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Liban - Interview

Ali Moumen : Sans outils de gestion de l’eau, le Liban et la région se dirigent vers de graves problèmes

Pour la Journée internationale de l’eau, le représentant de la FAO au Liban dresse un bilan de l’action de cette organisation au niveau de la sécurité alimentaire, fortement liée à la bonne gestion de l’utilisation des ressources hydrauliques.

Ali Moumen : « L’augmentation de la demande en eau dans le monde a progressé deux fois plus vite que la croissance démographique. »

Cette année, comme le note le représentant de la FAO au Liban, Ali Moumen, la Journée mondiale de l’eau est placée sous le thème de la sécurité alimentaire. Eau et sécurité alimentaire sont liées, d’une part parce que l’agriculture dépend en grande partie de l’irrigation, et d’autre part parce que la qualité et la disponibilité de l’eau potable continuent d’avoir une incidence sur la santé mondiale. « Il y a un chiffre qui est l’indicateur d’une réalité inacceptable : 4 000 enfants meurent chaque jour dans le monde de maladies liées à la mauvaise qualité de l’eau consommée, souligne M. Moumen. Une personne sur six ne mange toujours pas à sa faim. Et la population mondiale devrait atteindre les 9 milliards d’ici à 2050. La gestion de l’utilisation de l’eau s’impose donc. »


« Cette problématique est particulièrement d’actualité dans une région (le Moyen-Orient) très pauvre en eau, notamment dans un contexte de changement climatique qui menace d’aggraver la désertification », poursuit-il.
Pour mieux préserver les ressources hydrauliques, M. Moumen préconise la rationalisation de l’utilisation de l’eau. « Pour ne citer qu’un chiffre, très significatif, rappelons que l’augmentation de la demande en eau dans le monde a progressé deux fois plus vite que la croissance démographique, dit-il. Comme nous sommes dans une région où la moyenne d’alimentation en eau est bien inférieure à la moyenne mondiale, il est indispensable de mettre au point des outils de rationalisation de l’utilisation de l’eau. Dans le cas contraire, à l’horizon de 2025, nous risquons de connaître de sérieux problèmes, même au Liban qui paraît, d’emblée, épargné, étant donné ses ressources plus abondantes. Il s’agit, pour nous, d’instaurer une bonne gouvernance de l’eau. »

70 % de l’eau pour l’agriculture
Le responsable onusien ajoute que le problème se pose avec plus d’acuité au niveau du secteur agricole qui, en moyenne, consomme 70 % des ressources hydrauliques (comme au Liban), un taux qui peut atteindre 95 % dans certains pays en développement. « Voilà pourquoi nous concentrons le gros de nos efforts sur le secteur agricole, dit-il. Nous tentons d’introduire de nouvelles techniques d’irrigation, plus économiques en eau. Celles-ci supposent un certain niveau de technicité. Leur introduction dans les pays s’accompagne donc de sessions de formation des techniciens. Nous misons aussi sur la sensibilisation. Il existe, à titre d’exemple, une méthode très peu pratiquée au Liban, qui est la réutilisation des eaux usées traitées. »


Pour renforcer cette sensibilisation, la FAO a mis en place des projets concrets telle une station d’épuration des eaux usées dans la Békaa, afin d’initier les agriculteurs à la réutilisation de l’eau épurée. « Nous expliquons aux agriculteurs que l’utilisation de cette eau ne représente pas de risques, précise M. Moumen. De plus, cette méthode permettrait d’augmenter les superficies irriguées. Au Liban, 50 % des terrains irrigables sont cultivés, une bonne moyenne pour un pays de cette région. Notre souhait, c’est que ce taux s’élève à 80 ou 90 %. L’irrigation améliorerait ainsi la production et le rendement ce qui, en retour, réduirait la dépendance à l’importation qui représente, au Liban, 80 % de ce qui est consommé. »


Quelle est la réaction des autorités libanaises quand une organisation comme la FAO aborde avec elles de tels problèmes, sachant que le pays est très en retard dans la construction d’infrastructures hydrauliques ? « Je constate qu’il y a de plus en plus de sensibilisation à ces problèmes, répond-il. Je suis en poste au Liban depuis cinq ans. Au début de mon mandat, je sentais qu’il n’y avait pas de volonté concrète de faire du secteur agricole un secteur qui contribue à l’économie nationale, quand on le compare à celui des services par exemple. Aujourd’hui, à travers quelques indices, on décèle une nette prise de conscience. Peut-être a-t-elle à voir avec la crise de l’augmentation des prix des denrées agricoles mondiales en 2007-2008. Il y a eu une réaction similaire dans beaucoup d’autres pays, notamment en Afrique, où l’on s’est retrouvé dans une situation d’insécurité alimentaire qui s’est muée en insécurité sociale. Au Liban, cette question revêt d’autant plus d’importance que le pays est en négociation pour intégrer l’Organisation mondiale du commerce (OMC), d’où le besoin d’avoir un secteur agricole compétitif. »

Renforcer le contrôle aux frontières, une nécessité
Les agriculteurs se montrent-ils coopératifs au niveau des programmes mis en place ? « Ils le sont, répond M. Moumen. En 2006, le pays avait souffert de la guerre, notre action d’urgence auprès des agriculteurs consistait surtout à leur donner les moyens de se remettre sur pied, et, indirectement, à freiner l’exode rural. Aujourd’hui, nous sommes sortis de cette phase. Nous travaillons actuellement sur deux genres de projets : d’une part, améliorer le rendement agricole. D’autre part, nous contribuons à la restructuration du secteur en conformité avec les directives de plusieurs accords et conventions internationaux auxquels le Liban a souscrit ou veut souscrire, et avec les exigences du commerce mondial. »


Ainsi, la FAO aide à revoir tout le dispositif légal en rapport avec l’agriculture, contribuant à développer les textes de loi qui incluent des directives sur l’utilisation de l’eau, du point de vue quantitatif et qualitatif. Elle vise en outre, selon M. Moumen, à « améliorer le contrôle aux frontières et le soumettre à des critères scientifiques mondiaux, comme les analyses en laboratoire, l’harmonisation des prérogatives des différentes administrations dans le domaine du contrôle alimentaire, etc. ». « La FAO est également concernée par la dissémination de l’information, ainsi que par le renforcement des outils techniques et scientifiques, ajoute-t-il. À titre d’exemple, l’inspection aux frontières nécessite des outils d’investigation. » Les derniers scandales sur les produits avariés au Liban mettent en relief un tel besoin...


« Un pan crucial de notre travail est le renforcement des laboratoires d’analyse des aliments, poursuit-il. Par renforcement, je ne signifie pas simplement une modernisation des équipements, mais la formation du personnel au travail en conformité avec des protocoles internationaux, afin de produire des bulletins d’analyse crédibles. Nous allons jusqu’à la phase de l’accréditation des laboratoires. Il y a beaucoup à faire, mais le plus important, c’est la volonté d’aller de l’avant qui facilite la tâche d’une organisation internationale telle que la FAO. »


Enfin, conclut le représentant de la FAO, outre les projets nationaux, cette organisation onusienne met en place des projets régionaux qui visent à harmoniser les outils de gestion de l’eau et de sécurité alimentaire dans des pays qui partagent certaines spécificités.

Cette année, comme le note le représentant de la FAO au Liban, Ali Moumen, la Journée mondiale de l’eau est placée sous le thème de la sécurité alimentaire. Eau et sécurité alimentaire sont liées, d’une part parce que l’agriculture dépend en grande partie de l’irrigation, et d’autre part parce que la qualité et la disponibilité de l’eau potable continuent d’avoir une...

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