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Nos Lecteurs ont la Parole

I.- Vulnérable, le Liban, pourquoi ?

Par Chadi RAHI
Qu’est-ce qui fait que le Liban est si sensible aux conflits régionaux et mondiaux ? Qu’est-ce qui le rend vulnérable face aux ingérences étrangères ? Les causes seraient-elles structurelles, liées aux caractéristiques de la société libanaise ; géopolitiques, dues à l’emplacement du pays à sa taille et à ses ressources ; ou comportementales, ancrées dans l’incapacité des Libanais de gérer la diversité culturelle et de concevoir le régime adéquat pour le faire ?
Nombreux sont les pays ayant une population pluriethnique ou pluricommunautaire. Mais ce qui caractérise le Liban, c’est que l’équilibre démographique entre les communautés les rend toutes minoritaires, et que le régime politique répartit le pouvoir sur une base confessionnelle entre ces minorités.
À la question du rapport entre la religion et l’État, la modernité a répondu d’une façon toute spéciale au Liban : Il faut séparer l’État des religions. Cependant, ce sont les civils qui représentent les communautés confessionnelles dans les institutions étatiques. Certes, cette réponse contradictoire ne figure certainement pas littéralement dans la Constitution libanaise, mais c’est ainsi que sont perçues les choses dans l’esprit de la plupart des Libanais. Et c’est justement à ce niveau que naissent deux confusions pouvant être à la base d’une structure politique et sociale vulnérable face aux pénétrations étrangères.
La première confusion est celle qui existe entre la représentation et la participation des communautés. En effet, la Constitution garantit la participation des communautés alors que la représentation est celle des citoyens au niveau national. Elle parle d’un État central et non d’une confédération d’États sur une base confessionnelle. En résulte des communautés à leader civil, censé « représenter » sa « religion », mais souvent sans aucune relation avec les valeurs religieuses et motivé par ses intérêts personnels. Une sorte de féodalisme primitif.
Le système, déjà réduit à quelques communautés, se trouve réduit encore plus à quelques personnes. Des chefs de partis-confessions. Les partis n’étant que des « passeports à la modernité », cachant la relation primitive liant les leaders à leur foule. Des chefs ayant comme intérêt commun de maintenir le statu quo social, et de jouer sur le statu quo politique, sur le partage du pouvoir. Mais qu’est-ce qui est au centre de leurs préoccupations ? Est-ce les droits des minorités confessionnelles, et ce qu’ils appellent les intérêts des communautés ? Leurs intérêts personnels se recoupent-ils nécessairement avec ceux de leur communauté ? De plus, entre-t-il dans les caractéristiques d’une minorité d’avoir des ambitions et des intérêts stratégiques ?
Une minorité est d’habitude préoccupée par la défense de ses droits, comme le droit d’exister, la liberté de culte, de croyance, voire même celui de participer au système et d’y imprimer une partie de sa personnalité. Comment expliquer alors le fait qu’au Liban, des minorités se comportent comme des puissances régionales et mondiales et se considèrent comme porteuses de grands projets stratégiques, dépassant les frontières du pays ?
Il arrive au Liban que des communautés s’identifient à des puissances externes qui constituent des pôles confessionnels ou idéologiques mondiaux ou régionaux. Elles adoptent les projets de ces puissances, projets disproportionnés avec leur taille. Elles adoptent même un modèle d’organisation sociale, tout un idéal, et commencent à chercher à l’appliquer sur le terrain. Aussitôt, elles se heurtent à leur réalité de minorité, entre autres sur le territoire libanais, se voient obligées de faire partie de l’organisation politique et sociale commune du Liban. Ce choc, souvent sanglant, est dû à la réaction des autres communautés qui trouvent, à leur tour, dans d’autres puissances externes, des alliés pouvant faire contrepoids.
Ces deux modèles de relation, l’identification et l’alliance, qui existent entre des communautés libanaises et des puissances externes seraient basés sur le fait que les Libanais prennent les intérêts communs des puissances externes et des leaders locaux pour les droits des communautés. Telle est la seconde confusion.
La confusion entre représentation et participation des communautés, et entre les droits des minorités et leurs supposés intérêts, ainsi que le modèle de leadership confessionnel qui en résulte, préparent ainsi le terrain aux ingérences étrangères. La table de dialogue qui a réuni des chefs politiques libanais en est un exemple.
L’une des règles principales régissant ce dialogue, à ses débuts, était de s’isoler et de ne pas consulter les alliés stratégiques externes à propos des négociations. Les chefs qui représentent tout le peuple ont pris alors pour résidence des appartements proches du Parlement. Les séances de dialogue ont eu lieu au Parlement, pour la symbolique du lieu.
Mais cela n’a pas duré longtemps. Au bout de trois jours, les chefs se sont mis d’accord sur le fait qu’il fallait briser les règles du dialogue et s’octroyer quatre jours de repos. Non pas pour organiser un référendum mais, explicitement, pour consulter les puissances externes alliées. Bien entendu ils n’étaient certainement pas en train de dialoguer sur le droit des minorités confessionnelles à célébrer leurs cultes, mais de négocier sur des intérêts stratégiques, qui concernent les puissances alliées plus qu’ils ne concernent les citoyens, le Parlement, et mêmes les communautés et les vrais chefs religieux.
(À suivre)
Qu’est-ce qui fait que le Liban est si sensible aux conflits régionaux et mondiaux ? Qu’est-ce qui le rend vulnérable face aux ingérences étrangères ? Les causes seraient-elles structurelles, liées aux caractéristiques de la société libanaise ; géopolitiques, dues à l’emplacement du pays à sa taille et à ses ressources ; ou comportementales, ancrées dans l’incapacité des...

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