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Nos Lecteurs ont la Parole

Quand les femmes votent…

Marianne SARADAR BARAKAT
C'est à se demander si nous, filles d'Eve, méritons le droit de vote.
Pour se faire une juste idée sur le sujet, il aurait fallu, lors de cette fameuse date fixée le jour du Seigneur, soit un dimanche 7 juin 2009, aller voir du côté des électrices, dans un bureau de vote. Quel qu'il soit. En tout cas, s'agissant de la circonscription de Beyrouth I, le détour valait la peine !
Serait-ce le thermomètre qui affichait, le jour dit, quelques degrés Celsius de trop ?
Serait-ce les trois heures d'attente, debout dans la file, pour aller « jeter un sort » dans l'urne, aux uns ou aux autres de ces malheureux - pitoyables ? - candidats ?
Serait-ce notre enthousiasme exacerbé de femmes qui cherchaient peut-être l'occasion d'avoir enfin leur mot à dire dans ce maudit pays ?
Ou serait-ce tout simplement notre manque de civisme endémique qui sortait, une fois de plus, ses griffes ?
Quoi qu'il en soit, nous avons été littéralement odieuses. Et pour cause !
Au bout d'une heure d'attente dans une, deux, puis trois files qui n'avancent pas d'un pouce, les esprits s'échauffent.
Et bizarrement, ce ne fut pas le cas chez nos compagnons de route, nos hommes, qui ont gardé la tête froide, semble-t-il. Dieu seul sait pourquoi. Soit.
Les autorités publiques n'avaient qu'à ne pas nous séparer. Car chez nous, c'est comme pour les W.C., il y a les urinoirs pour hommes et les toilettes pour femmes ! Encore une de ces ségrégations sexistes dont nous sommes les champions en Orient.
Mais la Libanaise, aussi patriote soit-elle, a plus d'un tour dans son sac. Faire la queue ? Attendre gentiment son tour ? On croit rêver.
Alors, comme elle l'a toujours fait depuis la nuit des temps, elle recourt à ses innombrables ruses et autres pieux mensonges. Et ne voilà-t-il pas qu'une femme (en âge de procréer) clame, à qui veut l'entendre, qu'elle est en état de gestation ! Vrai ? Faux ? Allez savoir. Car, en ces temps dits modernes, et sans vouloir faire de la surenchère, la grossesse n'est visible à l'œil nu qu'au neuvième mois, et encore.
Tandis que cette autre lève son doigt - on se croirait à l'école - en jurant par tous les dieux que son nourrisson attend seul en voiture.
Qui dit mieux ? Une star (elles ont bien le droit de voter, elles aussi) bien de chez nous menace de renoncer à voter si on ne la dispense pas d'attendre son tour comme le commun des mortels. Car son avion (privé ?) décolle dans une heure.
À ce moment-là, une femme dite « sage » et d'un âge certain croit bon de faire appel à un arbitre, en l'occurrence un agent des FSI, pour venir à bout de ces querelles boutiquières. Et croyez-moi, l'homme qui s'est présenté ne pouvait être mieux choisi : grand, costaud, bref une espèce d'armoire à glace au look très dissuasif.
Cependant, avoir affaire aux femmes n'est pas chose évidente. Il aura quand bien même réussi à nous mettre en rangs, deux à deux. Souvenez-vous de vos années en maternelle.
Mais n'y tenant plus, il cède, une première fois, à la jeune électrice qui se dit enceinte. Et au fait, pourquoi pas moi, ou elle, ou encore elle ? Nous sommes ici nombreuses à être encore fertiles.
Il cèdera, une deuxième fois, à celle dont la progéniture gémit au soleil.
Que dire de cette mégère, la cinquantaine bien sonnée, qui arrive en trombe, et intime - presque - l'ordre de la laisser passer avant les autres sous prétexte qu'elle va déposer un bulletin blanc dans l'urne. Comme le lui a vivement conseillé son directeur spirituel, le curé de la paroisse.
Face à la résistance chancelante de l'agent de sécurité, elle hausse tout simplement le ton, jusqu'à lancer au malheureux vigile qu'il aurait intérêt à la faire passer, et qu'au cas contraire, elle ferait appel à... son curé ! Et voilà notre fonctionnaire lâchant prise pour la troisième fois. Ce que femme veut...
« Last but not least », c'est cette jeune première, la trentaine à peine (la valeur n'attend point le nombre des années) qui, arrivant bien après la clique « indisciplinée » que nous formions, et sans mot dire, se pointe en tête de file. L'agent couard se veut patient, courtois, voire galant avec le sexe dit faible. Et c'est en vain qu'il tentera de convaincre cette citoyenne déterminée à déposer son bulletin avant les autres d'aller rejoindre l'autre extrémité de la file.
Arrivée à sa hauteur, je lui annonce poliment que je ne la ferai pas passer. C'est alors que j'ai eu droit aux insultes de sa mère qui l'accompagnait, et qui m'a tout bonnement servi bien haut des propos « merdeux ». Et en arabe, c'est tout dire. Je la boucle sans céder toutefois. S'ensuivront consternation et silence dans cet attroupement de femelles enragées.
Quelques minutes plus tard, je déposais mon bulletin de vote dans l'urne et jurais que l'on ne m'y reprendrait plus jamais.

Marianne SARADAR BARAKAT
C'est à se demander si nous, filles d'Eve, méritons le droit de vote.Pour se faire une juste idée sur le sujet, il aurait fallu, lors de cette fameuse date fixée le jour du Seigneur, soit un dimanche 7 juin 2009, aller voir du côté des électrices, dans un bureau de vote. Quel qu'il soit. En tout cas, s'agissant de la circonscription de...

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