Rechercher
Rechercher

Culture - Exposition

Jean Boghossian peint à petits feux

Par amour pour l’art, il met sa main au feu. Et enflamme, littéralement, ses toiles. Sous le bien nommé titre de « Burning », Jean Boghossian expose une soixantaine d’œuvres au BEC*

Jean Boghossian, joaillier, artiste et mécène. (Photos Michel Sayegh)

Au commencement était le feu. Le feu du chalumeau que Jean Boghossian a manié durant des décennies en tant que joaillier et designer. Le feu de ce jet de gaz incandescent qu’il dirige savamment sur la toile brute ou sur le papier coloré pour les brûler à petits... feux. Et se jouer des morsures brunies, noircies ou autres béances rappelant les façades d’immeubles ravagées d’éclats d’obus. Les paysages brûlés de l’Arménie de ses aïeuls puis du Liban de son enfance, mis à feu et à sang, n’auraient-ils pas inspiré les paysages lunaires qu’il expose aujourd’hui ?
« Ce n’est pas le but... Mon art, affirme l’artiste, cherche la construction dans la destruction. » Une certaine rédemption, pour se faire pardonner la laideur du monde, en montrant des œuvres brûlées, mais belles ? Oui, mais il n’y a pas de fumée sans feu, aurait-on envie de rétorquer...
Bien que Jean Boghossian se soit mis à la peinture sur le tard, il n’est pas, si l’on peut dire, un autodidacte. La soixantaine entamée avec panache et élégance – même en jeans, baskets et chemise blanche –, il a en effet suivi, pendant une quinzaine d’années, les cours du soir aux Beaux-Arts d’Anvers, où il est installé depuis 1975.
Le diamantaire-bijoutier affirme que c’est l’aspect artistique et créatif de son métier qu’il aime le plus, mais pour troquer ses crayons de designer pour les pinceaux, il a fallu un déclic. Ou plutôt un cadeau. Celui de l’anniversaire de son fils Roberto, auquel il a lui-même offert un kit complet de peinture pour ses 9 ans. « Il ne l’a jamais touché, se souvient l’artiste, c’est moi qui l’ai pris », dit-il avec le sourire d’un gamin pris en flagrant délit de gourmandise. Aujourd’hui, vingt-trois ans plus tard, il tient sa première grande exposition individuelle à Beyrouth, la ville qui l’a vu grandir. Son baptême de feu, en quelque sorte, dans ce « Burning » qui réunit au BEC une soixantaine d’œuvres dont le grand format prend toute son ampleur dans cet espace immaculé.
« L’art contemporain a été pour moi une libération. Quel bonheur de pouvoir se délaisser des académismes esthétiques pour laisser au hasard certains aspects », lance un Boghossian à l’air très épanoui. Le travail accroché présente le fruit d’une année de labeur (ou d’ignition). Depuis qu’il s’est mis à cette technique, il travaille à feu continu. « Je brûle la vie par les deux bouts », avoue-t-il.
Dans son atelier, coupé du monde, il se ressource. Entouré de ses toiles, papiers, palettes, chalumeaux et arrosoirs (pour éteindre les flammes), il apprend à maîtriser le feu, à en doser les effets. Car le plus difficile dans ce genre (auquel se sont essayés une poignée d’artistes, dont le génial Yves Klein et le local Hannibal Srouji) est de savoir à quel moment s’arrêter. « Pas trop tôt. Pas trop tard. Pas trop peu et pas plus qu’il n’en faut. » Après ses coups de pinceau, ses coups de couteau et ses coulées de peinture, l’artiste installe un dialogue entre la couleur et la brûlure. Et offre aux yeux des visiteurs une sorte d’esthétique du brûlé : en apparence sereines, légères, ses toiles sont le fruit d’un feu intérieur. Il veut en exprimer l’ambivalence : douceur de la chaleur et douleur de la brûlure. Ainsi, le double état du feu, dangereux à l’état naturel et source de vie une fois industrialisé et dompté.
L’art de Jean Boghossian ? Un art intuitif, à l’état brut, décoratif (sans connotation réductrice), à savourer de préférence loin des artifices intellectuels qui en compliqueraient la compréhension.

* Sous la houlette de Solidere, au Beirut Exhibition Center, nouveau front de mer, centre-ville, près du BIEL, jusqu’au 18 septembre, de 11h00 à 20h00.
Au commencement était le feu. Le feu du chalumeau que Jean Boghossian a manié durant des décennies en tant que joaillier et designer. Le feu de ce jet de gaz incandescent qu’il dirige savamment sur la toile brute ou sur le papier coloré pour les brûler à petits... feux. Et se jouer des morsures brunies, noircies ou autres béances rappelant les façades d’immeubles ravagées d’éclats...

commentaires (1)

c'est un plaisir d'avoir lu un tel article,je suis architecte j'ai toujours entendu de mr Boghossian mais je n'ai jamais eu la chance de savoir plus . Apres avoir lu ce truc de douceur de la chaleur et douleur de la brulure j'ai bien eu la curiosite de faire une petite recherche sur son travail et je crois que c'est vraiment une chance de le recevoir au BEC.

moujahed christine

02 h 38, le 17 août 2011

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • c'est un plaisir d'avoir lu un tel article,je suis architecte j'ai toujours entendu de mr Boghossian mais je n'ai jamais eu la chance de savoir plus . Apres avoir lu ce truc de douceur de la chaleur et douleur de la brulure j'ai bien eu la curiosite de faire une petite recherche sur son travail et je crois que c'est vraiment une chance de le recevoir au BEC.

    moujahed christine

    02 h 38, le 17 août 2011

Retour en haut