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Nos Lecteurs ont la Parole

Un café face aux collines du Metn

« Amis, buvons, mes chers amis buvons,
mais n’y perdons jamais la raison. À force
d’y boire, l’on perd la mémoire. » Charles Aznavour

Dédié à France née au Liban...

Un café bu. Savouré. Une cigarette consumée. Tordue et exténuée au fond d’un cendrier. Soupirs. Volutes évaporées. Je t’écoute toi. Blanche-noire aux sept cadeaux. Du ciel. Exilée comme moi. Perdues. Échouées sans l’avoir choisi dans ce pays du Cèdre. Féroce. Agressif. Traumatisé. Blessé. Je te raconte cette adaptation si difficile. Tu la comprends. Repères déboussolés. Montres déréglées. Soirées mondaines. Superficielles. Souvent inutiles. Énergies dépensées. Inconnus croisés. Épouses scrutées. Analysées. Salives sèches. Énergies brûlées. Tu me racontes cette Saint-Valentin de 2005. La mort de Rafic H. L’explosion. La pulvérisation. Le cratère. Je m’en souviens. Une réunion de chantier en Suisse. Un texto. Le choc. Le Liban si loin. Et proche. À trois heures et demie d’avion. Des amis très chers. Un mari amoureux de ce pays-là. Le champignon atomique. Je l’ai vu. J’ai eu très peur. Téléphones coupés. Juste le temps de prévenir. Vivants sous des plafonds écroulés. J’ai cru que c’était un tremblement de terre. Violence terrifiante. Aveugle. Un tsunami surprise. Ensuite il y a eu 2006. Nous sommes restés. Mon ventre gonflé au bord de l’expulsion. Il a voulu participer au feu d’artifice. À l’ambiance. Plus de lait ni d’essence. Nourriture rationnée. C’est la guerre. Le retour de l’inimaginable. Le flot de réfugiés. Ils sont là. À nos portes ouvertes. Bombardements. Élans de solidarité. Générosité. Un pays mobilisé en urgence. Brasse en eaux familières. Les départs en masse. Solitude. Tristesse. Inquiétude. Je t’écoute. Je me sens légèrement futile. Avec mes colères. Mes doutes. Toi, tu n’es pas partie. Courageuse. Solidaire. Avec cette vie qui tapait en toi. Je regarde ces collines. Le chant des oiseaux printaniers. La piste de l’aéroport brumée. Je veux partir. Tous les jours. Fuir, crier, voler. Je résiste. C’est la faute au sourire du beau maraîcher aux yeux vert émeraude. À celui du petit vieux au regard si profond et sage au coin du chemin. Il me fixe perplexe et digne : reste encore un peu et continue à écrire...

Tahani Khalil GHEMATI
Architecte libyenne et suisse
« Amis, buvons, mes chers amis buvons, mais n’y perdons jamais la raison. À force d’y boire, l’on perd la mémoire. » Charles Aznavour Dédié à France née au Liban...Un café bu. Savouré. Une cigarette consumée. Tordue et exténuée au fond d’un cendrier. Soupirs. Volutes évaporées. Je t’écoute toi. Blanche-noire aux sept cadeaux. Du ciel. Exilée comme moi....

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