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Nos Lecteurs ont la Parole

Le désaccord de Taëf

Nahi LAHOUD
Aucune échéance, occasion ou crise politique ne pointe le nez, depuis 1989, sans qu'on ne dépoussière la Constitution pour essayer de l'interpréter, chacun à sa guise, et surtout de la violer pour n'importe quel prétexte. Il y a les partisans de l'application totale de l'accord de Taëf, les modérés pour son amendement, les scientifiques pour l'explication du texte et enfin les radicaux qui le décrient et souhaitent tout simplement son abrogation. Devant toute cette zizanie burlesque constitutionnelle, les Libanais commencent à en avoir par-dessus la tête. Et ces discussions devenues byzantines n'englobent pas seulement, les politicards ; elles aliènent, même les juristes, et les constitutionnalistes (des deux camps) qui prétendent à eux seuls détenir la vérité et la logique des choses.
Mais au-delà des polémiques oiseuses, on devrait avant tout, procéder à une réévaluation, de la gestion gouvernementale qui perdure depuis 17 ans et qui a provoqué plusieurs crises de pouvoir et de confiance entre les trois « mages » (sages comme des images) qui détiennent les pouvoirs exécutif et législatif. Qui, en fait, est responsable de cette situation chaotique ? Eh bien, tout simplement l'accord de Taëf (et les guignols de la chose publique). Pour compliquer davantage la situation, le « raccord de Doha est venu le mettre K-O, lui qui était « appliqué » dans un chaos total. Cet accord, donc, comprend plusieurs lacunes avec des articles ambigus, sinon obscurs. Il est donc impératif de les expliquer. Là encore, les choses se compliquent. Car certains juristes se demandent qui sont réellement les autorités habilitées à interpréter les textes et articles de notre chère Constitution. Est-ce le Parlement, comme certains le prétendent, ou bien le Conseil constitutionnel (qui est habilité seulement à statuer sur la constitutionnalité des lois et à la demande de certaines parties) ?
Jusqu'à présent dans notre Constitution, il n'y a pas de réponse catégorique à ce sujet. D'autant plus que nombreux sont les textes « clairs-obscurs » qui sont sujets à controverse, et qui restent lettre morte, en attendant des jours meilleurs. Parmi ces textes, j'ai situé :
1- Que signifie l'article 5 (préface de la Constitution) qui nous parle de la séparation, de l'équilibre et de la coordination entre les pouvoirs ? Est-ce le gouvernement de la troïka ou est-ce la démocratie consensuelle, que je nommerai plutôt compromissoire ? Et comment peut-on marier séparation et coordination, deux termes contradictoires, surtout que l'article 28 permet le jumelage entre la députation et le ministère ?
2- Que signifie que tout pouvoir qui va à l'encontre de la coexistence commune n'a plus aucune légitimité nationale, alors qu'aucun texte n'explique quelle est la procédure qui rend illégitime l'exercice dudit pouvoir. D'autant plus que le président de la République ne peut plus désormais dissoudre ni le Parlement ni le gouvernement, alors qu'il est censé veiller au respect et à la bonne application de la Constitution.
3- Pourquoi les prérogatives du chef de l'État sont-elles contraignantes ? Il est dans l'obligation de signer les décrets et les lois dans un délai de quelques semaines, sans avoir le droit de les amender et même d'en retarder la publication. Alors que n'importe quel ministre peut, selon son humeur, geler les décisions du cabinet et les mettre sous clé dans les tiroirs de sa maroquinerie.
4- Quid du quorum requis pour l'élection du président de la République, dont les articles 34 et 49 alimentent chaque fois la polémique ? Majorité des deux tiers ou 64 plus un ? C'est jouer ainsi à malin, malin et demi.
5- Ou est passée l'abrogation du confessionnalisme politique (pour moi, c'est une mascarade), qui devrait être en principe l'entrée en matière pour une représentation plus efficiente des cadres de l'État ? Et Nabih Berry d'en agiter la menace chaque fois que le patriarche Sfeir dénie à la minorité toute participation au pouvoir.
6- Et le vide constitutionnel, qu'en est-il ? C'est vrai que le gouvernement peut gérer les affaires de la République, en l'absence d'un président de l'exécutif mais qu'adviendrait-il du pays si jamais le mandat du Parlement venait à son
terme ? Qui régirait le pouvoir législatif ? Et puis qu'est-ce que cette démocratie consensuelle ? Quand on a une telle majorité, on n'a pas besoin d'opposition. Cette majorité est empêchée de gouverner et cette opposition entrave toute formation de gouvernement, allez comprendre...
Je ne vais pas continuer longtemps car je sais que le lecteur va commencer à s'ennuyer, bien qu'il y ait encore beaucoup de points obscurs dans ledit accord de Taëf, que j'intitulerai le désaccord de Taëf. Je veux dire juste deux mots à ceux qui nous gouvernent : Pourquoi cet accord est-il sacré ? Pourquoi ne pas en élaborer un nouveau ? Est-il sacrilège de vouloir le modifier ? Non mais, c'est de la rigolade. Vous pouvez tout changer (vous qui changez de chemise en permanence). Moi, en tout cas, je suis d'accord avec Samy Gemayel. Pourquoi pas le fédéralisme ? Une « fédéralibanisation ». Ce que dit le jeune député du Metn tout haut, tous les autres le pensent. Arrêtez de jouer au poker menteur. D'ailleurs, Nohad Machnouk, un des proches de Hariri, l'a avoué implicitement l'autre jour en déclarant que ce qui se trame actuellement ce n'est pas la composition du gouvernement, mais bien la révision du régime en place. Nous vivons (qu'on le veuille ou pas en état de cantonisation obligée). Ayez le courage de le proclamer. Comme cela chacun aura la paix. L'unité nationale serait ainsi préservée et surtout protégée. Chacun pourra gérer son canton à sa manière tout en restant attaché à un pouvoir central qui sera dirigé par un président de la République plus « fonctionnel ». Je vous en supplie, arrêtez vos chamailleries puériles, réunissez-vous le plus vite possible et abrogez ce « désaccord » de Taëf, car il pourrait engendrer encore de nombreuses victimes... pour rien. Le bien-être d'un peuple et l'avenir de ses enfants valent beaucoup plus que ce chiffon de papier rédigé et signé à la va-vite, il y a plus de 20 ans, par des parlementaires dont les deux tiers ont disparu de la circulation depuis, et ceux qui subsistent encore en ont oublié les clauses principales.

Nahi LAHOUD
Aucune échéance, occasion ou crise politique ne pointe le nez, depuis 1989, sans qu'on ne dépoussière la Constitution pour essayer de l'interpréter, chacun à sa guise, et surtout de la violer pour n'importe quel prétexte. Il y a les partisans de l'application totale de l'accord de Taëf, les modérés pour son amendement,...

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