promesses en l’air, on avance ce qu’on croit être des solutions puis on découvre avec stupeur qu’elles sont insuffisantes et ne font pas l’affaire. Mais, surtout, on ne se donne aucun moyen de lutter contre les « domaines réservés » et les sanctuaires connus de tous où se dilapident les milliards de l’argent public. Comment, après cela, oser dire « non » à ceux qui ne réclament que leur droit ?
Si le discours des manifestants se fait plus violent, de jour en jour, jusqu’à peut-être menacer prochainement la survie du cabinet, n’est-ce pas plutôt en raison de toutes ces failles et de la crise de confiance qu’elles suscitent, plutôt que de l’implacabilité des chiffres ?


Le même constat vaut plus ou moins pour ce qui a trait à la foire d’empoigne en cours autour de la loi électorale. L’impasse, dans ce domaine, est moins nourrie par le choc des points de vue contradictoires que par le mensonge et la démagogie ambiants.


D’aucuns prétendent jouer aux gardiens intransigeants de la parité islamo-chrétienne et, pour cela, font mine de compter les sièges qui, sous telle ou telle formule, reviendraient « pour de vrai » à chacune des communautés ou sectes formant le tissu libanais. Mais en réalité, une arithmétique en cache une autre et le véritable calcul auquel ils se livrent, c’est le nombre de sièges qui reviendrait à leur camp politique. Ni plus ni moins.
Dès lors, il devient facile – mais pas pour tout le monde, hélas – de comprendre le jeu du général Michel Aoun lorsque celui-ci propose aux Libanais, comme il l’a fait une fois de plus hier, l’alternative suivante : « Vous ne voulez pas le projet orthodoxe ? Prenez donc la circonscription unique pour tous » !

 

(Lire aussi : Aoun : C’est la confiscation des droits des chrétiens qui est anticonstitutionnelle)


Le rapport entre cette dernière option et la représentation chrétienne ? Aucun, justement. Même les Syriens, en quinze ans de tutelle après Taëf, n’avaient jamais osé défier à ce point les chrétiens de ce pays, qui seraient réduits le cas échéant à leur plus simple expression en matière de représentation. Mais c’est aussi une injure qui serait faite à l’ensemble des électeurs libanais, contraints de choisir non plus entre des listes bulldozers, mais plutôt des listes porte-avions.


Ainsi, le combat de Michel Aoun pour la parité présente d’étranges similitudes avec celui que mène le Hezbollah pour consacrer son hégémonie sur le Liban. D’où le risque de voir les législatives torpillées et renvoyées aux calendes grecques si l’objectif n’est pas en vue.


Que l’on ne s’y méprenne pas : les calculettes du Hezb fonctionnent à merveille à chaque proposition de loi présentée d’ici ou de là. Il suffit que l’on prévoie la majorité absolue moins un siège pour le 8 Mars, et c’est tout le scrutin qu’on cherche alors à faire sauter. Voilà la conception de la démocratie que l’on se fait auprès de ce parti. Voilà le programme qu’est chargé de mettre en œuvre l’allié chrétien.

 

 

Pour mémoire

Ferzli : Le projet orthodoxe sera désormais présent dans toutes les formules électorales

 

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Dossier

Les électeurs libanais ont la parole

Les impasses dans lesquelles le Liban s’est retrouvé bloqué ces jours-ci sont largement dues, au moins sur deux plans – loi électorale et fronde syndicale –, à des réalités arithmétiques brutales que les pouvoirs publics et la classe politique dans son ensemble sont proprement incapables de surmonter à l’heure actuelle.
Mais aussi implacables qu’elles soient, ces réalités...
commentaires (4)

Confiance et défiance sont la ruine des hommes. Ainsi se noie le pays avec des politiciens irresponsables et de touts les courants politiques . Triste . Antoine Sabbagha

Sabbagha Antoine

12 h 37, le 27 février 2013

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Commentaires (4)

  • Confiance et défiance sont la ruine des hommes. Ainsi se noie le pays avec des politiciens irresponsables et de touts les courants politiques . Triste . Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    12 h 37, le 27 février 2013

  • Parallèlement aux déficits budgétaires, aux calculs savants, aux manifestations, aux risques d'abaissement de la note financière et aux vociférations en tous genres, l'Etat est en faillite politique totale. Le pays, infiltré de toutes parts, patauge dans l'insécurité la plus absolue, les armes sont partout sauf là où elles doivent être pour protéger la nation. Notre gouvernement armé n'a qu'un seul but, celui d'entretenir l'historique immobilisme que nous connaissons actuellement. Aucun dirigeant n'a le courage de répondre aux demandes légitimes du peuple, quel que soit le dossier. Libanais, réveillons-nous, nous sommes une démocratie, ce qui veut simplement dire que le peuple est roi et que le gouvernement doit être à son service. Jusqu'à quand allons-nous attendre que nos dirigeants nous consultent et nous permettent de nous exprimer par voie référendaire sur notre avenir ?

    Robert Malek

    12 h 20, le 27 février 2013

  • __ LOI ELECTORALE : Projet dit Orthodoxe qualifié de MONSTRE. Pourtant en introduisant son DNA dans une autre loi électorale, on crée UNE LOI HYBRIDE dite ACCEPTABLE ! Le Monstre rejetté, son Hybride acceptée ! Allez comprendre la LOGIQUE DE L'ILLOGISME... __ FRONDE SYNDICALE : Syndicale ou Politicale ???

    SAKR LEBNAN

    23 h 11, le 26 février 2013

  • Il est archiconnu que, dans le but unique qu'il a d'arriver au palais de Baabda, "l'allié chrétien du Hezbollah, le général Aoun, a accepté la charge de mettre en oeuvre le programme du Hezb" pour son projet au Liban. En une longue entrevue au journal koweitien al-Ra'y le 23 décembre 2007, le patriarche Rai, à l'époque archevêque de Jbeil, disait déjà : "Aoun est un instrument aux mains du Hezbollah et Nasrallah est le décideur de tout".

    Halim Abou Chacra

    20 h 25, le 26 février 2013

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