Rechercher
Rechercher

Liban - Coups d’épingle

Dialogue, farce et dindons

« Que Dieu me préserve de mes amis ; mes ennemis, je m'en charge ! » Peu importe que l'auteur de ce célèbre adage soit Voltaire ou un autre. Ce qui compte, c'est qu'il reflète aujourd'hui plus que jamais l'état d'esprit de nombreux Libanais à l'égard de la situation de leur pays.
Et c'est donc au milieu d'un climat de grande frustration que le dialogue de sourds a repris au plus haut niveau sur ce qu'il est convenu d'appeler la stratégie défensive du Liban.
Mais de quoi est-on censé véritablement discuter autour de la table ovale ? Aux yeux des responsables du 14 Mars, le point central du problème à résoudre est représenté par l'arsenal militaire du Hezbollah ou plutôt par son statut autonome, échappant au contrôle des institutions légales.
Certes, l'évolution du rapport de force sur le terrain ces dernières années a fait qu'on n'en est plus à réclamer tout bonnement le désarmement du parti de Dieu, mais simplement la mise en place d'une formule quelconque d'intégration de la « Résistance » dans le cadre étatique.
Concrètement, les deux options veulent dire la même chose ou du moins débouchent sur le même résultat, à savoir le démantèlement de l'État dans l'État constitué par le Hezbollah avec l'aide active de l'axe irano-syrien. Dans les deux cas, le but recherché est de mettre fin à la mission confiée au Hezb de doter l'Iran d'une frontière avec Israël, objectif tactique nécessaire, entre autres, à la propagande de celui qui a des ambitions de dominer - comme il y a des siècles et des siècles - le Proche et le Moyen-Orient.
Mais, précisément, nous sommes en Orient, et dans cette partie du monde, on considère qu'il est parfois essentiel de dire les choses poliment. Et il est certain que proposer à quelqu'un une « intégration » est plus amical que de menacer de le « désarmer ».
Sauf que, naturellement, le Hezbollah n'est pas dupe de ces embellissements de façade. Il sait parfaitement bien ce que signifierait pour lui et pour son mentor iranien la moindre concession sur ce terrain. Il s'y refuse donc catégoriquement, ardemment soutenu en cela par ses alliés, en particulier par le général Michel Aoun, qui est allé lundi jusqu'à nier pratiquement toute influence de l'axe syro-iranien au Liban.
Le Hezbollah s'emploie donc depuis plusieurs semaines à déplacer subrepticement l'objet même du dialogue. Il affirme ainsi que la question des armes n'est pas à l'ordre du jour et que celui-ci porte exclusivement sur les impératifs d'une bonne défense du Liban face à une offensive israélienne. Et bien entendu, il met en évidence sa propre expérience dans ce domaine.
Voilà bien un exemple criant de l'arrogance et du mépris dont fait preuve depuis bien longtemps cette formation envers une grande partie des Libanais, sans parler de l'absurdité même de sa démarche. Car enfin, la logique que développe le Hezbollah revient à dire tout simplement qu'il n'existe pas de conflit entre Libanais sur le statut et le rôle de la « Résistance » et que les seules divergences touchent aux modalités de mise en œuvre de la stratégie défensive.
Mais alors, si le débat consiste à déterminer combien de canons il faut déployer ici ou là, ou s'il faut chanter les louanges de la « Résistance » dans toutes les écoles ou seulement dans les établissements publics, pourquoi donc insiste-t-on tellement sur la nécessité d'un dialogue national à un niveau politique aussi élevé ?
De plus, les arguments du parti de Dieu constituent, cela va sans dire, une gifle aux résolutions internationales relatives au Liban. Le Hezbollah et certains de ses alliés s'en moquent peut-être, mais c'est loin d'être le cas des autres Libanais.
Cela étant dit, il convient de souligner que l'approche adoptée par une bonne partie de la majorité à l'orée de cette reprise du dialogue n'est pas de nature à clarifier le débat.
Contraint depuis le 8 mai 2008 et l'accord de Doha de lâcher du lest, le 14 Mars estime nécessaire aujourd'hui de se lancer dans une surenchère verbale sur la question israélienne. Outre la détestable et fausse impression que l'on donne ainsi en suggérant qu'on a quelque chose à se faire pardonner à ce sujet, cette surenchère finit par apporter de l'eau au moulin du Hezbollah.
Que dit ce dernier ? Que le péril d'une agression israélienne contre le Liban est une donnée sui generis et que le meilleur moyen d'y faire face est de consacrer et d'étendre l'expérience de la « Résistance » à tout le Liban.
Or à cette hypothèse, le 14 Mars croit pouvoir répliquer tout en reprenant à son compte sa donnée de base. Mais dans ce cas, c'est le Hezbollah qui aurait en apparence raison, car il vaudrait mieux en effet s'en tenir à ce qui existe et même le renforcer, plutôt que de chercher à le démanteler.
En réalité, c'est le postulat de base qui est faux et même archifaux. Ici, il faut s'entendre : le péril israélien est plus grand qu'on ne le croit, mais il n'a jamais été celui que l'on croit (ou qu'on cherche à faire croire).
N'en déplaise à l'ego de certains Libanais, le vrai, l'immense problème que pose la politique israélienne, aujourd'hui encore plus qu'hier, ne réside ni dans son hostilité à la formule de coexistence libanaise - laquelle en est encore à sa phase infantile -, ni dans ses visées hydrauliques, ni dans l'improbable rivalité économique entre les deux pays.
Il réside tout simplement dans son refus de la paix ; un refus constant, obstiné et programmé des impératifs d'une paix honorable avec les Palestiniens, que la majorité des Arabes propose à l'État hébreu depuis des années.
Israël et le refus arabe est le titre d'un ouvrage de Maxime Rodinson. Mais c'était en 1968. Aujourd'hui, n'y a-t-il personne pour écrire un livre sur « Les Arabes et le refus israélien » ?
Par ce refus, Israël, qui avait déjà activement aidé l'Iran dans les années quatre-vingt, lors de la guerre avec l'Irak, continue aujourd'hui de fournir à la République islamique les prétextes - et donc une partie des moyens - pour asseoir son hégémonie sur la région.
Tout dans la politique israélienne à l'égard des Palestiniens et du Liban montre une volonté de discréditer les Arabes modérés et de favoriser les extrémistes de tout poil, qui servent justement d'alibi à sa politique de refus de la paix.
Bien sûr, cela suppose que de temps à autre, on intervienne, tantôt au Liban-Sud, tantôt à Gaza, pour réguler à son humeur la règle du jeu, mais en prenant bien soin de ne pas supprimer les joueurs. Ce sont tout simplement les autres, ceux qui se prononcent pour une paix honorable, que l'on voudrait voir supprimés.
Avec une telle approche de la situation, les enjeux du dialogue national libanais apparaissent évidemment sous un autre jour que ce qu'on a bien voulu jeter à l'opinion. Certes, il faudra toujours discuter d'une stratégie défensive...
... pour faire face non pas au péril israélien, mais au péril israélo-iranien.
« Que Dieu me préserve de mes amis ; mes ennemis, je m'en charge ! » Peu importe que l'auteur de ce célèbre adage soit Voltaire ou un autre. Ce qui compte, c'est qu'il reflète aujourd'hui plus que jamais l'état d'esprit de nombreux Libanais à l'égard de la situation de leur pays.Et c'est donc au milieu d'un climat de...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut