Rechercher
Rechercher

Culture - Lecture d’été

Patti Smith et Robert Mapplethorpe, bohèmes de New York dans les années 60-70

Un monde incroyablement libre et disjoncté. Mais aussi talentueux. Turbulents enfants du siècle, dans un New York plus féroce que jamais, entre « beatnik », punk, rock and roll et poésie, Patti Smith et Robert Mapplethorpe symbolisent une génération qui n’a pas froid aux yeux. En témoigne ce livre, véritable chant de l’amitié et de la solidarité humaine, sur la société des artistes américains des années 60-70. Il s’agit de « Just Kids »* (Juste des enfants) de Patti Smith (Denoël, 324 pages, traduit de l’américain par Héloïse Esquié) et qui a obtenu le National Book Award.

Patti Smith.

C’est une drôle d’histoire d’amour, mais sans doute un véritable pacte d’amitié. Si Patti Smith est poétesse, auteure de chansons à succès (son premier album Horses – suivi de plus d’une dizaine d’autres, dont Gone Again et Peace and Noise – l’a vite propulsée au firmament du succès, y compris un Prix Charles Cros, son tube reste, sans conteste, Because of the Night, coécrit avec Bruce Springsteen), artiste de tous crins (musicienne, chanteuse, photographe, peintre, activiste politique en se positionnant anti-Bush et antiguerre en Irak), elle n’en est pas moins douée pour tremper sa plume dans l’encre et écrire.
Écrire non un roman, une plaquette de poésie, un pamphlet ou une biographie, mais un épisode de sa vie. Épisode de sa rencontre avec Robert Mapplethorpe, fabuleux photographe à la ravageuse beauté d’archange, bagué, foulard au cou, mèche rebelle sur des yeux clairs, décédé du sida à l’âge de quarante-deux ans et dont les images en noir et blanc secouent la planète rien qu’avec des fleurs et des nus masculins. Dont de resplendissantes musculatures noires, ruisselantes de provocation, au moment même où justement triomphait le slogan « Black is beautiful ». À tel point controversé cet art sentant le soufre, la liberté, l’antiracisme et la défonce, que la plus vive des polémiques s’enclenche au pays de l’oncle Sam à propos du financement public de l’art aux USA.
Photographe des compositeurs, des stars de la pornographie et des habitués des « sex-clubs » underground, mais tout aussi bien de la « body-buildeuse » Lisa Lyon, du couturier Castelbajac et d’une flore exotique, Mapplethorpe décide de faire ménage, malgré la révélation de son homosexualité plus tard, avec Patti Smith qui fut la marraine du mouvement « punk ».
L’important dans ce croustillant livre de mémoire, ce n’est pas l’affectueux portrait d’un photographe gay de la carrure et de la trempe d’un Man Ray, pas plus que les années de galère de deux artistes qui convoitent la lumière des grandes enseignes, ni la décision d’un couple antithétique de crécher ensemble au Chelsea Hotel en se jurant, sur un ton éminemment romantique, de rester ensemble même si la vie commune est impossible ( ! ), mais ce sont surtout les idées des années 60-70, fourmillantes d’originalité, d’audace, d’acidité, de came, mais débordantes aussi d’une incroyable verve créative.
Et les mentors de ce bruyant théâtre de l’absurde et de l’éphémère, qui se cherche entre sexe, art, poésie et rock and roll, ont pour noms Allen Ginsberg, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Allen Ginsberg, William Burroughs, Jack Kerouac, Brian Jones, Jim Morrison... Et tous ces personnages interlopes, hauts en couleur, paumés ou géniaux pionniers dans leur art revivent dans ces pages comme autant d’hommages à la quête du bonheur, du droit au plaisir, à la vertu de créer, au sens d’une traversée humaine.
Deux enfants du siècle. À l’ombre de Coltrane, un siècle cruel avec sa vitesse vertigineuse, ses paradis artificiels, ses bruits, ses fureurs, ses rythmes fous, ses cadences infernales, ses arrivés (et ses arrivistes !), ses excentriques, ses « assis » (oui Patti Smith aimait tout aussi bien Rimbaud que William Blake ou Stevenson), ses marginaux, ses vedettes, son silence jamais salvateur, son sida, fléau incurable venu de l’ombre et que nul n’arrive encore à endiguer ou gérer.
C’est tout cela le livre de Patti Smith, dont la narration est simple, claire, dotée d’une grande sensibilité, car la poésie est toujours au bout de la plume. Mais ce ne sont ni les qualités littéraires, ni les beautés stylistiques, ni les envolées lyriques qui retiennent l’attention de cet ouvrage. Un ouvrage captant, avec intelligence, vivacité et sans jugement de valeur, une certaine essence et image de l’Amérique : qualités qui font de cet opus habité par les interrogations existentielles modernes un témoignage fort, vibrant et profond.
Un percutant témoignage où, avec tolérance et une certaine grâce, explose, incoercible et indomptable, la vie. La vie que Patti Smith défend en toute âpreté dans un consciencieux combat contre le mal et la violence. Et ce n’est pas hasard si elle élève la voix au-dessus du vacarme général et chante, dans une émotion chargée de compassion et une réelle aspiration à la paix, le carnage perpétré au village de Cana, au Sud du Liban, suite aux bombardements israéliens...Écoutez cette voix : elle est l’écho du monde et la messagère de la paix. Paix aussi bien intérieure qu’extérieure...

*Ouvrage en vente à la librairie al-Bourj.
C’est une drôle d’histoire d’amour, mais sans doute un véritable pacte d’amitié. Si Patti Smith est poétesse, auteure de chansons à succès (son premier album Horses – suivi de plus d’une dizaine d’autres, dont Gone Again et Peace and Noise – l’a vite propulsée au firmament du succès, y compris un Prix Charles Cros, son tube reste, sans conteste, Because of the Night,...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut