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Couverture spéciale de la révolte en Libye - Libye

"S'il te plaît, pardonne-moi, j'étais forcé de le faire"

Quand un Kadhafiste tombe nez à nez avec un rebelle, à Tripoli.

A Tripoli, les habitants fêtent le premier Eid al-fitr après la chute du régime de Mouammar Kadhafi. Youssef Boudlal/

C'est par hasard que Nizar Hussein, un rebelle qui arrive de Zawiyah, tombe sur un membre de la garde prétorienne de Kadhafi à Tripoli. L'homme est stressé, tente de s'expliquer, prêt à donner n'importe quoi pour être épargné. « S'il te plait, pardonne moi, j'étais forcé de le faire », déclare-t-il.

Nizar Hussein vient pour la première fois à Tripoli depuis que la capitale est tombée. Quelques palabres dans la rue. Et soudain, le face-à-face : d'une maison, dans un quartier proche du quartier de Bab al-Aziziya, l'homme sort. C'est un membre d'une brigade de la force la plus loyale à Mouammar Kadhafi, selon le rebelle. Il sévissait à Zawiyah, ville côtière à 40 km à l'ouest de Tripoli. Pas d'autre choix pour lui que de s'expliquer. Il commence par nier : « Je suis innocent », puis s'excuse auprès du rebelle armé d'une kalachnikov et d'un pistolet. « Je voulais juste une voiture. Les forces de Kadhafi disaient qu'ils donneraient des voitures, de l'argent, des maisons aux volontaires. J'ai des enfants, je suis avec vous », tente-t-il.

« Ne le touche pas », intervient un membre du comité populaire monté par les jeunes rebelles du quartier, Mohamed el-Fezzani, à l'adresse du rebelle. « Les nouvelles autorités se chargeront de lui. Ne dis à personne où il se trouve. Des gens sont peut-être furieux parce qu'il a tué leur père ou leur mère ».

L'échange se finit sans cris, sans violences. « Je peux te donner n'importe quoi, n'importe quand. S'il te plait pardonne-moi », plaide l'homme âgé d'une quarantaine d'années. « Ne t'inquiète pas », répond froidement Nizar Hussein. Mais en partant, le rebelle, ancien militaire des forces spéciales âgé d'une trentaine d'années, explose. « Il était à Zawiyah. Je les ai vus lui et son groupe sur la Place verte. Il a tué, kidnappé, violé, répète-t-il en criant. Personne ne savait où il se cachait. J'ai envie de le tuer pour tout ce qu'il a fait. Il mérite de mourir ».

Pendant ce temps, dans sa maison, le père, Youssef, qui refuse de donner son nom de famille par peur de représailles, plaide sa cause auprès du membre du comité populaire. « Pour le problème concernant mon fils, tu dois faire quelque chose, trouver une solution pour la sécurité », demande-t-il. Ici, comme ailleurs, des check-points sont dressés à l'entrée et à la sortie du quartier, les voitures sont arrêtées, les non riverains interrogés sur leur destination, la famille qu'ils viennent visiter. En cas de problème, et alors que des membres des forces loyalistes ont été violemment matraqués par des rebelles dans les jours qui ont suivi leur entrée dans la capitale, le père compte sur ses voisins, pour la plupart membres de la rébellion. « Cela fait 45 ans que j'habite ici, s'il se passe quelque chose j'irai les voir ».

Lui, était membre d'un « comité révolutionnaire », pilier du régime, selon les rebelles. Il ne le dit pas, reconnaît seulement qu'il travaillait « avec les militaires ». Mais contrairement aux autres familles pro-Kadhafi de son quartier, qui pour la plupart ont fui les lieux, il est resté chez lui. « Je ne suis pas le seul pro-Kadhafi dans le quartier. Tout le monde l'aimait, tout le monde le soutenait. C'était obligé tant que ses forces étaient présentes. C'était le président de ce pays et moi je suis juste un citoyen. Avant j'étais loyal à Kadhafi, maintenant je le serai aux révolutionnaires », explique-t-il.

Pas très à l'aise, Youssef dit qu'il n'a pas peur. Qu'il attend de voir. Que pour le moment « ça va » avec les rebelles, qu'ils apportent des vivres, de l'eau aux habitants. Mais quand même, sa vie, pendant l'ère Kadhafi, « elle était bien », dit-il du bout des lèvres. « Je vivais confortablement, j'avais un chèque à la fin de chaque mois, je mangeais, j'allais travailler, c'était la paix ».

C'est par hasard que Nizar Hussein, un rebelle qui arrive de Zawiyah, tombe sur un membre de la garde prétorienne de Kadhafi à Tripoli. L'homme est stressé, tente de s'expliquer, prêt à donner n'importe quoi pour être épargné. « S'il te plait, pardonne moi, j'étais forcé de le faire », déclare-t-il.
Nizar Hussein vient pour la première fois à Tripoli depuis que la capitale est...