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Lifestyle - Insolite

Seul dans son village

Il a inspiré à son neveu Simon un documentaire émouvant : « The One Man Village ». Semaan el-Habre est le héros ordinaire d'une vie peu ordinaire, le dernier habitant d'un village abandonné pour cause de guerre.

Semaan el-Habre, roi de Aïn el-Halazoun.

Le chemin qui mène à Aïn el-Halazoun est long, mélancolique sous cette pluie de février. Les amandiers en fleurs, les coquelicots qui déchirent la grisaille du ciel expriment le désarroi d'une nature qui ne comprend plus les humeurs des saisons. Au détour de Bhamdoun puis de Btater, jalonnés de nouvelles constructions et de vieilles maisons abandonnées au temps qui a passé, les tristes souvenirs de guerre  viennent quelquefois effleurer une mémoire qui tente en vain d'oublier.  
Pas ou plus aucun signe de vie, en arrivant chez Semaan el-Habre. C'est ici, nous dit-on, devant un terrain vague où traînent quelques pierres, qu'il y avait l'église du village. Ici qu'habitaient les cousins, les voisins, une quarantaine de familles. Ici que l'on enterrait nos morts. Avant la fatale guerre de la montagne de 1982.
Semaan, lui, a offert à ses parents leur dernière sépulture derrière sa maison. Ils lui tiennent ainsi compagnie durant les rares moments de nostalgie ou de grande solitude. « Ils sont tout le temps avec moi, murmure-t-il. Ils sont partis trop tôt... Ainsi va la vie. »
Car notre hôte, le roi de Ain el-Halazoun, est de nature gai. « Dis bonjour Yasso ! », lance-t-il en s'adressant à son cheval. Un sourire sous une longue moustache, « je l'avais à ma naissance ! », dit-il, des yeux bavards, un front gravé de rides et toute la tendresse du monde. Difficile de donner un âge à cet homme qui évolue dans ses terres comme un poisson dans l'eau. Il a l'air d'être à la fois un jeune homme qui a vieilli tôt et un vieil homme qui est resté très jeune. Sans doute 50 ans au compteur... Une vie simple, sans grands effets, qui en a pourtant fait un héros de cinéma. « Je suis à présent un acteur international, s'écrit-il. Je suis sous contrat pour 20 ans avec mon neveu Simon ! »

Voyages
Avant de devenir acteur malgré lui, acteur sans l'être réellement, puisque The One Man Village (Semaan Bill Dayaa) est un documentaire où il interprète son propre rôle, sa propre vie, Semaan el-Habre a fait des petits métiers, tenté l'aventure dans les pays arabes et en Allemagne, revenant, dès que la situation l'a permis, au pays et au village.  « Je suis né dans cette maison, confie-t-il. Nous avons vécu heureux avec mes 12 frères et sœurs. » Son père, fermier, qui lui donne le goût de la terre, décède prématurément. Sa mère, quelques années plus tard, d'une balle « perdue ». « Quand je suis revenu en 1994, Ain el-Halazoun avait des airs de ville fantôme. Tous les habitants avaient pris la fuite, ils ne sont jamais revenus. Il a suffi que je caresse à nouveau les pierres de ma maison pour qu'elle retrouve le sourire. »
Depuis, Semaan vit seul dans ce royaume perdu, entouré de ses amis les bêtes. Les vaches, Lady Vicky, Rabiaa', Sit Hanouni, Dallouaa ; les chiens, le chat, les coqs et leurs poules. Cousins et amis viennent en journée cultiver la terre puis repartent. Seul mais heureux, encore célibataire, « je cherche toujours la vache, pardon, la femme idéale ! », avoue-t-il dans un grand éclat de rire, la voix rocailleuse, en tirant sur sa centième cigarette.  Il l'avait pourtant trouvé, sa Mireille Mathieu idéale, mais elle ne l'aura pas attendu.
Seul mais actif, il vit au rythme des saisons. Réveil à 3 heures du matin, sa journée est ponctuée des mêmes gestes, mêmes tâches, un rituel qui le comble. Nourrir les animaux, couper le bois, prendre un bon café, traire les vaches, livrer le lait au village voisin, manger, dormir. Recevoir la famille les dimanches et jours de fête, passer, aussi rarement que possible, quelques instants furtifs en ville, puis revenir impatient, s'abandonner au silence. Et, le lendemain, refaire la même chose, avec une énergie et un bonheur intacts. « On rit un peu, on dort un peu, ainsi va la vie. »  
Ce documentaire est une belle première œuvre où Simon el-Habre a accompli un exercice sur la mémoire. Autour du personnage et de la personne de Semaan, suffisamment charismatique, tendre et poétique, pour être le centre du film durant 80 minutes, le réalisateur essaie, à sa manière, de ramener la vie à ce village abandonné.
Pour Semaan el-Habre, rien n'a changé depuis... Réveil à 3 heures du matin, il continue de nourrir les animaux, couper le bois, prendre un bon café, traire les vaches, livrer le lait au village voisin, manger, dormir. Et, le lendemain, refaire la même chose. Ainsi va sa vie.
Le chemin qui mène à Aïn el-Halazoun est long, mélancolique sous cette pluie de février. Les amandiers en fleurs, les coquelicots qui déchirent la grisaille du ciel expriment le désarroi d'une nature qui ne comprend plus les humeurs des saisons. Au détour de Bhamdoun puis de Btater, jalonnés de nouvelles constructions et de vieilles...

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