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À La Une - Liban

Ghanem : La proposition dite orthodoxe fournit les éléments d’une « guerre civile sous une couverture légitime »

« Les maronites se doivent de préserver la raison lorsque les autres l’ont perdue... », affirme le député citant un extrait d’un article de Michel Abou Jaoudé dans les années 60.

Robert Ghanem ne cache plus son hostilité au projet de loi électorale orthodoxe.  Photo Sami Ayad

Libéré du silence que lui imposait la gestion, pendant plus d’un mois, des réunions de la sous-commission ad hoc chargée de proposer une nouvelle loi électorale, le député Robert Ghanem a mené une virulente attaque contre la proposition de loi avancée par le Rassemblement orthodoxe, lors d’une conférence de presse place de l’Étoile.

 

Rappelons que ce texte avait été voté lors de la première journée de réunion des commissions conjointes, au lendemain de la fin des débats au sein de la sous-commission ad hoc, dont l’objet avait été restreint au seul examen d’un projet de loi mixte.

 

Évoquant d’abord « les longues heures des séances de la sous-commission ad hoc, qui se sont achevées par un retour à la case départ », le député Ghanem a déploré le fait que « la majorité des représentants ayant pris part aux réunions cachaient leur jeu, en prenant des positions qui dissimulaient leurs pensées véritables ».

Refusant le fait que « le travail de la sous-commission soit resté vain, et nos efforts perdus », convaincu que « le Liban ne mérite pas le résultat obtenu », le député Ghanem a décidé d’exprimer son rejet catégorique de la proposition dite orthodoxe, qui est, selon lui, « contraire à la Constitution dans la forme et dans le fond et dénature la parité qu’elle veut défendre ».

« L’heure n’est pas à la législation des extrémismes »
D’abord, sur l’anticonstitutionnalité dans la forme, Robert Ghanem a mis le doigt sur « la violation, par cette proposition, de l’article 24 de la Constitution, qui prévoit une répartition égalitaire des sièges entre chrétiens et musulmans, et une distribution proportionnelle des sièges entre les confessions, d’une part, et les régions, d’autre part. Or, la considération régionale n’est pas prise en compte par la proposition avancée : la victoire électorale est susceptible d’être remportée sur la base confessionnelle uniquement, et marginaliser les représentants de régions spécifiques ».


Ensuite, sur le fond, le parlementaire a dénoncé « la violation du pacte de coexistence (préambule de la Constitution), ainsi que l’article 27 qui définit le député comme étant le représentant de toute la nation ». « La proposition contrevient également à la doctrine du Conseil constitutionnel », a-t-il ajouté, citant un passage de l’annuaire 2012 du Conseil constitutionnel, rédigé par le président du Conseil Issam Sleiman : « Si les sièges parlementaires sont répartis, en vertu de la parité, entre chrétiens et musulmans, le député ne représente néanmoins ni la confession ni la circonscription où il a été élu, mais la nation dans son ensemble. Corollairement, l’assemblée des électeurs est une seule entité, émanant de circonscriptions mixtes. »


Sur la base donc de l’esprit constitutionnel et de l’essence du vivre ensemble, Robert Ghanem a dénoncé « l’amère réalité » que viendrait consacrer la proposition dite orthodoxe, celle de « la sortie de la nation, pour entrer dans les étroits couloirs confessionnels. Or, la nécessité d’unifier les rangs et d’apaiser les discours politiques s’impose plus que jamais, et l’heure n’est pas à la législation qui favorise les surenchères, l’extrémisme, et surtout – et c’est ce qui est le plus dangereux – qui consacre le repli sur soi et l’édification des forteresses isolées ». « Ces éléments seraient les ingrédients idéals de la recette d’une guerre civile sous une couverture légitime », a-t-il déclaré sur un ton ferme.

« Une cause noble, un résultat dérisoire »
Il a ensuite avancé des contre-arguments à la thèse selon laquelle l’élection par les chrétiens de députés chrétiens leur accorderait les garanties qu’ils réclament. « Si la cause est noble, le résultat n’en est pas moins dérisoire et présage de résultats au danger ahurissant. »


D’abord, « l’actuelle Constitution, pour laquelle plus de 200 000 Libanais ont payé le prix fort (lors de la guerre civile), s’est voulue un outil de justice politique », a-t-il rappelé. « D’une part, les amendements de Taëf ont transféré une partie des prérogatives de la présidence de la République au Conseil des ministres réuni, d’autre part, ils ont maintenu la présidence de la République aux mains des chrétiens, indépendamment de leur poids démographique, cette présidence devenant le symbole même de l’unité des Libanais. » Faisant remarquer ainsi que les amendements constitutionnels n’ont jamais évoqué, « que ce soit dans la lettre ou dans l’esprit, l’élection des chrétiens par les chrétiens et des musulmans par les musulmans », il a également rappelé que la Constitution d’avant-Taëf, « qui accordait au chef de l’État les pleins pouvoirs, n’a pu sauver les chrétiens ni lors des incidents de 1958, ni en 1969, date de l’entrée des organisations palestiniennes au Liban, ni après cette date ».

« La parité dénaturée »
« Comment donc d’aucuns peuvent-ils affirmer, au-delà du moindre doute, que la parité contraire au pacte national est une garantie aux chrétiens? » Rappelant que « la présence des chrétiens aux côtés des musulmans est la raison d’être du Liban », il s’est demandé « quel symbole de l’union nationale restera-t-il lorsque les pouvoirs s’isoleront et s’affronteront au sein d’un tissu national disloqué intentionnellement ? ». En votant en faveur de la proposition du Rassemblement orthodoxe, « qu’est-ce qui empêcherait éventuellement les députés chrétiens, chiites et sunnites de revendiquer respectivement le monopole de l’élection du chef de l’État, du président de la Chambre et du Premier ministre ? ».

Finalement, « nous avons voulu consacrer la prétendue parité, mais nous n’avons fait que la dénaturer, au point que cette parité risque de devenir une répartition par tiers, par quart, jusqu’à la division... ». « Lorsque la patrie devient une course démographique, le Liban perd sa raison d’être et la citoyenneté se dissout dans le confessionnalisme », a-t-il ajouté.

Et de conclure avec un extrait d’un article de Michel Abou Jaoudé dans le quotidien an-Nahar, dans les années 60, à l’adresse des maronites : « Si tous les autres au Liban perdent la raison ou l’équilibre, les maronites doivent préserver leur raison et leur équilibre. Les maronites sont plus grands que le petit Liban, et le Liban des maronites est plus grand que le Liban chrétien. »

 

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