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Nos Lecteurs ont la Parole

La tragédie de Fassouh

Pourquoi pas une mobilisation ?

Scandale dans ce Beyrouth endeuillé. Je me demande pourquoi nous ne nous mobilisons pas.
La stupeur nous a-t-elle coupé toute velléité de réaction ?
Sommes-nous contaminés par le « jenfoutrisme » de l’État libanais, souillés à jamais, incapables de la moindre compassion nous poussant à l’acte ?
Sommes-nous déjà dépossédés de toute humanité ?
Non, ce n’était pas une guerre qui a provoqué l’écroulement de l’immeuble de Fassouh ni une implosion israélienne, mais bel et bien l’inconscience et la criminalité d’une certaine classe de Libanais se calquant sur les modèles corrompus et véreux de pas mal de nos entreprises.
Ce soir, un jeune sourd-muet, élevé dans son jeune âge à l’IRA, est mort avec sa grand-mère avec qui il habitait. Ce soir, un jeune choriste a disparu dans les décombres, écrabouillé par les gravats alors qu’il fredonnait sans doute les dernières paroles d’une chanson. Ce soir, comme eux, d’autres malheureux, une jeune Anne-Marie,16 printemps, Éva et sa machine à coudre, et tant d’autres anonymes encore, ouvriers et travailleurs étrangers, à la recherche chez nous de jours meilleurs, ont été emportés brutalement par une mort ravageuse.
Pourquoi ?
Ils auraient pu être l’un des nôtres, un frère, une sœur, une fille, une mère, une grand-mère, une tante, un oncle... Ou peut-être pas, car l’immeuble était vétuste, car s’y était installé la loi du plus fort, car ils n’avaient aucun autre recours, car tout simplement ils vivaient humbles, dans l’ignorance de la foudre qui allait leur tomber sur la tête...
Et toi mon cher compatriote, laisseras-tu tout cela passer sous silence ?
Nourri d’exactions dans un État de non-droit, tu hausses les épaules le cœur lourd, car tu es sensible au drame, même si aucun des tiens n’est touché. Mais de là à te soulever, c’est un trop grand pas car tu croules et tu courbes l’échine devant les irrationalités quotidiennes que tu gobes. Car tu l’aimes, ce pays, tu y es relié par un cordon ombilical invisible qui lacère ta chair et te maintient en apesanteur, si bien que tout coule sur ta peau devenue imperméable au malheur des autres, par la force des choses.
Saturé par vingt ans de guerre puis par des luttes intestines politiques et sociales, tu survis en apnée, tu te raccroches aux bouées de fortune, à la philosophie du « maktoub » ou de celle de la « volonté de Dieu ».
Pas ta faute.
Il faut bien se rendre à l’évidence, tu as trop enduré, trop courbé l’échine, trop ployé sous les diverses tempêtes et tu n’aspires plus qu’à survivre dignement. Victime toi aussi, allaité au manque de civisme et de rationalité tu ne sais plus quelles normes adopter.Tu ne reconnais plus le vrai du faux, les normes sont devenues hors normes. Tout devient acquis, que cela plaise ou pas.
Et toi mon citoyen, citoyen de bon droit, sauras-tu sortir de ton hypnose pour dire « kafa ! »
« basta ! » « enough ! », « ça suffit ! » ?
Pourras-tu entamer une nouvelle aube en sachant que, quoi qu’il arrive, tes droits seront toujours bafoués si tu ne te décides pas à tirer la sonnette d’alarme ?
Tes droits, certes, mais tes devoirs aussi. Sauras-tu les respecter ?
Droits, devoirs, te souviens-tu ?
Et si, demain, nous décidions de fermer boutiques, banques, bureaux de poste, et si nous entamions une journée de protestation, et si nous clamions tout haut et tout fort : « Assez, assez, assez. » Et si nous nous recueillions pour ces morts innocents de l’immeuble Fassouh en attendant que notre ras-le-bol déclenche en nous le citoyen rigoureux qui exige son État de droit ?
Et si nous répondions tous présents ?

Najla Misk MALHAMÉ

 

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Tous devant les caméras


« Ils sont venus, ils sont tous là »...Tout le monde connaît la chanson d’Aznavour et tout le monde sait pourquoi ils sont venus : quelqu’un est mort.
Chez nous aussi. Il y a un mort ? Ils sont tous là. Et c’est à qui montrera plus de soutien et de tristesse. Mais la pire des choses, c’est quand il y a une catastrophe comme celle de dimanche dernier (l’effondrement de l’immeuble du secteur Fassouh, NDLR). Ils viennent tous et se doivent de passer devant les caméras. Qui sera celui qui parlera le mieux ?
Qui sera celui qui plaira le plus ? Qui sera celui qui se montrera le plus critique ?
Pourquoi ? Comment ? Qui ?
Le peuple ne comprend plus ni le pourquoi, ni le comment, ni le qui.
Il y a celui qui est mort et celui qui survit, on ne sait jusqu’à quand. Il y a aussi celui qui se demande pourquoi la presse rebat les oreilles de ceux qui écoutent et qui regardent la télé en rappelant à tout moment que tel homme politique était là et il a dit ceci et cela...
La Défense civile a fait de son mieux mais faute de moyens, ce n’était pas assez. Mais où donc va l’argent du contribuable ? Pas trop de questions : tout le monde sait où il va, l’argent.
Les propriétaires d’immeubles sont responsables, pas ceux qui édictent les lois concernant les loyers.
Il y a même des locataires responsables !
Tout le monde est responsable sauf les dirigeants de ce pays.
Y en a marre : tel est de l’avis général. Et la responsable des Verts, Nada Zaarour, l’a bien dit à la télé.
Soyez responsables et vous ne vous mettrez plus dans des situations pareilles.

 

Elsie EL-KHOURY

 

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Non-assistance à peuple en danger

Il aura fallu que Charbel, Fadi, Geryès, Anne-Marie et 27 autres meurent pour réveiller leur conscience. Il aura fallu plus d’une cinquantaine de blessés et brûlés pour les faire sortir de leur torpeur. Il aura fallu des familles entières ravagées par la douleur, sans abri, dans le dénuement le plus total, pour les secouer et les décider à réagir. Car chez nous, ce n’est que face à la mort que les consciences se réveillent. Ce n’est que face à la douleur que les querelles cessent, et que ce n’est que face à l’ampleur d’une catastrophe que nos responsables se tournent enfin vers leur peuple. Car la misère de ce peuple ne les concerne pas. Les malheurs du citoyen ne les émeuvent pas. La sécurité de sa jeunesse ne les touche pas.
Plus d’un an que les citoyens crient au danger du pont de Jal el-Dib, mais leurs plaintes tombent dans les oreilles d’un sourd. Plus d’un an que les automobilistes empruntent ce pont, flirtant avec la mort, sous le regard indifférent des responsables. Plus d’un an que le peuple attend une loi, un décret, une action, pour éviter le carnage, mais aucune décision n’était prise. Car chez nous, il faut d’autres morts, d’autres victimes, d’autres catastrophes, pour faire réagir nos responsables. Il faut d’autres Charbel, d’autres Fadi, Geryès et Anne-Marie pour les pousser à délaisser leurs querelles, oublier leurs intérêts et s’occuper de leur peuple.
Aujourd’hui, il faut que nos chefs se rappellent que leur silence et leur indifférence ont tué Fady, Charbel et Anne-Marie et qu’ils sont surtout accusés de non-assistance à un peuple en danger.

 

Lamia SFEIR DAROUNI

 

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Si dame nature opère...

... L’insouciance de l’homme coopère...
Suite aux millions de contrôles techniques inopinés assurés par dame nature qui a copieusement arrosé notre chère ville ces derniers jours, secondée par l’insouciance et le manque de conscience de l’homme, le rapport est tombé.
Des terrasses qui se nomment en réalité des piscines, des espaces construits qui deviennent des lacs, des routes et des accès équipés de canalisations d’évacuation qui ne jouent en rien leur rôle, d’anciens immeubles lézardés et voués à périr et faire périr...
À qui incombe vraiment la responsabilité ? Un vieil immeuble qui s’effondre en plein milieu de la ville, c’est normal me diriez-vous, c’est un ancien immeuble, bientôt centenaire ! Mais est-ce normal aussi qu’il n’y ait aucune réglementation guidant la réparation et la restauration de tels immeubles ?
Oui, cette tragédie aurait pu être évitée si le propriétaire avait pris en considération la mise en garde des habitants, si la conscience humaine se réveille et surpasse l’appât du gain matériel, si notre cher gouvernement réagit pour arrêter cette dégradation tant sur le plan moral que sur le plan humain.
Les erreurs du passé, sous raison d’enrichissement et de développement nécessaire aux hommes, leur rappelleront plus souvent que des corrections seront à faire, ou seraient déjà trop en retard.
En ce domaine comme dans tout autre d’ailleurs, c’est au pied du mur et les pieds dans l’eau que beaucoup commencent seulement a réagir. Quand les règles et les lois pondent alors des codes, c’est souvent par un empirisme évident, qui soulève les questions que ne voulait voir préalablement personne. La logique avant aurait-elle un prix plus élevé que celui des victimes après ? Le laxisme des hommes est-il une part du destin ?

Ralda KARAM

 

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Un message de Anta Akhi

Comme tous les Libanais, nous suivons depuis dimanche soir les nouvelles concernant l’immeuble qui s’est effondré à Achrafieh, et les travaux de dégagement des décombres, dans l’espoir de trouver des survivants.
Depuis le drame, tous les médias font des descriptifs des recherches, des bilans des corps trouvés, et des témoignages de survivants qui ont plusieurs fois exprimé leur besoin d’aide, ne serait-ce qu’en vêtements, médicaments, logement.
À Anta Akhi, nous nous sentons concernés par ce grand drame qui n’a épargné ni locataires libanais ni étrangers. Et nous trouvons normal de vouloir venir en aide aux survivants, pour réduire leurs problèmes concrets, dans la mesure de nos moyens.
De ce fait, nous avons essayé de contacter diocèses, paroisses et moyens médiatiques pour savoir qui fait pont entre les besoins des sinistrés et les Libanais qui, comme nous, sont préoccupés par ce que vivent ces gens et leurs problèmes urgents.
N’ayant pas trouvé d’instances après plusieurs contacts à paroisses, médias, nous nous sommes permis de nous adresser à L’Orient-Le Jour car nous croyons qu’il est dans la mission des médias de rechercher qui fait pont entre les sinistrés et leurs besoins urgents, et la population qui se sent concernée.
Si chacun de nous se met à la place d’un des sinistrés étrangers ou libanais qui, dans ce froid, se trouvent sans vêtements, sans alimentation, sans toit, est-ce qu’il attendrait des mois pour trouver une issue organisationnelle permettant la mobilisation des bonnes volontés ?
Nous aurions souhaité que les médias, à travers les heures passées sur les lieux du drame, s’occupent de donner aux Libanais, qui ont envie de faire leur part face à cette tragédie, un numéro de téléphone, un nom, un groupement ecclésial ou social fiable pour qu’ils puissent réagir au plus vite face à cette urgence.

Yvonne CHAMI
Au nom de l’équipe de Anta Akhi

 

 

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La liberté de pensée

Envahis par les montagnes d’ordures
Immobilisés dans le trafic
Dans le noir grâce à l’électricité déficiente
Dans la mouise compte tenu des salaires stationnaires
Malades de peur de tomber malades, vu le coût du système hospitalier
Et surtout quid de nos voisins ? se demande-t-on chaque matin
Mais nous avons la liberté, la liberté de penser
Et cette faculté-là, il faut en profiter
Il est urgemment demandé à tout citoyen doté de vision de réfléchir à des solutions visant à sortir de l’ornière, et à tout autre citoyen doté de moyens d’aider à leur exécution.
Car, finalement, c’est un pays où il fait bon vivre. Mais laissé à la dérive, c’est-à-dire aux politiciens, ce ne sera pas pour longtemps....

Dolly TALHAMÉ

 

 

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À la mémoire d’un ange

Un soir de janvier,
Alors que rien n’était préparé
Ni les âmes partant au ciel,
Ni les prières sacrificielles.
En plein milieu de Beyrouth,
Tous ont fait demi-route,
Avec l’effondrement du bâtiment,
Qui a causé plein de tourments
Et des cœurs en piteux état,
Qui nous laisse noyés sous les dégâts.
Hier, plus de 27 tués,
Plus de 30 blessés,
Sur une terre, à Achrafieh,
Il ne reste que des âmes éplorées,
Et des larmes amères,
Qui font plus qu’une mer.
Les fleurs sont fanées,
Les paroles de sens vidées,
Pour exprimer,
la peine des bien-aimés
Prions aujourd’hui,
Pour autrui,
Qui nous ont quittés,
Pour rejoindre Jésus dans le ciel étoilé.

Vanessa EPHREM
Pour les victimes de Fassouh, surtout notre petite Anne-Marie Abdel Karim

 

 

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Qui est responsable


À Beyrouth un immeuble s’effondre.
Qui est responsable ?
Le législateur n’est pas responsable.
La municipalité n’est pas responsable.
Le propriétaire n’est pas responsable.
Les habitants ne sont pas responsables.
Personne n’est responsable.
Pourtant tout le monde savait.
Pour cet immeuble et pour les autres qui attendent.
Tout le monde sait et personne ne fait rien.
Chronique d’une mort encore une fois annoncée.
Un immeuble à l’image du pays, menacé de s’effondrer.
Et personne ne fait rien.
Personne n’est responsable.

Nada SEHNAOUI

 

 

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Martyrs de la négligence

Un ancien immeuble d’Achrafieh des années 1940 vient de s’écrouler. Premier martyr : une jeune fille de quinze ans, et le nombre de tués est toujours inconnu. Que Dieu ait leurs âmes.
Première responsable de cette tragédie : une municipalité qui ne veut pas interdire d’édifier des tours de vingt à cinquante étages à côté d’anciennes bâtisses à moitié démolies, et dans des ruelles. Et il vous suffit de constater l’exemple de ces deux immeubles de la rue Sodeco, l’un en ruine et prévu pour être un musée de souvenirs mais toujours non restauré, qui s’ effondrera sûrement un jour sur la tête des passants ; le second en construction assez haut pour défier le ciel de Beyrouth, comme le veulent les promoteurs.
Seconds responsables : des députés qui discutent du sexe des anges dans la nouvelle loi des loyers. En attendant, le propriétaire ne peut pas payer un pas-de-porte pour le locataire, obligé celui-là de loger dans un local en piteux état. L’un de nos plus brillants députés de Beyrouth, lors d’un débat télévisé, a proposé que les anciens propriétaires d’Achrafieh soient délogés dans la région de Karm el-Zeitoun, dans ces anciennes maisons insalubres. Une façon comme une autre de se faire réélire, croit-il...
Et que dire de ce gouvernement chargé, dirait-on, d’expédier les affaires courantes quand tout lui échappe ? Que dire aussi de ces juges qui ne tranchent jamais en faveur ni du locataire ni du propriétaire ?
Quant à notre Défense civile, quand sera-t-elle dotée d’un équipement moderne ?
Enfin saviez-vous que, selon plusieurs experts, 70 % des immeubles de la capitale s’écrouleront en cas de séisme de 7 degrés, sans oublier la banlieue sud et la région des Sablons bâtie, comme son nom l’indique, sur du sable ?
Pays d’irresponsables.

Antoine SABBAGHA

Pourquoi pas une mobilisation ? Scandale dans ce Beyrouth endeuillé. Je me demande pourquoi nous ne nous mobilisons pas.La stupeur nous a-t-elle coupé toute velléité de réaction ? Sommes-nous contaminés par le « jenfoutrisme » de l’État libanais, souillés à jamais, incapables de la moindre compassion nous poussant à l’acte ? Sommes-nous déjà dépossédés de toute...

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