Rechercher
Rechercher

Législatives : juin 2009 - Pour aller plus loin

Hariri prône une coexistence réelle, Aoun refuse « toute nouvelle concession »

Les responsables locaux ne se privent plus désormais de le dire en clair. Ils l'affirment au détour d'un entretien : le blocage est toujours là, que sa cause soit interne ou régionale, ou encore un savant mélange des deux facteurs, qui, somme toute, semble arranger tout le monde.
Pour Michel Aoun, la paralysie qui plane depuis près de trois mois sur la scène politique est, sans l'ombre d'un doute, d'origine régionale, « et ses causes seront bientôt dévoilées », a fait valoir le député du Kesrouan. Il en a tout de même profité pour annoncer qu'il n'irait voir « personne », estimant que sa résidence était assez agréable pour recevoir ses pairs. Reprenant en outre un dicton populaire, il a indiqué en substance que celui qui « a compliqué la situation doit la résoudre tout seul », rejetant ainsi une nouvelle fois les critiques qui lui sont adressées et qui l'érigent en seul responsable du surplace gouvernemental. Alain Aoun est également allé dans le même sens hier, niant lui aussi que le vide gouvernemental soit provoqué par des facteurs internes. Le cadre CPL en a également profité pour rappeler que le gouvernement ne pourrait se faire sans prendre en compte les réclamations de son courant politique. C'est dans ce contexte que Talal Arslane a affirmé hier à la revue as-Sayad dans un entretien à paraître demain que Michel Aoun lui a « promis » de ne prendre « aucune décision concernant le gouvernement tant que ma participation au sein du prochain cabinet ne sera pas assurée ». Tous ces éléments laissent présager rien moins qu'un statu quo prolongé, alors que le quotidien saoudien al-Watan soulignait hier l'imbrication de plusieurs facteurs dans la crise libanaise, qui ont pour impact direct de diversifier les différends entre les pôles politiques locaux, tant et si bien que « le débat s'est développé pour s'attaquer aux prérogatives constitutionnelles du Premier ministre désigné » ; ce qui a poussé Saad Hariri à « sortir de son silence pour rappeler qu'il est investi par la Constitution du pouvoir de former un gouvernement avec l'aide du président de la République, et que chaque partie politique est libre de réclamer ce qu'elle veut sans que cela ne l'oblige en rien ». Faut-il ajouter à cela les propos tenus par une source CPL qui a relevé hier qu'une réunion Hariri-Aoun serait totalement inutile tant qu'elle ne serait pas destinée à discuter les « portefeuilles ministériels » ? « La formation des gouvernements ne se fait pas de la sorte, a poursuivi cette source. Le Premier ministre reçoit chez lui qui bon lui semble tout en boycottant d'autres pôles politiques qui disposent d'un poids non négligeable sur la scène politique et en chargeant certaines personnalités de lancer des campagnes médiatiques effrénées contre eux ». L'optimisme n'est donc pas au rendez-vous au sein du CPL puisque Michel Aoun et d'autres responsables CPL ont refusé de prévoir la naissance prochaine du nouveau gouvernement, tout en rappelant qu'« aucune autre concession supplémentaire » ne pourrait être attendue de leur côté.
Saad Hariri, sans doute décidé à ne pas entrer une nouvelle fois dans la polémique, et dans un souci de calmer les tensions médiatiques dénoncées par le CPL lui-même, a opté pour le calme, du moins apparent. Au cours du iftar donné hier soir en l'honneur des chefs religieux chrétiens à Koraytem, il a choisi de mettre l'accent sur la manière dont il perçoit le cabinet qu'il est en train - avec toutes les difficultés du monde - de mettre en place : un gouvernement de coexistence où chrétiens et musulmans se partageraient équitablement le pouvoir et qui laisserait transparaître la spécificité de ce « Liban-message », une vision qui, sans doute, correspond aussi au slogan adopté par le bloc parlementaire, fruit de l'alliance entre le Courant du futur et les pôles du 14 Mars, « Liban d'abord ». Un discours qui rappelle étrangement celui tenu par M. Hariri au cours de sa mémorable campagne électorale, mais qui, une fois les élections remportées, ne s'est toujours pas concrétisé politiquement. Le dilemme est en effet aujourd'hui de taille : faut-il former un gouvernement uniquement dans le but de sortir le pays d'un vide institutionnel qui s'installe dans la durée, quitte à ce que ce cabinet ainsi formé soit incapable de gouverner dès que le moindre problème de taille surgira, ou bien doit-on au contraire s'armer de patience, résoudre un à un les obstacles qui minent la route du Premier ministre désigné pour s'assurer ensuite de la bonne marche et de la bonne cohésion du nouveau cabinet ?
Quoi qu'il en soit, toutes les bonnes intentions du monde ne peuvent que rester lettre morte tant qu'une réelle réorganisation interne de la majorité n'est pas effectuée. Après la volte-face de Walid Joumblatt, la grogne des Kataëb - même si elle est justifiée et légitime - contre la manière dont le mouvement du 14 Mars est géré vient une nouvelle fois fragiliser une majorité qui a plus que jamais besoin de se montrer unie et en harmonie, forte de ses convictions et blindée contre les influences extérieures qui ne sont pas toujours - très loin s'en faut - favorables à la bonne marche de la vie politique locale. Une restructuration du 14 Mars, une redéfinition de ses objectifs sont éminemment nécessaires, mais le timing choisi pour cela n'est pas adéquat. Sauf s'il est désormais acquis que le cabinet ne verra pas le jour avant très longtemps, et dans ce contexte il est utile de reprendre l'interrogation de Nassib Lahoud qui se demandait hier « qui a intérêt à faire croire que les Libanais sont incapables de se gouverner par eux-mêmes »...
Ainsi, continuer inlassablement et de manière quelque peu irresponsable à lier la crise interne à des tiraillements régionaux a quelque chose de passablement indécent, notamment eu égard aux millions de Libanais qui n'attendent qu'une chose : la naissance d'un nouveau gouvernement viable et digne de confiance. Pour cela, il faudrait que chaque partie accepte de faire les « sacrifices nécessaires », tels que l'a souligné hier Michel Sleiman, mais la volonté semble manquer.
Pour Michel Aoun, la paralysie qui plane depuis près de trois mois sur la scène politique est, sans l'ombre d'un doute, d'origine régionale, « et ses causes seront bientôt dévoilées », a fait valoir le député du Kesrouan. Il en a tout de même profité pour annoncer qu'il n'irait voir...