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Dossiers Liban - Étude

La nature de l’emploi et les bas salaires, source d’insatisfaction chez les jeunes

Le niveau d'éducation des jeunes est de plus en plus élevé. Mais il ne leur permet pas pour autant de trouver un emploi qui leur donne satisfaction.

L'organisation du débat sur « Les jeunes, l'emploi et l'émigration » par L'Orient-Le Jour est l'occasion de revenir sur une enquête statistique réalisée par l'Observatoire universitaire de la réalité socio-économique (Ourse) de l'Université Saint-Joseph, sous la direction de Choghig Kasparian. « L'émigration des jeunes Libanais et leurs projets d'avenir » a été conduite fin 2007 et publiée en 2009. Menée dans l'ensemble du pays sur un échantillon de 8 061 ménages, soit 33 958 individus, elle se penche, d'une part, sur les jeunes Libanais (un échantillon de 9 949 individus entre 18 et 35 ans) dans la population résidente, leurs caractéristiques, leur niveau d'éducation et leur relation à l'emploi. Elle s'intéresse, d'autre part, aux jeunes Libanais dans la vague d'émigration, de 1992 à 2007, identifie les candidats au départ, le profil des émigrants, ainsi que leurs projets d'avenir et les raisons qui les poussent à partir.

Taux d'analphabétisme de 6,3 %
Nous aborderons, dans cette première partie, les caractéristiques des jeunes Libanais résidant au Liban. La population libanaise est relativement jeune, 33,2 % de Libanais ayant moins de 20 ans en 2007. Les 18 à 35 ans, eux, forment 30,6 % de la population libanaise résidente. Celle-ci amorce toutefois une tendance vers un relatif vieillissement : en 2001, les moins de 20 ans représentaient 37 % de la population. Elle se caractérise aussi par une déficience en hommes d'âge actif, entre 30 et 50 ans, conséquence de l'émigration économique des hommes libanais.
Depuis 1970, le taux de célibat des jeunes ne cesse d'augmenter, vu la guerre, les conditions de vie difficiles, les départs en masse des jeunes hommes à l'étranger et la prolongation des études des jeunes femmes. En 2007, ce taux est de 74 % pour les jeunes de 18 à 35 ans, alors qu'en 2001, il était de 69,6 %. C'est à Beyrouth qu'hommes et femmes se marient de plus en plus tard : seulement 9,1 % des filles de 20 à 24 ans sont mariées. En revanche, dans les provinces, les jeunes se marient de plus en plus tôt : à Nabatiyeh, 22,4 % des filles entre 20 et 24 ans sont mariées ; au Liban-Nord, 20,3 % d'entre elles le sont.
L'ensemble des personnes scolarisées et poursuivant des études universitaires est estimé à 1 250 000 individus, représentant 31,1 % de la population. Atteignant son paroxysme pour les enfants âgés de 5 à 9 ans (99,3 %), le taux de scolarisation tombe à 81 % à partir de 15 ans, signe du décrochage scolaire qui touche nombre d'adolescents. Le taux d'analphabétisme est toutefois en recul. Il est de 6,3 % en 2007, contre 8 % en 2001. Mais il reste relativement plus élevé chez les femmes et dans certains mohafazats, notamment au Liban-Nord et à Nabatiyeh où il atteint 10 %. On assiste aussi au relèvement progressif du niveau global d'instruction et à une amélioration sensible du niveau d'éducation féminine, tendance qui apparaît nettement chez les jeunes. En 2007, un Libanais sur quatre de plus de 20 ans poursuit des études universitaires ou est déjà diplômé. De plus, le taux des femmes universitaires rattrape celui des hommes et le dépasse au niveau des jeunes générations.

Les femmes victimes du chômage
Le taux de chômage est de 8,1 % en 2007. Il accuse une baisse par rapport à 2001 (11,5 %), qui pourrait résulter de l'augmentation sensible de l'émigration économique, mais aussi de l'acceptation d'emplois à faible rémunération. Les jeunes représentent 46,5 % de la population active du pays, occupant une part importante dans l'activité économique, mais 13,8 % d'entre eux sont à la recherche d'un emploi. Ils représentent 80 % de l'ensemble des chômeurs. Par ailleurs, les deux tiers des jeunes chômeurs sont à la recherche de leur premier emploi. Ce sont eux qui subissent, le plus directement, les conséquences de la faible capacité de l'économie à créer des emplois. Ce sont aussi particulièrement les jeunes femmes qui souffrent le plus du chômage. Entre 15 et 25 ans, un peu plus d'une femme sur quatre est à la recherche d'un emploi, une situation due à leur entrée massive sur le marché du travail et à une tendance plus faible de leur part à l'émigration.
Le parcours scolaire des jeunes et les diplômes qu'ils ont obtenus jouent un rôle déterminant dans leurs choix professionnels et dans leurs décisions de départ économique ou d'émigration. Un jeune Libanais sur cinq (18 à 35 ans) n'a aucun diplôme scolaire ou universitaire, pas même le brevet. Environ 13 % des jeunes ont une formation technique et 16,5 % ont un diplôme universitaire. De plus, 50,6 % des jeunes étaient titulaires, au moment de l'enquête, d'un diplôme de formation générale, soit du brevet (22,3 %), soit du baccalauréat (28,3 %). De manière générale, parmi les jeunes des classes aisées, le taux de diplômés universitaires augmente sensiblement et les jeunes n'ayant pas de diplôme sont rares. Plus nombreuses à se spécialiser, mais aussi à poursuivre des études universitaires, les femmes se dirigent plutôt vers les spécialisations dans les lettres et les sciences humaines. Elles sont aussi plus nombreuses à se spécialiser dans les formations médicales et paramédicales. De leur côté, les jeunes gens optent plus pour les spécialisations technologiques et le domaine du génie.

Un revenu moyen de 756 000 LL
La participation des jeunes femmes à la vie économique devient plus importante. Mais il n'en reste pas moins que leur taux d'activité est encore nettement inférieur à celui des hommes. Entre 18 et 35 ans, 75,8 % des hommes sont actifs, mais seulement 38,5 % des femmes exercent une activité économique. Cette différence est faible à Beyrouth ou dans le Mont-Liban, mais elle est très marquée au Liban-Nord où seulement une fille sur quatre exerce un emploi. Parmi les jeunes bacheliers et universitaires, malgré une légère augmentation de la fréquence des jeunes travaillant à leur compte, le taux d'emploi salarial reste le plus élevé. De manière générale, le secteur public attire très peu de jeunes (14,3 %).
Quand au revenu moyen des jeunes travailleurs, il s'élève à 756 000 LL mensuels, chiffre en légère augmentation par rapport à 2001, où il était de 640 000 LL. Certes, l'âge est un premier facteur déterminant le revenu. Il existe aussi un écart significatif entre le revenu des jeunes hommes et celui des jeunes femmes à compétences égales. Le revenu moyen pour un jeune homme, toutes catégories confondues, est de 782 000 LL par mois contre 699 000 LL pour une jeune femme. De même, le revenu moyen d'un travailleur résidant à Beyrouth est le plus élevé du pays (1 280 000 LL par mois), alors que celui d'un travailleur résidant à Nabatiyeh est le plus bas, avec 569 000 LL. S'il n'existe pas de différence entre les revenus des jeunes travaillant dans le secteur public ou privé, les écarts sont importants entre les différents secteurs économiques. Par ailleurs, la formation est un facteur pertinent dans la détermination de l'échelle des revenus.
Dans la recherche d'un emploi, le recours au réseau de relations sociales est le plus important des procédés. Parallèlement, plus de la moitié des jeunes travailleurs ont eu de la difficulté à trouver un emploi. Les jeunes ayant fait des études techniques ont plus de difficultés à trouver un emploi (27 %) que ceux ayant suivi des études classiques. De plus, les non-salariés ont rencontré le moins de difficultés à trouver un emploi, certains ayant intégré l'entreprise familiale, d'autres ayant créé leur propre entreprise...
Seulement 23 % des jeunes travailleurs déclarent être satisfaits de leur revenu, 34 % le jugent insuffisant et 26 % le trouvent à peine suffisant. C'est au niveau des cadres supérieurs, notamment les directeurs et les gérants, que le degré de satisfaction est le plus élevé (58,4 %). Cette fréquence s'élève à 42,2 % pour la catégorie des professions intellectuelles ou scientifiques. Elle est de 20 % pour les employés de bureau, et de 17,3 % pour les vendeurs et le personnel de service. Une particularité de l'emploi : de nombreux jeunes surdiplômés rencontrent d'importantes difficultés à trouver un travail correspondant à leur niveau d'études. Ils n'ont alors d'autre choix que d'accepter d'être déclassés, exerçant un emploi inférieur à leur niveau de compétence, ou ils restent au chômage.
Les conditions insatisfaisantes d'emploi, notamment la faible rémunération, sont à l'origine des trois quarts des changements souhaités. La nature de l'emploi est également évoquée parmi les facteurs d'insatisfaction des jeunes. Parmi les jeunes souhaitant changer d'emploi, 12,4 % souhaitent, en 2007, travailler à l'étranger soit pour une meilleure rémunération, soit pour d'autres raisons d'ordre personnel. Un aspect que nous aborderons ultérieurement...
L'organisation du débat sur « Les jeunes, l'emploi et l'émigration » par L'Orient-Le Jour est l'occasion de revenir sur une enquête statistique réalisée par l'Observatoire universitaire de la réalité socio-économique (Ourse) de l'Université Saint-Joseph, sous la direction de Choghig Kasparian....

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