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Législatives : juin 2009 - Pour aller plus loin

Parachever l’application de Taëf, telle devrait être la mission du prochain cabinet

Une constante chez le député Walid Joumblatt, président du PSP : son attachement à Taëf. Dans toutes ses communications, orales ou écrites, il répète qu'il est indispensable de retourner aux principes fondamentaux du pacte national.
Un document qui consacre la formule libanaise de partenariat dans la vie politique ainsi qu'au sein du pouvoir. En précisant, au sujet des relations avec la Syrie, que pour être vraiment privilégiées, elles doivent se fonder certes sur une coopération étendue, mais dans le respect absolu de l'indépendance de chaque pays, sans immixtion dans les affaires intérieures du partenaire. Taëf, et c'est là également un point essentiel, voire vital, édicte qu'il faut respecter la convention d'armistice conclue en 1949 à Rhodes, sous l'égide de l'ONU, jusqu'à la signature d'une paix régionale globale et juste.
Les principales formations du pays affirment également leur attachement à Taëf et leur rejet d'un nouveau pacte. À partir de là, le programme du gouvernement, que la déclaration ministérielle répercute, ne devrait provoquer aucun litige. Il s'agit pour lui, tout simplement, de compléter vingt ans après (comme dirait Alexandre Dumas père) l'application de Taëf. Le texte précisait que ses dispositions, toutes ses dispositions, devraient prendre corps durant le mandat du premier cabinet qui serait formé après sa parution. Ce gouvernement d'union était dirigé par Omar Karamé. Mais les mesures qu'il avait prises avaient été marquées du sceau de l'arbitraire et de la discrimination. Des milices avaient été désarmées et d'autres pas. Sur le plan politique, les parties concernées ne retenaient de l'accord que ce qui leur convenait.

Le parrain
Et le tuteur syrien n'a jamais fait, pendant sa trop longue occupation du pays, que fouler aux pieds l'esprit et la lettre de Taëf. Il a imposé le système unique, et inique, de la troïka. Il a organisé, en 1992, des législatives sur base d'une loi contraire aux préceptes de découpage des circonscriptions énumérés dans Taëf. Ces élections ont été boycottées par les Libanais à plus de 85 %, mais nul n'a pu contester la légalité, et à plus forte raison la légitimité, d'une Chambre installée au nom de la raison du plus fort.
Est-ce qu'un nouveau cabinet d'union va pouvoir rétablir l'ordonnance électorale, basée sur le mohafazat, émise par Taëf ? Est-ce qu'il va se souvenir de cet article 95 de la Constitution (de 1943 comme de 1990) qui exige l'abolition progressive du confessionnalisme politique ? On sait qu'aux termes de Taëf, un comité national, dirigé par le chef de l'État entouré des deux autres présidents et secondé par divers spécialistes, doit proposer au gouvernement, et à la Chambre, les moyens à mettre en œuvre pour abolir le confessionnalisme politique.

Le service public
Ce système ne concerne pas seulement les institutions politiques, mais également l'administration. La Constitution issue de Taëf édicte, à ce sujet, qu'en matière de recrutement du personnel, seuls le savoir-faire et la compétence doivent entrer en jeu. Elle prend soin de préciser que cela est valable autant pour le corps judiciaire et les institutions militaires ou sécuritaires que pour tout l'ensemble des services publics. Cependant, au titre des équilibres sociopolitiques, incontournables dans un pays composite, la Constitution fait exception en ce qui concerne les postes de première catégorie, considérés comme levier, ou courroie de transmission, du pouvoir proprement politique. Ces postes restent donc soumis au critère confessionnel et doivent être partagés à égalité entre musulmans et chrétiens, toutefois sans chasse gardée. Leur attribution s'effectue, en principe, par rotation, et toujours sous condition de compétence avérée. C'est du moins ce qu'ordonne la Constitution, jamais appliquée sur ce point à ce jour. Les gouvernements qui se sont succédé depuis 20 ans ont maintenu le vieux système pourri de copartage des zones d'influence, via les fonctionnaires, et de clientélisme effréné.
Qui peut le plus, peut le moins : on ne doit donc pas s'étonner que la décentralisation administrative soit, elle aussi, restée lettre morte. Tout le monde prétend la vouloir. Mais personne, depuis Taëf, n'a levé le petit doigt pour la réaliser. Aucun gouvernement n'a pris la peine d'élaborer un projet de loi à cet effet. Et pour cause : comment un pouvoir qui tire sa puissance du fait qu'il est centralisé, que tout revient à lui en définitive et en pratique, admettrait-il de céder des prérogatives aux régions, aux mohafez, aux caïmacams, aux fédérations municipales ? Que la décentralisation administrative serve puissamment la population, en réduisant ses corvées comme ses fatigues, et en favorisant le développement économique des régions, la classe politique au pouvoir n'en a rien à cirer, comme disait Édith Cresson en son temps.

L'éducation
Côté pédagogie, domaine essentiel pour le brassage d'un peuple pluriel et son harmonisation, pratiquement rien n'a été fait non plus. Taëf recommandait pourtant avec insistance la révision, la modernisation et l'uniformisation des manuels scolaires, notamment l'histoire et l'éducation civique. Parallèlement, il n'y a toujours pas de code de l'information libre, mais responsable, bien arrêté comme le demandait Taëf en visant la promotion de l'entente interne.
Sur le plan institutionnel, Taëf attend toujours la création de ce Sénat censé représenter les familles spirituelles du pays, la Chambre devant être élue pour sa part, aux termes du pacte non respecté, sur des bases non confessionnelles. D'ailleurs, c'est tout l'État de droit, fort, souverain et indépendant voulu par Taëf qui reste en plan. En plan de sécurité inabouti : il était prévu initialement que toutes les milices, libanaises ou palestiniennes, seraient désarmées dans un délai d'un an. Dix-neuf ans plus tard, le Hezbollah et les Palestiniens restent armés jusqu'aux dents et se sont taillés des royaumes bien à eux, sous le label lourdement ironique de périmètres de sécurité.
Un document qui consacre la formule libanaise de partenariat dans la vie politique ainsi qu'au sein du pouvoir. En précisant, au sujet des relations avec la Syrie, que pour être vraiment privilégiées, elles doivent se fonder certes sur une coopération étendue, mais dans le respect absolu de l'indépendance de chaque pays, sans immixtion dans les...