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Nos Lecteurs ont la Parole

II – Quand le Hezbollah achetait le Liban

Par Hassane RIFAÏ

Le Liban :
1) est un des rares pays où le secret bancaire fait l’objet d’une réelle vénération, une législation spécifique assurant sa totale imperméabilité (voir L’Orient-Le Jour du mercreidi 10 août 2011) ;
2) les associations à but non lucratif et les partis politiques (loi de 1901 en France) y sont légalement contraints d’établir en fin d’année leurs bilans financiers, ainsi qu’une liste de leurs adhérents et des membres de leurs conseils de direction.
La commission nationale proposée aura pour tâche d’étudier les demandes d’autorisation d’opérations d’achat qui lui seront soumises et de se pencher sur la source de financement comme sur l’origine des fonds : comment une association à but non lucratif a-t-elle pu collecter des millions de dollars ? Pourquoi ladite association nécessite-t-elle des milliers de mètres carrés ? Comment tel individu, qui n’est même pas immatriculé ou connu de la direction des impôts sur le revenu, dispose-t-il des fonds permettant de réaliser d’aussi vastes acquisitions immobilières... ?
A-t-il récemment hérité et de quel montant ? Seule l’opacité sera épinglée, puisque les promoteurs immobiliers et les personnes à passé administratif transparent n’auront pas de problème à obtenir les autorisations.
– La loi s’appliquera à tous les citoyens sans discrimination.
– L’acquéreur déposera auprès de la commission nationale un document par lequel il déclare lever le secret bancaire sur tous ses comptes en faveur de cet organisme, et ce jusqu’à ce que cette dernière délivre son autorisation ou sa décision de refus.
– La liberté du commerce sera préservée, car seules les opérations douteuses feront l’objet de poursuites et d’arrêt.
L’entorse à la loi sur le secret bancaire préconisé permettra d’opérer un filtrage valable et d’atteindre ainsi l’objectif recherché.
La loi rendra obligatoire la publication des autorisations émises par la commission nationale au Journal officiel avec mention du numéro de parcelle et de la région concernée, de même que les noms de l’acquéreur et du vendeur, tout cela dans le but de mieux éclairer l’opinion publique et le législateur sur l’ampleur du mouvement de transaction.
Énumérons parallèlement à la question des ventes de terrains entre Libanais de communautés religieuses différentes, et pour mieux sensibiliser le lecteur à l’importance de l’équilibre entre confessions au Liban, six éléments significatifs :
– en 2010 a été publié par le Centre maronite de documentation et de recherche un dossier portant sur les acquisitions de terrain par les étrangers dans le pays ; ce document de quelque 175 pages avec beaucoup de tableaux statistiques par régions, par nationalités des acquéreurs et par année était destiné à attirer l’attention des lecteurs sur l’ampleur du phénomène ;
– malgré la présence de demandes tout à fait défendables, le législateur et l’administration libanaise rendent le processus de naturalisation pratiquement impossible afin que l’équilibre entre communautés ne s’en trouve pas modifié... ;
– si l’administration libanaise n’a pas procédé à des recensements depuis 1932, c’est qu’elle craint de révéler une nouvelle répartition ouvrant l’appétit des confessions musulmanes, devenues largement majoritaires, et susceptibles de revendiquer plus de « droits » et d’« avantages » ;
– la législation libanaise interdit toujours aux femmes libanaises mariées à un étranger de transmettre leur nationalité à leurs enfants, cela valant a fortiori pour les conjoints ;
– pèse encore plus le fait que l’administration empêche un Libanais enregistré à l’état civil d’une ville, d’un village ou d’une région de demander le transfert de son dossier d’état civil dans une autre ville, village ou région même s’il y réside depuis 20 ou 30 ans et plus ;
– répétons-le, les Palestiniens ne peuvent en aucune manière acquérir des biens immobiliers au Liban ; le législateur allant beaucoup plus loin en 1990 et rajoutant à la Constitution libanaise une disposition frappant a priori d’anticonstitutionnalité toutes les législations éventuelles susceptibles d’autoriser la naturalisation de Palestiniens au Liban, même si ceux-ci y sont nés 50 ans auparavant et n’ont jamais connu la Palestine.
Dans le même sens, le Hezbollah est allé jusqu’à se faire construire par l’État libanais une petite route de montagne du village de Ras Baalbeck dans la Békaa au littoral méditerranéen le long de la rivière Nahr Ibrahim et ne passant que par des villages chiites – Afqa, Lassa, Janneh, Frat, Hjoula – dans le district de Byblos (Jbeil) ;
il coupe par là en deux le pays chrétien. Il contrôle désormais à peu près toutes les crêtes – plates-formes éventuelles de lancement de missiles – qui vont de la plaine de la Békaa au Sud. Et il a même réussi à agrandir son emprise sur les hauteurs nord-ouest de ce grand fief sunnite qu’est Tripoli au nord du pays (2).

Conclusion
 Le Liban est un système confessionnel qui doit être appréhendé dans son contexte régional plus large, à savoir les Proche et Moyen-Orient.
Après la chute de Saddam Hussein s’est instauré en Irak un système politique à répartition confessionnelle : présidence de la République sans fortes prérogatives constitutionnelles aux Kurdes sunnites et présidence du Conseil aux chiites majoritaires ; de même que les attentats contre les lieux saints chiites sont révélateurs de troubles intercommunautaires.
La majorité chiite du Bahreïn, spoliée par une minorité sunnite, conteste la légitimité du pouvoir royal.
La Syrie est gouvernée par un régime dictatorial alaouite (communauté représentant environ 10 % de la population), les Frères musulmans sunnites attendant avec impatience, tout comme la majorité sunnite du pays, le moment idéal pour se soulever et retrouver des droits civiques (politiques) perdus.
Sans oublier Israël qui continue à se revendiquer comme État « juif » de crainte que ne soit renversé un jour l’« équilibre » communautaire entre juifs et musulmans (et chrétiens) israéliens au profit de ces derniers.
Le Proche-Orient, berceau des trois religions monothéistes, ne s’affiche-t-il pas toujours dans la complexité de leur relation ?

 

Hassane RIFAÏ
Avocat à la Cour

2) Cf. Renaud Girard, « Le Hezbollah étend sa toile au Liban », « Le Figaro », 8 avril 2011.

Le Liban :1) est un des rares pays où le secret bancaire fait l’objet d’une réelle vénération, une législation spécifique assurant sa totale imperméabilité (voir L’Orient-Le Jour du mercreidi 10 août 2011) ;2) les associations à but non lucratif et les partis politiques (loi de 1901 en France) y sont légalement contraints d’établir en fin d’année leurs bilans...

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