Rechercher
Rechercher

Liban - Loi électorale - Pour en finir (une bonne fois pour toutes) avec la proportionnelle

I – La République des hypocrites


Qu’y a-t-il de plus légitime pour un président de la République libanaise que de vouloir disposer d’un outil parlementaire susceptible d’apporter de la consistance à la dernière année de son mandat et, au-delà, lui fournir les moyens de poursuivre une carrière politique ?
Rien, absolument rien, n’est interdit ou inavouable dans un tel dessein. Cela pourrait même être souhaitable dans la mesure où, contrairement à ce que l’on annone sans arrêt depuis Taëf, l’affaiblissement de la présidence est dû davantage à l’absence de poids politique propre des locataires qui se sont succédé à Baabda qu’à la réduction des prérogatives constitutionnelles de la première magistrature.
Or il y a deux façons de peser politiquement au Liban : soit en disposant d’un bloc de députés à la Chambre, ce qui est le critère normal dans un pays démocratique ; soit, hélas, en déployant une force de facto sur le terrain... Et si l’on a les deux, on est plus fort que l’État, quoi qu’en dise la Constitution.
L’ambition de mettre un pied au Parlement est donc, en soi, plus qu’un droit pour le président ; c’est une idée tout à fait pertinente. Mais qu’il faille, pour espérer atteindre cet objectif, persuader tout le monde que la proportionnelle est un bon système pour les élections législatives au Liban revient à cautionner le détestable adage selon lequel la fin justifie les moyens.
S’il est une chose certaine, c’est que la proportionnelle permettrait, en effet, d’ouvrir la voie de la législature à une toute petite poignée de députés réfractaires aux majorités établies au sein de chaque communauté. C’est d’ailleurs l’unique aspect positif, quoique très partiel, qu’aurait ce mode de scrutin au Liban.
À ce stade, comment ne pas constater l’hypocrisie qui se manifeste dans la plupart des milieux politiques à chaque fois qu’il est question de proportionnelle ? Pour beaucoup de Libanais qui luttent contre les formes archaïques du pouvoir encore dominantes dans ce pays, la proportionnelle est synonyme de changement, de modernité. Rares sont donc les hommes politiques qui osent s’y opposer frontalement, à l’exception bien sûr de ceux pour lesquels elle serait pratiquement mortelle, à l’instar de Walid Joumblatt.
Mais considérons par exemple le cas du général Michel Aoun et de son bloc du Changement et de la Réforme. Leur discours au sujet de la proportionnelle est empreint d’une tonalité compassée et sibylline qui donne à penser que c’est la dernière chose au monde qu’ils voudraient voir adoptée, mais qu’en bons chantres du « changement » et de la « réforme », ils ne peuvent qu’en vanter les qualités théoriques.
En réalité, il n’est pas difficile d’observer que les raisons qui poussent le chef de l’État à vouloir la proportionnelle sont exactement celles qui sont censées inciter les aounistes à la rejeter. Car où donc le président pourrait-il, à la faveur de la proportionnelle, puiser son lot de sièges parlementaires sinon dans celui du général Aoun ?
Et ce qui vaut pour les aounistes vaut également pour les autres mastodontes du Parlement, tels le bloc du Futur et surtout le tandem Amal-Hezbollah. On voit mal, en effet, le duo chiite – contraint depuis des années à taire ses rivalités intrinsèques afin de transformer les régions chiites en un glacis électoral où il est presque aussi illusoire pour un intrus de faire acte de candidature que de percer dans les résultats – accepter sur un coup de cœur d’entrouvrir ainsi sa porte.
Quant à M. Joumblatt, ce n’est pas un simple courant d’air que la proportionnelle risquerait de provoquer chez lui, mais un véritable tsunami, du fait de la démographie particulière et du fragile équilibre de la Montagne, où les druzes sont pratiquement minoritaires jusque dans leurs propres fiefs.
Partant de toutes ces considérations, le spectacle de la classe politique faisant à longueur d’année les éloges de la proportionnelle puis la mettant au rancart dans le dernier quart d’heure avant les élections a quelque chose de loufoque.
Mais bien au-delà du rire, c’est une véritable tragédie que cette farce de la proportionnelle met en lumière, celle de l’égoïsme politique, de l’incompréhension, voire de l’intolérance que les Libanais continuent de manifester les uns envers les autres, personne ou presque n’ayant jusqu’ici daigné proposer une loi électorale qui convienne réellement à tout le monde.

Prochain article :
II – Fausses vérités et autres duperies
Qu’y a-t-il de plus légitime pour un président de la République libanaise que de vouloir disposer d’un outil parlementaire susceptible d’apporter de la consistance à la dernière année de son mandat et, au-delà, lui fournir les moyens de poursuivre une carrière politique ? Rien, absolument rien, n’est interdit ou inavouable dans un tel dessein. Cela pourrait même être souhaitable...
commentaires (4)

Il n'y a qu'un seul moyen de contourner le problème et c'est l'organisation de 64 circonscriptions Chrétiennes et 64 circonscriptions musulmanes celles-ci divisées en Chiites, Sunnites & Druzes. Dans les circonscriptions Chrétiennes, afin de faire un pas vers l'abolition du communautarisme, il ne faut plus qu'il y ai de quota basé sur le rite. N'importe quel Chrétien doit pouvoir représenter son pays a toutes les positions ou et quelles qu'elles soient, de la Présidence au plus petit employé gouvernemental, car je ne pense pas qu'un Maronite soit plus capable ou patriote qu'un Catholique ou un Orthodoxe et vice versa.

Pierre Hadjigeorgiou

05 h 51, le 10 novembre 2011

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • Il n'y a qu'un seul moyen de contourner le problème et c'est l'organisation de 64 circonscriptions Chrétiennes et 64 circonscriptions musulmanes celles-ci divisées en Chiites, Sunnites & Druzes. Dans les circonscriptions Chrétiennes, afin de faire un pas vers l'abolition du communautarisme, il ne faut plus qu'il y ai de quota basé sur le rite. N'importe quel Chrétien doit pouvoir représenter son pays a toutes les positions ou et quelles qu'elles soient, de la Présidence au plus petit employé gouvernemental, car je ne pense pas qu'un Maronite soit plus capable ou patriote qu'un Catholique ou un Orthodoxe et vice versa.

    Pierre Hadjigeorgiou

    05 h 51, le 10 novembre 2011

  • Résumons en bref la situation actuelle . Il existe deux blocs parlementaires confessionnels qui font la politique l' un chiite l' un sunnite et toutes les autres confessions tournent autour d' eux . Il faudra donc songer à abolir ce suivisme gratuit avant de songer à toute nouvelle réforme comme la proportionnelle ou autres . Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    05 h 28, le 10 novembre 2011

  • C'est une proportionnelle de polichinnerie. La constitution communautaire du pays requiert que chaque communauté élise ses propres représentants au Parlement. Mais, si on veut être équitable, seuls les Cantons à la Suisse, avec garantie des Pays Arabes et des Nations Unies, et un gouvernement central, peuvent garder le pays UNI et faire règner définitivement la paix et l'équité dans le pays des Cèdres. Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    03 h 14, le 10 novembre 2011

  • - - Comme d'habitude , le bloc du futur et son chef , sont épargnés dans votre analyse analyse électorale . Néanmoins , je vous rappelle que le président Sleiman , puisque c'est de lui qu'il s'agit , est un président consensuel et apolitique , d'où son élection et selon Taef . Je vous rappelle aussi , que toutes les autres communautés sont représentées au pouvoir par le gagnant des élections , celui qui représente leur communauté , dont le parti a requis le plus grand nombre de députés , sauf la communauté Maronite , qui n'a pas fini de faire des concessions depuis Taef .. Il est anormal , qu'un président " consensuel " en exercice , se lance en politique et dans les élections depuis son palais ! Par contre ce qui est normal , c'est qu'un député ou un simple citoyen " maronite" puisque c'est d'eux qu'il s'agit , soit candidat , et forme des listes au nom de son parti politique , les gagne et devienne président de la République , après élection bien sur , contrairement à chaque fois , et depuis Taef , qu'il y a une élection Présidentielle , le pays en entier entre dans une crise politique , et attende la décision et le bon vouloir du Sunnite Hariri et du Druze Joumblatt , pour connaître leur candidat ' consensuel " qui ne les provoque pas par sa force politique , et ne provoque surtout pas leurs décideurs et bienfaiteurs Saoudiens & co .

    JABBOUR André

    02 h 07, le 10 novembre 2011

Retour en haut