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Culture - Exposition

Mona Trad Dabaji : le « Shech » aux orties !

Ses femmes, belles plantes charnelles, sont reconnaissables entre mille. Qu'elles viennent de la Békaa ou se prélassent dans des boudoirs aux décors citadins et orientalisants, elles ont cette saine sensualité, ces formes amples et épanouies, que trace, d'un pinceau enjoué, Mona Trad Dabaji.

La pause café d’une femme affranchie. (Michel Sayegh)

Il y a quelque chose d'allègre dans la peinture de Mona Trad Dabaji. Une petite note piquante, même dans ses toiles aux sujets les plus graves. Un regard à la fois acéré et malicieux que communique l'artiste aux spectateurs de ses œuvres.
Quelque chose que l'on retrouve au fil des « périodes » de cette peintre du « Liban et de ses femmes », depuis « Beyrouth, ville fantôme », sa première - et plus sombre - exposition en 1992, à sa toute récente série de Nu(s) au Shech.
Un fil rouge qui apparaît nettement dans l'accrochage que lui consacre la galerie Mark Hachem* jusqu'au 16 novembre. Où, parallèlement à ses nouvelles huiles, le galeriste montre différentes œuvres piochées dans les 18 ans de travail pictural de Mona Trad Dabaji.
Car cela fait 18 ans que cette artiste engagée et, d'une certaine façon, féministe (d'un féminisme particulier, très éloigné des revendications égalitaires revêches) exprime, sur toile, ses révoltes et ses engagements. Dix-huit ans qu'elle dénonce, d'un pinceau stylisé et faussement naïf, la guerre, la perte de la terre, du patrimoine architectural et, surtout, les stéréotypes platement réducteurs liés à la femme orientale.
À la femme libanaise par conséquent, dont Mona Trad Dabaji cherche à montrer les différentes facettes, la pluralité de visages.
Elle a ainsi commencé à la peindre en paysanne. Plantureuse et charnelle. Mais pudiquement emmitouflée dans ses longues robes fleuries et ses foulards, la tête toujours penchée sur son labeur : travaux d'aiguilles ou travaux aux champs. Puis elle s'est mise à la représenter dans ses moments de délassement et d'intimité. Sans vraiment la dévêtir au début. Sinon de son fichu sur la tête. Lorsqu'alanguie, à l'heure de la sieste et à l'ombre des regards, cette beauté robuste et saine dénoue sa chevelure. Ensuite, progressivement, de bouffée de narguilé en pause café, on a vu cette femme de la Békaa s'affranchir des contraintes et des servitudes du quotidien, pour se réserver du temps à soi. Moment de rêverie, postée derrière les barreaux de sa fenêtre, en corsage largement ouvert ou encore se prélassant, en odalisque nue sur sa terrasse au soleil...

Nus orientaux
Après un bref retour aux tenues enveloppantes dans Ma terre n'est pas à vendre, une série réalisée à la suite de la guerre de 2006, où on voyait cette Libanaise (paysanne de la plaine, mais aussi femme de la banlieue-Sud) debout, droite, portant dignement sur sa tête le baluchon réunissant tout ce qui lui restait de sa maison et de sa vie détruites, voilà que Mona Trad Dabaji décide de la libérer totalement. De la dénuder, de lancer son fichu, son « Shech », par-dessus tête. Et de l'affranchir, ainsi, de « ce » dernier carré de pudeur ? Pas vraiment. Car la pudeur, chez la femme orientale, reste, en dépit de toutes les provocations, une seconde nature. Et malgré les poses de pin-up que Mona Trad Dabaji fait prendre à ses héroïnes de la série des Nus au Shech, il n'y a dans ces dernières toiles rien de provocateur. Mais, au contraire, une douce sensualité de femme dans son intimité. Une féminité à la fois exacerbée (toutes ces scènes de poses de vernis, de limages d'ongles, de soins devant le miroir, placées dans des décors chargés) et toute orientale, mais, paradoxalement, représentée d'un pinceau très moderne, « occidentalisant », avec ces aplats de couleurs fortes cerclés de tracé noir caractéristiques de Mona Trad Dabaji.
Une femme à la fois moderne (Blackberry oblige !) et attachée aux traditions, à cette pierre bleue, censée éloigner le mauvais œil, au marc de café qui dévoile les arcanes du destin, à la douceur de vivre orientale. Et qui rejoint, au bout de dix-huit ans de peinture, la personnalité de sa créatrice !

* Centre-ville, Mina el-Hosn, rue Salloum. Tél. : 01/999313.
Il y a quelque chose d'allègre dans la peinture de Mona Trad Dabaji. Une petite note piquante, même dans ses toiles aux sujets les plus graves. Un regard à la fois acéré et malicieux que communique l'artiste aux spectateurs de ses œuvres. Quelque chose que l'on retrouve au fil des « périodes » de cette peintre du...

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