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La neutralité du Liban, aujourd’hui plus que jamais

Par Salim F. DAHDAH
Loin des tempêtes qui soufflent et déciment tout sur leur passage dans un Orient otage des options stratégiques des décideurs régionaux et internationaux, l’appel en faveur de la «neutralisation» du Liban, doit être, aujourd’hui plus que jamais, un acte de foi unanime et national, un choix incontournable et indéfectible pour garantir la pérennité du pays du Cèdre et la stabilisation de son front intérieur. Une décision qui ne doit pas être un simple slogan ou une vue de l’esprit mais représenter, à travers ces turbulences qui secouent le monde arabe, les bouleversements qui s’ensuivent et les changements géopolitiques qui se dessinent, une occasion en or pour le Liban de s’extraire à ces ballottements continus qui ont fini par élimer, voire anéantir son État de droit et ses institutions, y provoquant un vide effrayant et suicidaire.
Cette initiative doit donc être prise très au sérieux, parce qu’elle intervient à un tournant historique marqué par l’effondrement des principaux régimes arabes en place depuis plus de quarante ans, provoquant de ce fait un changement irréversible du panorama politique, social, économique et géographique régional.
La conjoncture pourrait être en effet idéale pour le peuple libanais et ses leaders politiques afin de tirer les conséquences des drames qu’ils ont vécus depuis 1975, ainsi que de ceux qui ont touché leurs voisins du monde arabe et principalement le peuple palestinien, dont les représentants n’avaient pas su malheureusement anticipé les événements tragiques que leurs concitoyens allaient subir en 1948. Toutes les composantes libanaises doivent à cette occasion réévaluer leurs propres positions politiques afin de ne pas commettre d’erreurs stratégiques pouvant mettre en danger l’existence même de la nation. Il leur faut aussi savoir que le rééquilibrage des forces internes, opéré durant les années de guerres et de tutelle par certaines d’entre elles, ne pourra pas permettre à ces dernières de continuer indéfiniment à s’imposer sur la scène politique, d’autant plus qu’elles n’y étaient parvenues que grâce à des alliances extérieures précaires souvent compromettantes, voire même anticonstitutionnelles.
Après cet inventaire politique peu glorieux qui a marqué le Liban durant ces trente-six années chaotiques et profondément instables, occasionnant une hémorragie très grave au niveau de l’État et de ses institutions et des clivages horizontaux et surtout verticaux qui ont empoisonné et bloqué la vie quotidienne du peuple, une conclusion s’impose, à savoir l’obligation pour tous de cesser et les débats vaseux et les discussions inutiles aboutissants à des «voies sans issues». Cette attitude souvent utilisée entre les protagonistes devrait être à jamais bannie dans la gestion de la chose publique. Au risque de voir s’effondrer tout l’édifice national, cette situation ne peut plus donc perdurer, les deux grandes formations du 8 et du 14 Mars, les deux grands partis chrétiens, ainsi que les deux grands partis sunnites et chiites doivent prendre conscience de leurs responsabilités nationales et agir ensemble pour adopter une vision commune de l’avenir du pays et de celui du peuple libanais et se mobiliser pour garantir la pérennité et la stabilité de l’État. L’heure est donc venue pour eux tous de mettre de côté leurs divisions et d’engager, aujourd’hui avant demain, au travers de représentants du peuple libanais, un vaste mouvement englobant, députés et partis politiques, clergés des différentes communautés, médias et groupes de communication, écrivains et artistes, ordres professionnels, organisations économiques et membres des différentes sociétés civiles et associations sociales et culturelles, en vue de signer une pétition nationale en faveur de l’adoption d’un texte législatif réclamant la « neutralité du Liban ». Ce document devra être ensuite soumis et agréé par les pouvoirs exécutif et législatif avant d’être transmis simultanément au Conseil de la Ligue arabe et aux Nations unies pour y être entériné.
Ce grand chantier national devrait en principe avoir des chances sérieuses d’être réalisé dans cette conjoncture nationale et régionale, d’autant plus qu’il pourra mettre enfin un terme à toutes les divisions du front intérieur car il interrompra définitivement les interventions étrangères dans la gestion de l’État et permettra aux autorités d’agir en toute liberté pour le bien exclusif de la nation et des citoyens. Il est d’autant plus envisageable qu’il porte en son sein des garanties réelles et objectives de stabilisation et de perduration de l’entité libanaise, et qu’il opte pour des choix nationaux fondamentaux et définitifs tant historiques que stratégique, à savoir:
– Le vivre ensemble de toutes les communautés nationales au-delà et au-dessus de tous les désaccords;
– La priorité et l’exclusivité à l’intérêt national, sans risques de déstabilisation externe;
– Le rejet sans failles ni interférences étrangères, de toutes les atteintes à la souveraineté nationale, l’indépendance, la démocratie, les libertés, l’égalité et la
justice;
– La possibilité d’adopter en toute quiétude un éventail très large d’amendements constitutionnels et de législations devant permettre d’assurer un développement équilibré et efficace de l’État tous secteurs confondus, tout en continuant à respecter l’équilibre confessionnel institué par la Constitution de 1943 et confirmé par les accords de Taëf, tels que par exemple:
* Les principes de la citoyenneté (droits et
obligations),
* La laïcisation progressive des institutions,
* La séparation entre le pouvoir civil et la religion,
* Une loi de statut personnel civil,
* Le rejet de toute personnalisation du pouvoir,
* L’alternance du pouvoir,
* Une loi électorale nationale moderne, juste et équilibrée,
* L’égalité complète entre l’homme et la femme aussi bien dans les secteurs publics que privé,
* La neutralité à l’égard de tous les conflits armés où guerres extérieures.
Après la Suisse et l’Autriche, le Liban deviendra, si un tel statut venait à lui être internationalement reconnu, un pays dont la neutralité apportera des éléments fondamentaux et structurels en faveur de l’instauration de la paix en Orient et d’un meilleur équilibre mondial dans les choix stratégiques que l’Occident fera dans cette région du globe. Il deviendra, grâce à son expérience de nation message et laboratoire de vie multicommunautaire et multiculturelle, un port d’attache international, où toutes les nations du monde pourront s’y rendre librement et débattre des divers problèmes ayant trait à une meilleure intégration sociocommunautaire et socioculturelle dans leurs pays respectifs.
Loin des tempêtes qui soufflent et déciment tout sur leur passage dans un Orient otage des options stratégiques des décideurs régionaux et internationaux, l’appel en faveur de la «neutralisation» du Liban, doit être, aujourd’hui plus que jamais, un acte de foi unanime et national, un choix incontournable et indéfectible pour garantir la pérennité du pays du Cèdre et la...
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