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À La Une - La situation

Électricité : fractures au sein du cabinet, le peuple paie la facture...

L’approvisionnement en courant s’améliorera progressivement à partir de la fin de la semaine, promet l'EDL.

Le siège de l'EDL à Mar Mikhaël, à Beyrouth.

C’est plus qu’un simple mécontentement que les citoyens, bloquant les axes routiers, cherchent à exprimer. Subissant le rationnement drastique, presque continu, du courant depuis deux jours, les Libanais ont eu recours de nouveau hier à la rue pour se faire entendre, comme ils l’avaient fait la veille. C’est la canalisation d’une colère, exacerbée de frustrations accumulées.

 

Des dizaines de jeunes ont bloqué avec des pneus en flammes le rond-point de Tayyouné et la route côtière de Tyr, au niveau du village de Mailiyé (Liban-Sud) ; d’autres ont coupé l’axe Halba-Kobeyyate (Liban-Nord), réclamant la démission du ministre de l’Énergie Gebrane Bassil et menaçant d’une escalade dans les manifestations pacifiques si le courant n’est pas rétabli ; dans la Békaa, ce sont les dédouaneurs du poste frontalier d’al-Masnaa qui ont manifesté leur colère, tant la coupure de courant entravait leur travail. Ce malaise général, reflet d’une précarité de vie trop pesante, est le mieux exprimé par un incident survenu hier, dans le prolongement des manifestations : un nombre de citoyens a pris d’assaut hier la centrale de Jeb Jennine, réclamant la diminution des heures de rationnement dans la Békaa.


Selon un communiqué d’Electricité du Liban, « les manifestants se sont regroupés devant la station, tambourinant à la porte et menaçant d’entrer par la force dans la cabine de contrôle. Alors que l’armée présente sur place tentait de calmer les contestataires, l’un d’eux a pu sauter au-dessus de la clotûre entourant le bâtiment, avant d’ouvrir le portail pour y faire entrer ses camarades ». Veillant à ne pas s’en prendre aux manifestants, EDL précise dans son communiqué qu’après leur entrée forcée, « l’électricité a été coupée de la station, par souci de la sécurité des manifestants, que l’armée a pu refouler, près d’une heure plus tard, en dehors du bâtiment ».

 

Dans ce contexte, EDL a tenu à rappeler hier la teneur du communiqué publié la veille, où elle s’était montrée rassurante quant aux rationnements quasi ininterrompus. « L’approvisionnement en courant s’améliorera progressivement à partir de la fin de la semaine courante », a précisé le communiqué, en omettant toutefois de préciser la date du 23 juin, indiquée dans une précédente annonce. Rappelant également que la période estivale est propice aux coupures fréquentes, puisque la demande double et dépasse la capacité de production maximale des centrales, EDL a appelé les citoyens à « ne pas recourir à la violence ».


Mais la colère continuait de se manifester hier en soirée, où alternaient blocage et réouverture des routes à Choueifat et Saadiyate, Saïda et Khaldé, les abords du caza de Tyr et le village de Abbassiyé...


La rage d’une dignité lésée, qui n’a pas pour seule source réelle EDL, mais la passivité totale du gouvernement. Une absence d’abord directe, celle du ministre Bassil, présent à l’heure actuelle au Brésil, où il participe à la conférence sur le développement durable à Rio de Janeiro. Un sommet dont le thème met cruellement en exergue l’archaïsme de notre pays, réduit au souci de l’élémentaire approvisionnement en courant. Il est également la preuve de l’hypocrisie des officiels libanais qui y participent, surtout lorsqu’ils sont directement responsables du dossier de l’électricité. Mais il y a également l’inefficacité du gouvernement jusqu’à présent sur ce dossier. Le caractère hétéroclite du cabinet fournit en effet le parfait prétexte pour chacune de ses composantes de fuir ses responsabilités. Résultat : absence de solution, semblant de souci, politisation d’un dossier sur fond électoral de plus en plus palpable.


Le dossier de l’électricité devient représentatif des rapports entre les différentes parties sur l’échiquier gouvernemental.
Les divergences interministérielles s’articulent actuellement autour du discours aouniste, directement concerné par le dossier. Les réactions ont divergé hier sur les dernières déclarations du chef du bloc du Changement et de la Réforme le député Michel Aoun. Ce dernier avait déclaré que la responsabilité du ministère de l’Énergie s’est arrêtée en 2010 avec l’élaboration du plan pour l’électricité. Depuis,selon lui, c’est le gouvernement tout entier qui en est tenu responsable. Il a également rappelé « les irrégularités héritées des précédents gouvernements ». Fort de sa « conscience tranquille », il s’est dit prêt à « manifester à la tête de ceux qui descendent dans la rue contre ceux qui ont causé cette crise du courant électrique », occultant la position attentiste de son gendre le ministre Bassil et oubliant que le secteur de l’énergie a été géré depuis des années par des ministres du 8 Mars.


Face à lui donc, deux responsables, dont il a toujours tenu à se démarquer : l’actuelle opposition et le gouvernement dont il est quand même une des composantes majeures.


Dans les rangs de l’opposition, le député des Forces libanaises Joseph Maalouf a qualifié de « mascarade le fait que le député Michel Aoun prétend être empêché de procéder à la réforme ». Au niveau du cabinet, deux réactions divergentes : le ministre des Travaux publics Ghazi Aridi a qualifié de véritable « scandale » la coupure d’électricité, estimant qu’il « n’est pas justifiable d’inclure cette crise dans le legs des précédentes majorités » ; et le Hezbollah qui a tenu à prendre ouvertement la défense de son allié politique. Reprenant l’argument aouniste qui accuse les précédents gouvernements de tous les maux, le député hezbollahi Mohammad Raad a affirmé que le ministre Gebrane Bassil « honore ses engagements et effectue son devoir dans les limites de ses compétences constitutionnelles ». Il a ajouté que « c’est au gouvernement de mettre en application ses décisions, afin de résorber la crise de l’électricité ». Le député Hussein el-Moussawi a lui aussi estimé que cette crise « n’est pas de la responsabilité d’un seul ministère ». Il est aisé donc de tout faire endosser au gouvernement, qui devient le fourre-tout des accusations, un bouc-émissaire, à la fois lapidé et intangible.


Reste un acteur, qui tente de profiter de la situation sous le couvert du centrisme : le président de la Chambre Nabih Berry. Il a déjà joué un rôle central dans le vote, dans les commissions parlementaires mixtes, d’une loi qui prévoit d’organiser un concours restreint pour les journaliers d’EDL, comme prélude à leur entrée dans le cadre(une loi vivement contestée par les députés aounistes, qui s’étaient retirés des commissions). Hier, Nabih Berry a exprimé, à l’issue de sa traditionnelle rencontre du mercredi, son vif mécontentement face à la crise d’électricité. « Il est nécessaire de prendre les mesures nécessaires lors du prochain Conseil des ministres le 27 juin », a-t-il affirmé. « Il n’est plus permis de se taire face à une situation qui relève de la responsabilité de toutes les parties.


Une source proche du président de la Chambre insiste sur ce point. « Tous sont responsables, c’est ce que le président Berry a voulu souligner », indique la source . « Loin de lui l’idée de marquer des points, qui est le propre d’autres parties », a-t-il affirmé, en réponse à une question de L’OLJ. « Nous espérons toutefois une solution, ne serait-ce que sur le court terme, pour parer au plus pressé », a-t-il conclu, mais sans grand optimisme.

C’est plus qu’un simple mécontentement que les citoyens, bloquant les axes routiers, cherchent à exprimer. Subissant le rationnement drastique, presque continu, du courant depuis deux jours, les Libanais ont eu recours de nouveau hier à la rue pour se faire entendre, comme ils l’avaient fait la veille. C’est la canalisation d’une colère, exacerbée de frustrations...

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