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Nos Lecteurs ont la Parole

Le rire de l’indifférence

Marwan HARB
À la télévision aujourd’hui prévaut une certaine modalité du rire à laquelle plusieurs téléspectateurs sont allergiques. Nous vivons sous le déferlement de l’hilarité perpétuelle.
On vous dira que c’est le signe de l’existence de la liberté au Liban et c’est dans l’excès de cette liberté qu’elle devient réelle. Il faudrait mieux un excès de liberté qu’un défaut de liberté. C’est exact.
Cependant, il faudrait préciser que la satire en tant que modalité du rire a sa place. Simplement, il y a une exigence à la satire, c’est qu’elle soit ponctuelle et en même temps non sélective dans sa sélection du risible. La dérogation à la règle de la satire révèle l’instrumentalisation du rire, qui devient le moyen privilégié pour ridiculiser l’autre et sa différence. Sa pensée, son choix, tout ce qui n’est pas semblable devient risible – l’attitude typique d’un extrémisme implicite. « On rit mal des autres quand on ne sait pas d’abord rire de soi-même », comme le dit si bien Paul Léautaud. 
L’humour qui, par définition, ébranle l’autorité, remet en cause le consensus lénifiant, dérègle les unions sacrées, qu’elles soient morales, politiques ou religieuses, se transforme donc en propagande extrémiste qui désavoue à coups de caricature les opposants politiques, les arriérés, les retardataires, tous ceux qui contreviennent, par leurs choix politiques aux évidences « politico-scientifiques » imposées par les gourous politiques des médias.
La liberté, et partant la liberté du rire, est totale ou n’est pas. Ériger des personnalités politiques au rang du sacré, comme intouchables par la risée humaine tout en s’acharnant sur les hommes politiques rivaux en les ridiculisant révèle l’image de partis politiques sclérosés, qui n’imaginent le dialogue politique que par le ridicule.
Par le fait, le déferlement de cette hilarité perpétuelle n’est qu’un alibi instrumentalisé par l’establishment politique qui rit d’une société qui rit des souffrances qu’il lui fait subir. 
Tout est bon pour rire, vous dira un homme politique, tant que vous ne me posez pas la question : de quoi je ris. Aujourd’hui, précisément, notre société, en riant des hommes politiques, ne rit jamais d’elle-même.
Un jour on nous a fait croire que nous sommes voisins avec la Lune et que notre Liban est une partie d’un paradis céleste. Mais il est apparu que la lumière de notre voisine la Lune n’a servi que pour infiltrer les ruelles de Beyrouth pour récupérer les corps des combattants, et que cette partie du paradis a été depuis longtemps délaissée par Dieu aux anges de la désolation.
Ce dont on rit aujourd’hui est notre souffrance de demain.

Marwan HARB
À la télévision aujourd’hui prévaut une certaine modalité du rire à laquelle plusieurs téléspectateurs sont allergiques. Nous vivons sous le déferlement de l’hilarité perpétuelle.
On vous dira que c’est le signe de l’existence de la liberté au Liban et c’est dans l’excès de cette liberté qu’elle devient réelle. Il faudrait mieux un excès de liberté...

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