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Liban - Coups d’épingle

Le général tendance

Il en va parfois des résolutions du Conseil de sécurité comme du prêt-à-porter : elles passent de mode. C'est, au Liban, le cas de la 1559.
Il y a quelques années, ils étaient nombreux dans ce pays à se disputer la paternité de ce texte. À présent, il est pour le moins recommandé de prendre ses distances à son égard. Et parmi ceux qui prennent leur distance, voire fulminent contre cette résolution qu'ils déclarent honnie, il en est dont toute l'action politique antérieure était proprement l'incarnation de sa teneur.
« L'existence de groupes armés échappant au contrôle du gouvernement libanais est une anomalie fondamentale qui va à l'encontre des aspirations du Liban et menace la paix interne. C'est aussi un obstacle à la prospérité et au bien-être que mérite le peuple libanais », constatait il y a deux jours le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, dans son rapport semestriel sur la mise en œuvre de la 1559, préparé par son collaborateur, Terjé Roed-Larsen. Il ajoutait : « Les milices défiant le pouvoir du gouvernement légitime sont incompatibles avec le rétablissement et le respect de la souveraineté, l'intégrité territoriale, l'unité et l'indépendance politiques » du Liban.
Dans une autre vie, le général Michel Aoun disait exactement la même chose et fondait la légitimité de son pouvoir et de ses guerres sur ce credo. Bien des années plus tard, à l'automne 2005, et alors même qu'il commençait à prendre ses distances à l'égard du 14 Mars, il était encore l'un des tout premiers à soulever - sur un ton très polémique - la question des armes du Hezbollah, très précisément sous l'angle du défi posé à la souveraineté de l'État.
Aujourd'hui, le chef du CPL considère que le secrétaire général de l'ONU se mêle de ce qui ne le regarde pas. Prenant son ton le plus ironique, il va même jusqu'à lui conseiller de se faire enrôler dans les douanes libanaises.
Quant au principal intéressé, le Hezbollah, il accuse de manière très prévisible M. Roed-Larsen d'avoir partie liée avec Israël et affirme ne pas être « une milice, telle que décrite par les Nations unies », mais une « Résistance ».
La différence fondamentale entre le Hezbollah et le général Aoun est que le premier fait preuve d'une remarquable constance dans sa position à l'égard de la problématique posée par la résolution 1559, tout comme dans le procédé qu'il utilise pour discréditer tous ceux qui ne pensent pas comme lui. Le parti de Dieu a toujours eu comme priorité de maintenir coûte que coûte son statut particulier au sein de la structure étatique libanaise, dont il ne tolère l'existence propre que dans la mesure où la contradiction de base entre elle et son statut n'apparaisse jamais comme telle.
Ainsi, un gouvernement libanais, quelle que soit la majorité parlementaire sur lequel il repose, ne peut être légitimé que s'il intègre dans sa déclaration ministérielle la formule cruciale sur le « soutien à la Résistance ». De même, l'armée n'acquiert le qualificatif de « nationale » que si elle accepte l'idée d'un « partage » de son rôle de défense de la patrie, censé être exclusif.
Un gouvernement qui ne soutiendrait pas la « Résistance », une armée qui refuserait ce partage, des partis politiques qui s'opposeraient à cette équation, une opinion qui rejetterait le chantage seraient tous taxés d'« israéliens » ou, au mieux, d'« israélo-américains ». Tout à fait comme le texte de M. Roed-Larsen.
En sens inverse, pour le Hezbollah, ses alliés et ses mentors, les certificats de « libanisme » et de « patriotisme » ne sauraient être délivrés qu'aux individus et aux structures acceptant, volontairement ou par la contrainte, l'idée d'une coexistence nécessairement artificielle et hypocrite entre un État et une entité paramilitaire.
Tout cela, le Hezbollah le dit aujourd'hui, comme il le disait hier et même avant-hier. Rien n'a changé dans son discours. Pour en être arrivé à l'heure actuelle à tenir ce même langage, en y ajoutant sa tonalité propre, le général Aoun a, quant à lui, dû faire un long, très long voyage.
Ce n'est pourtant pas ce qu'il prévoyait lorsqu'il affirmait en substance, au lendemain de la signature du document d'entente avec le Hezbollah, en février 2006, que son objectif était non pas d'entraîner le CPL et le pays dans le sillage du parti de Dieu mais, au contraire, d'amener progressivement ce dernier à épouser les vues du CPL.
Spécialiste en la matière, Walid Joumblatt justifie ses fréquents retournements en invoquant, de manière plutôt cocasse, une sorte de « mauvaise visibilité ». Pour qu'un ancien commandant en chef de l'armée libanaise, pourfendeur du rôle et du statut des milices, et défenseur acharné de la légitimité étatique face aux détracteurs de cette dernière à l'intérieur comme à l'extérieur, se transforme en chantre du statut d'un parti-État, il faut vraiment que le brouillard ait été particulièrement opaque devant lui.

À moins qu'il ne le soit devenu aujourd'hui...
Le général Aoun avait coutume de dire - c'était à une époque héroïque : « Vous êtes en mesure de me vaincre et de me déloger par la force, mais vous n'obtiendrez pas ma signature. »
Aujourd'hui, une bonne partie des Libanais pourront l'imiter et lancer : « Vous pourrez me vaincre et discréditer la 1559, mais vous n'obtiendrez pas ma signature. »
Il en va parfois des résolutions du Conseil de sécurité comme du prêt-à-porter : elles passent de mode. C'est, au Liban, le cas de la 1559.Il y a quelques années, ils étaient nombreux dans ce pays à se disputer la paternité de ce texte. À présent, il est pour le moins recommandé de prendre ses distances...
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