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Europa Jaratouna: l'action de l'Europe dans 8 pays sud-méditerranéens - Développement

Medibtikar, un programme au service de l’innovation

Lancé en 2006, Medibtikar a pris fin en décembre dernier. En termes de bilan, le programme affiche des succès, mais également des résultats en demi-teinte, notamment au Liban.

La création libanaise présentée lors du défilé de mode MEDA INNOVA organisé avec le soutien du réseau conception de Medibtikar et qui s'est déroulé au Caire en novembre 2008, dans le cadre de la foire exposition EGYTEX 2008.             Photo Medibtikar

En 2004, dans le cadre de la conférence euro-méditerranéenne des ministres de l'Industrie organisée à Caserta (en Italie), l'Algérie, l'Égypte, Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, l'Autorité palestinienne, la Syrie et la Tunisie approuvaient la charte euro-méditerranéenne pour l'entreprise. Cette charte visait essentiellement à faciliter la création d'une zone Euromed de libre-échange et à créer un environnement propice au commerce et au renforcement des partenariats euro-méditerranéens. Atteindre ces objectifs passe notamment par la promotion de l'innovation dans la région MEDA et le renforcement des réseaux.
Ces deux points sont au cœur du programme Medibtikar, lancé en 2006. Le nom Medibtikar est le résultat de l'agrégation de Med pour Méditerranée et Ibtikar, innovation en arabe. Doté d'un budget de 7,3 millions d'euros pour trois ans, Medibtikar visait à fournir aux pays de la zone MEDA (Algérie, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Syrie, Autorité palestinienne, Tunisie et Turquie) de nouveaux instruments permettant de stimuler l'innovation au niveau des entreprises et du pays, et d'améliorer les instruments existants. Medibtikar encourageait également la mise en place de réseaux d'échanges et de partenariats au sein de la région MEDA, ainsi qu'entre cette dernière et les pays de l'Union européenne. Pratiquement, l'action de Medibtikar s'est déroulée selon cinq axes : services aux incubateurs et technoparcs ; développement de mécanismes pour le transfert de technologie ; financement de l'innovation ; management de l'innovation ; soutien sectoriel.
Medibtikar a pris fin en décembre dernier. À l'heure des bilans, le programme peut afficher des succès, mais également des résultats en demi-teinte, notamment au Liban.
Au chapitre des réussites, figure notamment l'établissement d'une étude de faisabilité de la RIFF « Regional Innovation Financing Facility ». Cet outil a été défini à la suite d'un diagnostic précis des systèmes de financement de l'innovation pour chaque pays MEDA et de recommandations pour des outils qui pourraient pallier les manques de ces systèmes de financement. La RIFF sera constituée de trois composantes : une task force permettant d'offrir des formations, et une assistance technique aux organismes ayant des projets et aux autres parties prenantes ; le développement d'un fond de garantie dédié à l'innovation ; et le développement d'un fond de lancement rassemblant des pools d'investissement privés et publics.

Outils d'accompagnement pour l'établissement de partenariats internationaux
Sur un plan plus concret, dans le cadre de Medibtikar, quatre pays méditerranéens ont concrétisé la mise en place d'outils d'accompagnement des PME pour l'établissement de partenariats internationaux technologiques et commerciaux. À travers l'adhésion au plus grand réseau mondial d'aide aux PME, le réseau « Enterprise Europe Network » mis en place par l'Union européenne, les PME égyptiennes, syriennes, marocaines et tunisiennes ont accès aux services de plus de 2 500 experts économiques et aux technologies réparties dans plus de 40 pays.
En parallèle, des producteurs égyptiens, notamment de kichk ou de certains fromages, ont pu suivre des ateliers et des séminaires de sensibilisation aux standards de production européens, des séminaires leur donnant des clés pour améliorer la qualité de leurs produits et surtout les mettre en conformité avec les standards internationaux, l'objectif final étant d'aider à l'exportation de ces produits. Un programme qui a eu du répondant puisque 34 compagnies égyptiennes impliquées dans l'agroalimentaire ont participé aux séminaires offerts par Medibtikar.

Diagnostic innovation
La Syrie a, quant à elle, notamment bénéficié des résultats d'un « diagnostic innovation » qui visait, d'une part, à établir un registre des organisations et ministères syriens jouant un rôle dans le développement de politiques liées aux technologies et à l'innovation, et, d'autre part, à évaluer les programmes et services rendus par les organisations spécialisées en recherche et développement déjà existantes. Cette étude a permis de produire un certain nombre de recommandations dont la modernisation des politiques de recherche et de développement à travers la création de nouveaux intermédiaires et de laboratoires pour des services d'innovation, ou encore l'amélioration du management en innovation.
Au chapitre des résultats en demi-teinte, figure le Liban. Naji Mouzannar, PDG de Mouzannar Brothers Corporation for Spinning, Weaving and Printing et membre de la Fédération des Chambres de commerce, d'industrie et d'agriculture au Liban, se veut par exemple assez critique en ce qui concerne l'apport de Medibtikar au niveau de la filière textile. Sur ce domaine, le programme Medibtikar s'est notamment traduit par la mise en place d'un portail Internet, Medatex, visant à établir un système d'information régional pour le secteur textile. Ce portail a pour objectif de stimuler les relations entre les acteurs régionaux du secteur textile, et entre ces derniers et l'Union européenne. Le portail est trilingue, arabe, français, anglais, et fournit un calendrier des événements intéressant le secteur textile, des rapports et études, ainsi que des contacts dans le secteur.
« Une fédération arabe des industries textiles existe déjà. Nous n'avions pas besoin d'un nouveau site Internet », estime néanmoins M. Mouzannar. « Selon moi, les urgences, pour le secteur textile, se situaient ailleurs. Nous avons besoin de développer le management dans ce secteur, surtout au niveau des PME. Nous avons également des lacunes en ce qui concerne le marketing. Or, un bon marketing est indispensable pour avoir accès au marché européen. Il y avait un travail à faire à la base, et il n'a pas été fait », ajoute-t-il.
M. Mouzannar estime toutefois que les torts sont partagés quand il s'agit de définir les causes de ce résultat qu'il estime passable. « Les experts de Medibtikar auraient dû repérer les besoins réels de notre secteur et pousser les projets en ce sens. Or, ils n'ont pas saisi la réalité du terrain. Mais la partie libanaise est également responsable de l'échec, notamment en raison d'un manque de transparence et d'une mauvaise communication », note M. Mouzannar.

Un engagement trop léger du gouvernement
Naji Abi Zeid, chef de l'unité consacrée à l'environnement externe de l'Institut de recherche industrielle (IRI) du Liban, dresse également un bilan mitigé de l'expérience Medibtikar au Liban. « Les experts de Medibtikar nous ont aidés dans la finalisation d'une proposition que nous avions élaborée pour faire partie du réseau EEN (Enterprise Europe Network) », explique-t-il. Créé en 2008, EEN est aujourd'hui le plus vaste réseau européen d'aide, de soutien et de conseil aux PME. À noter que la proposition établie par l'IRI et les Chambres de commerce a été acceptée par l'UE, faisant du Liban le premier pays arabe à pouvoir devenir membre à part entière du réseau. Les experts de Medibtikar ont également offert une formation aux futurs membres de l'équipe libanaise devant entrer dans l'EEN. À noter néanmoins qu'aujourd'hui, l'entrée du Liban dans l'EEN est gelée, le gouvernement libanais refusant d'y donner suite et de s'acquitter d'une part du financement.
Tout en reconnaissant que les formations offertes étaient utiles et bienvenues, M. Abi Zeid reproche à Medibtikar de ne pas avoir établi de projet au Liban autour des deux axes de travail pourtant centraux du programme, à savoir l'assistance à l'innovation et le financement de l'innovation. Mais là encore, Naji Abi Zeid reconnaît que les autorités libanaises ont leur part de responsabilité dans ce manque. « Côté libanais, nous avons eu un véritable problème de transmission de l'information », estime-t-il. Par ailleurs, dans le cadre de Medibtikar, les initiatives privées libanaises semblent avoir été handicapées par un engagement beaucoup trop léger du gouvernement.
« Nous considérons globalement ce projet (Medibtikar) comme un succès », note pour sa part Jussi Narvi, chef de la section opérations à la Délégation de l'UE au Liban. Il ajoute néanmoins que « la difficulté inhérente aux projets régionaux repose sur le fait qu'ils ne peuvent évidemment pas être parfaitement taillés sur mesure pour chacun des pays qui y participent ».
Selon M. Narvi, « Medibtikar n'a pas totalement répondu aux besoins du Liban, ce qui a conduit à un intérêt plutôt tiède du gouvernement et des parties prenantes, et ainsi à une sous-exploitation des opportunités offertes par le projet. Un compromis n'est jamais la solution optimale pour toutes les parties concernées. Mais c'est bien aux Libanais qu'il revient de développer leurs compétences (en termes de gestion, de marketing, etc.) ; ce que l'Union européenne se propose de faire, c'est les aider à mettre en œuvre les plans qu'ils auront eux-mêmes définis ».

 

*Europa jaratouna est un projet médiatique initié par le consortium L’Orient-Le Jour, al-HAYAT LBC et élaboré avec l’aide de l’Union européenne. Il traite des actions de l’UE dans 8 pays du sud de la Méditerranée. Pour en savoir plus, visitez le site www.eurojar.org. Le contenu de cette  publication relève de la seule responsabilité de L’Orient-Le Jour et ne peut aucunement être considéré comme reflétant le point de vue de l’Union européenne.

En 2004, dans le cadre de la conférence euro-méditerranéenne des ministres de l'Industrie organisée à Caserta (en Italie), l'Algérie, l'Égypte, Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, l'Autorité palestinienne, la Syrie et la Tunisie approuvaient la charte euro-méditerranéenne pour l'entreprise. Cette charte visait...