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Législatives : juin 2009 - Pour aller plus loin

Les risques d’une récusation de Hariri se multiplient

En remettant lundi une mouture de composition ministérielle au président de la République, le Premier ministre désigné, Saad Hariri, a sans doute donné un coup de pied politique dans la termitière - et peut-être aussi différé une éventuelle déflagration sécuritaire, pour reprendre l'analyse d'un fin observateur.
En ce sens, la démarche de Saad Hariri aura en partie probablement contribué à montrer que les blocages, aussi bien internes qu'externes, qui empêchent jusqu'à présent la formation du cabinet sont toujours solidement en place et font que son initiative relève quasiment de l'impossible dans les circonstances actuelles et au vu des nombreuses échéances à venir.
Il est désormais évident, pour examiner d'abord l'angle sous la question interne, que la formule proposée lundi par le Premier ministre désigné au président de la République ne verra pas le jour ; en tout cas certainement pas sous sa forme actuelle. La solidarité de l'opposition dans son refus net et catégorique de participer au gouvernement, hier, à Beiteddine, étouffe en effet dans l'œuf l'initiative Hariri. Mis à part la question des conditions aounistes - qui ont pourtant obtenu un nombre de portefeuilles importants comme les Travaux publics, l'Éducation, la Culture et le Travail à Hagop Pakradounian du Bloc du changement et de la réforme - notamment l'intégration de Gebran Bassil au gouvernement, l'opposition (par la voix du ministre sortant Bassil ou du député Ibrahim Kanaan) accuse désormais le Premier ministre désigné d'avoir enfreint les dispositions constitutionnelles, dans la mesure où il ne se serait pas concerté avec le président de la République sur les noms avant de lui remettre la composition du cabinet. Ce à quoi des sources du Courant du futur ont répondu hier, affirmant que le président Sleiman avait toute la latitude de revisiter le projet du Premier ministre désigné et d'y apporter des modifications.

Le problème chrétien
Si l'opposition a exprimé son rejet du projet Hariri, des voix se sont élevées hier au sein du 14 Mars pour faire état de certaines réserves aussi, notamment au sein du parti Kataëb, des Forces libanaises et du Parti socialiste progressiste.
En effet, si le général Aoun fulmine, il reste que les formations chrétiennes du 14 Mars reprochent apparemment au Premier ministre désigné d'avoir été bien trop magnanime avec le chef du CPL au niveau de la distribution des portefeuilles, alors même que ce dernier ne représente, selon eux, que 50 % des chrétiens et qu'il se trouve dans l'opposition, alors qu'elles ont activement contribué à la victoire du 14 Mars aux dernières élections. L'attitude de ces formations serait explicable par le fait qu'elles jugent inopportun de donner trois ministères comme les Travaux publics, l'Éducation ou le Travail à leur rival à quelques mois des élections législatives. Ainsi, le chef du parti Kataëb, l'ancien président Amine Gemayel, a-t-il laissé entendre hier que les résultats sur le papier ne correspondaient pas à ce sur quoi il s'était entendu avec le Premier ministre, tandis que le député Samy Gemayel, pressenti pour le portefeuille du Tourisme, a indiqué hier qu'il ne souhaitait pas faire partie du cabinet personnellement. De même, les Forces libanaises ont exprimé certaines réserves concernant les portefeuilles qui leur ont été attribués, tout en acceptant la morphologie du cabinet et en mettant l'accent sur la volonté de ne pas faire obstruction au processus de formation. Quant au ministre sortant Waël Bou Faour, il a indiqué que le Parti socialiste progressiste aurait préféré conserver le portefeuille des Travaux publics, octroyé au député du CPL Alain Aoun, mais que le souci de faciliter la tâche à Saad Hariri prévalait sur cette considération.
En bref, personne n'est tout à fait content, ce qui complique énormément la tâche au président de la République, qui aurait préféré, selon certaines sources, que le Premier ministre désigné mène sa tâche jusqu'au bout avant de lui remettre son projet. Faute de quoi, Michel Sleiman a procédé hier à des contacts avec le président de la Chambre Nabih Berry et le chef du Rassemblement démocratique, Walid Joumblatt, pour tenter de relancer le processus de dialogue entre toutes les parties et de déboucher sur une formule acceptable par tous. D'autant que la délégation de l'opposition a demandé au président un délai de trois jours avant de donner une réponse favorable à la reprise du dialogue.

La dimension régionale
Cependant, ce blocage local est, une fois de plus, considéré comme « formel » par la majorité, selon laquelle derrière l'obstination du CPL et la solidarité du Hezbollah se cache une décision régionale, c'est-à-dire syro-iranienne, de continuer à bloquer la formation du cabinet. C'est en tout cas ce qu'affirme une source responsable proche du 14 Mars qui lie le blocage aux préoccupations syro-iraniennes habituelles face au TSL. En d'autres termes, le blocage dépasse le cadre du dossier du gouvernement en tant que tel.
Des sources proches du 14 Mars estiment ainsi qu'au-delà des questions constitutionnelles soulevées par le Hezbollah et ses alliés, le parti islamiste cherche en effet à exercer un droit de veto au niveau de la formation du cabinet... en attendant de le transposer au sein même du cabinet. Ce qui constitue, poursuit cette source, une poursuite du « coup d'État institutionnel » contre le régime politique et Taëf, et une volonté évidente, menée de l'extérieur et sous l'influence pressante des armes, de transformer la « crise de pouvoir » en « crise de régime » remettant en cause l'ensemble des fondements du système politique libanais.

Hariri veut claquer la porte
Face à cette situation impossible et aux pressions grandissantes du 8 Mars dans sa dimension aussi bien locale que régionale, Saad Hariri aurait sérieusement songé hier à se résigner et se récuser, selon une multitude de sources bien informées. Le chef du PSP, Walid Joumblatt, aurait compris cela et envoyé le ministre sortant Waël Bou Faour à Beiteddine pour tenir le président Sleiman au courant des velléités de Saad Hariri. Le chef du PSP aurait d'ailleurs demandé au Premier ministre désigné de renoncer à sa démarche et d'attendre la réouverture du dialogue sous les auspices du président Sleiman. Le chef de l'État aurait à son tour contacté Saad Hariri pour le dissuader d'entreprendre une telle démarche, en attendant les résultats de sa médiation. À l'issue de ces entretiens, le Premier ministre désigné aurait finalement décidé de suspendre sa démission pour l'heure, après avoir reçu un soutien important de la part de Walid Joumblatt et de personnalités prépondérantes du 14 Mars. C'est d'ailleurs dans ce sens que la réunion du secrétariat général du 14 Mars aujourd'hui revêt une importance toute particulière, dans la mesure où l'attitude du Premier ministre désigné dépendra sans doute de l'unité et du soutien que lui apporteront les différentes composantes de la coalition. La position du 14 Mars uni autour de son secrétaire général sera probablement déterminante aussi par rapport au positionnement du chef de l'État, à la suite des contacts entrepris par ce dernier, et à l'ensemble de « la crise de régime » qui se déroule actuellement.
Il reste cependant qu'une démission de Saad Hariri n'est pas à exclure. Il ne fait aucun doute qu'une telle initiative viendrait porter un coup déterminant à la majorité, puisqu'elle pulvériserait les résultats des législatives, sous les coups de boutoir des forces de facto. Par ailleurs, même si le chef du Courant du futur est reconduit à travers de nouvelles consultations parlementaires, il aura quand même subi un coup moral important. Et rien ne prouve qu'il pourra mener à bien sa mission cette fois, même s'il modifie la formule ministérielle des 10+15+5, ou qu''il décide de former un cabinet de pôles ou encore de technocrates, dans la mesure où le blocage dépasse complètement le cadre strictement interne.

M.H.G.
En ce sens, la démarche de Saad Hariri aura en partie probablement contribué à montrer que les blocages, aussi bien internes qu'externes, qui empêchent jusqu'à présent la formation du cabinet sont toujours solidement en place et font que son initiative relève quasiment de l'impossible dans les circonstances actuelles et au vu des nombreuses...