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Nos Lecteurs ont la Parole

La citoyenneté au quotidien au Liban

Par Rita RAGAVLAS
Durant la récente tempête, en plein embouteillage à Beyrouth et dans l'immanquable chaos des jours où la nature nous donne un peu d'eau, un employé de Sukleen, insouciant et gâté, s'attelait, avec son grand sac vert, à la tâche de collecter les détritus du citoyen libanais. Il ramassait la moindre tâche sombre qui se trouvait sur le trottoir ou dans la rue, travaillant comme s'il ne pleuvait pas...
Un automobiliste ouvre la fenêtre de sa voiture et balance un gros tas d'ordures qui encombrait probablement sa belle voiture sport.
Sans manifester la moindre gêne, ni même de l'étonnement, l'employé de Sukleen s'approche du gros tas et le ramasse, le regard vide comme ci cette scène était des plus normales. Comme si le manque de tout sens de citoyenneté constituait à ses yeux une habitude, un état de fait !
Un de facto qui fait de nous, Libanais, des êtres inhumains. Cet employé habillé de vert se fond désormais dans le paysage au point que l'on ne remarque plus sa présence, au point de lui jeter presque à la figure nos saletés.
Être dépourvu de tout sens de citoyenneté est une chose ; dépasser les limites du respect dû à un être humain en est une autre. Ou peut-être que, dans notre société, l'un ne va pas plus sans l'autre...
Je n'ai pu m'empêcher de me mêler de ce qui ne me regarde pas. À ma question : s'il considérait la rue comme sa poubelle personnelle et l'employé de Sukleen son employé privé, ce « gentleman » m'a répondu : il est payé pour ça ! De quoi tu te mêles ?
L'enjeu est simple : le problème principal de notre pays n'est pas celui de son supposé déclin politique, financier..., même si la situation générale plonge dans le rouge en nous situant dans des listes mondiales qui ne sont pas du tout en notre faveur. En réalité, cette dérive n'est que l'aboutissement concret de toutes nos actions au quotidien - aussi banales qu'elles puissent paraître. Elle est plutôt intimement liée au citoyen.
On ne peut pas attendre que l'État fournisse toutes les solutions, même celles qui constitueraient un défi à notre manque de citoyenneté. L'échappatoire qu'on ne se lasse pas d'utiliser - « c'est la faute de l'État » - ne peux plus servir, et ne doit plus servir. Il est temps de dissiper cette illusion.
Nous ignorons jusqu'à la signification du bien commun et de son respect. Peut-être parce que nous perdons notre temps à nous entre-déchirer et nous entre-tuer pour nous approprier ce bien commun, car nous refusons toute idée de partage.
Le chantier de la notion de citoyenneté est bien plus complexe qu'on ne le pense ; il va au-delà des efforts des instances politiques et gouvernementales ; son point de départ se définit par l'implication du citoyen, mais surtout par son engagement, qui est difficile à atteindre, surtout quand le citoyen répond à tous les abus dont il est la cause par : c'est la faute de la guerre ; c'est la faute de l'État. C'est plutôt malheureux.
Je te présente mes excuses, mon cher pays.
Durant la récente tempête, en plein embouteillage à Beyrouth et dans l'immanquable chaos des jours où la nature nous donne un peu d'eau, un employé de Sukleen, insouciant et gâté, s'attelait, avec son grand sac vert, à la tâche de collecter les détritus du citoyen libanais. Il ramassait la moindre tâche sombre qui se trouvait sur le trottoir ou dans la rue, travaillant comme...

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