Eclairage : Les risques de dérapage persistent

Une source diplomatique assure qu’il n’y a pas de décision d’escalade au Liban et que les protagonistes locaux sont d’accord sur le maintien de la stabilité en dépit des tentatives locales et extérieures de susciter des troubles.
Pour cette source, les atteintes à la sécurité resteront maîtrisées tant que les états-majors politiques libanais resteront conscients des dangers et qu’ils seront en mesure de contrôler leurs bases.
Cela étant dit, les risques de dérapage persistent dans la mesure où les fauteurs de troubles cherchent à entraîner le Liban dans la discorde en créant une tension sur le terrain et en lui donnant un caractère sectaire, notamment en mettant face à face l’armée et la communauté sunnite.

Pour un député du Liban-Nord, les événements de ces derniers jours révèlent l’existence d’un complot visant le Liban et la communauté sunnite en particulier parce qu’elle a pris position contre le régime syrien et en faveur de l’opposition en Syrie.

De fait, dans les milieux nordiques, on craint une persistance des tentatives d’escalade, tout comme la diffusion d’informations sur la présence d’el-Qaëda au Liban dans le but d’assimiler les sunnites à l’extrémisme.
Il est vrai que le ministre de l’Intérieur, Marwan Charbel, a réaffirmé qu’il n’existe pas au Liban d’organisation relevant d’el-Qaëda, mais simplement des individus sympathisants. Il a assuré que ses affirmations à cet égard sont fondées sur des données et des informations précises et qu’il ignore sur quoi se fondent ceux qui affirment (comme son collègue de la Défense, Fayez Ghosn) le contraire.

Cependant, Qaëda ou pas, M. Charbel souligne que ses craintes à propos de la déstabilisation du Liban étaient justifiées. Il saisit l’occasion pour renouveler son appel à tous les blocs parlementaires pour qu’ils s’entendent, lors d’une séance extraordinaire de la Chambre, sur la proclamation d’un « état d’urgence politique » dans le pays.
Il s’agirait selon lui d’élaborer « un plan de sauvetage qui assure une couverture politique aux forces de l’ordre, militaires et policières, retire la protection à tout contrevenant et comporte un mécanisme susceptible de maîtriser la présence des armes aux mains des citoyens en prélude à son retrait ».
En cas d’échec de la tentative de mettre sur pied cet « état d’urgence politique », M. Charbel préconise carrément un « état d’urgence militaire » fondé sur l’interdiction des rassemblements sous n’importe quel prétexte et la prohibition du port des armes.

Ces propositions ont été avancées par le ministre lors de la réunion sécuritaire qui a lieu dimanche soir au Grand Sérail, sous l’égide du Premier ministre, Nagib Mikati, dans la foulée de l’incident au cours duquel les deux dignitaires sunnites ont trouvé la mort à un barrage de l’armée dans le Akkar. Les participants à cette réunion étaient convenus de la nécessité d’un plan de sauvetage de ce calibre, surtout après les prises de position radicales de certains milieux sunnites du Liban-Nord à la suite de cet incident que d’aucuns ont comparé au meurtre de Maarouf Saad, en février 1975, à Saïda, qui avait servi de détonateur.
Certes, le courant du Futur s’est opposé à ces positions et s’est employé à calmer les esprits, surtout en ce qui a trait aux rapports avec l’armée, mais un député membre du bloc du Futur ne cache pas sa crainte qu’il n’y ait des débordements.

Pour sa part, une source ministérielle estime que les incidents de ces derniers jours seraient probablement le fruit d’un message syrien clair au Premier ministre pour l’amener à adopter une position plus tranchée en ce qui concerne la crise en Syrie.