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Législatives : juin 2009 - Pour aller plus loin - Législatives : les circonscriptions à la loupe

Le caza de Baabda, ou l’archétype absolu du cas chrétien

Le camp qui gagnera les élections à Baabda pourrait être celui qui arracherait l'hémicycle. Dans ce caza, le grand électeur, celui qui fera pencher la balance d'un côté ou de l'autre, est définitivement le chrétien indécis. Et personne d'autre.
Qui gagnera les législatives 2009 - le 14 ou le 8 Mars ? Cette question fait le tour du Liban, jour après jour, heure après heure, et la réponse est unique : les chrétiens décideront de l'issue de ce scrutin. Un point c'est tout, un point c'est eux. Mais pas n'importe quels chrétiens : les indécis d'entre eux ; ceux qui ne sont partisans ni d'un camp ni d'un autre, ceux qui ne savent toujours pas s'ils vont voter ou pas. Cela est absolument valable sur le plan national.
L'exemple-type, l'archétype de cet électeur se trouve dans le caza de Baabda.

Le pitch
Toutes les factions politiques possibles et imaginables cohabitent dans le caza de Baabda : le 14 Mars dans pratiquement toutes ses composantes (Forces libanaises, Kataëb, PNL, PSP et Courant du futur), ainsi que le 8 Mars, au quasi-complet, CPL et Hezbollah en tête. Le caza de Baabda, de la banlieue sud chiite au Metn-Sud druze en passant par le littoral (Aïn el-Remmaneh, Hadeth, etc.) et la Montagne (Hammana, Chbaniyé, etc.) maronites, représente donc le terreau idéal pour qui voudrait comprendre, du moins sur le papier, la convivialité made in Lebanon.
Le pitch de la bataille épique qui se jouera dans six jours est simple. Le CPL de Michel Aoun veut absolument récupérer ce qui, selon lui, lui a été volé en 2005 à cause de l'alliance quadripartite (Courant du futur/PSP/Amal/Hezbollah) et de l'inefficience d'un fantomatique Conseil constitutionnel : les six députés du caza en général, les trois maronites en particulier. Quant à l'Alliance du 14 Mars et les indépendants, ils entendent bien, tablant notamment sur les relations personnelles qui lient leurs candidats aux électeurs, créer ce qui serait une des plus grandes surprises de ce long dimanche de fiançailles : percer au maximum la liste dans le caza de Baabda du 8 Mars - une liste promise, par différents sondages et par les chiffres d'il y a quatre ans, à une claire et nette victoire.
Pour cela, il leur faudra convaincre... les non-partisans. Les indécis - chrétiens dans leur quasi-totalité - puisque la mobilisation partisane dans les deux camps a depuis longtemps atteint son climax (lire le paragraphe électeurs).

Les listes
Le 8 Mars propose aux habitants du caza une liste complète, qui comprend Hikmat Dib (Hadeth, maronite), Alain Aoun (non originaire du caza, maronite) et Nagi Gharios (Chiyah, maronite), tous trois CPL ou affiliés ; Ali Ammar (Bourj Brajneh, chiite) et Bilal Farhat (Ghobeïré, chiite) du Hezbollah, ainsi que le PSNS Fady Aawar (Qornayel, druze).
Le 14 Mars aligne également une liste complète, qui comprend Salah Honein (indépendant proche de la majorité, Kfarchima, maronite), Élias Abou-Assi (PNL, Ebadiyé, maronite) et Edmond Gharios, le président maronite de la municipalité de Chiyah, proche du député Michel Murr et donc de la majorité ; Bassem Sabeh (Bourj Brajneh, chiite), proche du chef du Courant du futur, Salah Haraké (indépendant, Bourj Brajneh, chiite), ainsi qu'Ayman Choucair, membre du bloc parlementaire de Walid Joumblatt (Arsoun, druze).
Face à ces deux listes complètes, le député sortant Pierre Daccache (Hadeth, maronite, proche de Michel Aoun) et l'ancien député Saad Slim (Bourj Brajneh, chiite, indépendant) ont formé un binôme déterminé jusqu'à nouvel ordre à arracher le maximum de voix à l'une comme à l'autre des deux formations.

Les électeurs
81 494 électeurs chrétiens et 70 090 électeurs musulmans inscrits devront départager ces quatorze candidats principaux.
Les musulmans sont répartis entre 35 349 chiites (19 000 votants environ, dont 16 000 assurés pour le Hezbollah), 25 975 druzes (dont 16 500 votants, l'immense majorité allant au PSP), et 8 771 sunnites (dont, cette année, grâce à une mobilisation accrue du Courant du futur, 4 000 votants, l'immense majorité allant là aussi au 14 Mars). Un simple calcul suffit ici à montrer que les voix musulmanes entre 14 et 8 Mars s'annuleront grosso modo le 7 juin prochain.
Les chrétiens inscrits se divisent ainsi : 56 993 maronites ; 12 119 grecs-orthodoxes ; 7 540 grecs-catholiques et 4 837 divers. Tous les spécialistes s'accordent pour dire que le nombre de votants oscillera cette année entre 42 000 et 44 000 (environ 12 000 pour la montagne et 32 000 pour le littoral).
Sur cette fourchette, les spécialistes assurent que 16 000 voix iront sans hésitation aucune à la liste du CPL et 12 000 aux partisans du 14 Mars (Forces libanaises, Kataëb et, dans une moindre mesure, PNL). Restent donc entre 14 000 et 15 000 voix chrétiennes qui ne savent pas dans l'escarcelle de quel camp se déverser. Et le CPL part, là, avec une avance d'environ 4 000 voix.

Des tics et des tocs
Sachant que sur le papier, c'est la liste du 8 Mars qui part, plusieurs éventualités et autres questions se posent. Un : comment réagira l'électeur de la Montagne face au choix de Michel Aoun de choisir trois candidats du littoral, virant ainsi Chakib Kortbawi (originaire du village de Kfarselmén) en faveur de son neveu Alain Aoun, originaire, lui, du caza de Nabatiyeh ? Deux : dans quelle mesure l'électeur aouniste votera sans hésiter pour les deux candidats chiites du Hezbollah, sachant qu'ils sont tous loin d'adhérer au document de Mar Mikhaïl (la tendance Alain Aoun prime, là, sur le courant Gebran Bassil), et que le candidat chiite CPL Ramzi Kanj a été écarté de la course ? La probabilité que l'électeur biffe les candidats chiites ou vote pour Saad Slim laisse de bons espoirs au haririen Bassem Sabeh, dont une éventuelle victoire serait, cette année, retentissante. Trois : comment réagira l'électeur chrétien qui doit voter dans la banlieue sud maintenant qu'il est clair que le ministre de l'Intérieur ne répondra pas par la positive à la revendication du 14 Mars - celle de déplacer les urnes à l'extérieur du périmètre de sécurité ? Quatre : Pierre Daccache, populaire au sein de l'électorat aouniste, piochera-t-il davantage de voix au sein de ce dernier ou au cœur des électeurs indécis ?
Des questions, et une certitude : le panachage sera roi. Et jouera davantage en faveur des candidats qui, à l'instar de l'ancien député Salah Honein, entretiennent une relation particulièrement proche avec l'ensemble des électeurs, quelle que soit leur tendance politique, tout en gardant une ligne et un discours indiscutablement clairs.
Plus difficile encore pour le 14 Mars que le Kesrouan, où l'électeur est beaucoup moins politisé, la bataille de Baabda pourra également trancher dans la guerre de succession qui se joue en catimini au sein du CPL, entre le neveu Alain Aoun et le gendre Gebran Bassil, beaucoup moins bien loti que le premier dans sa campagne au Batroun.
Baabda sera la mère des batailles interchrétiennes. Indiscutablement.
Qui gagnera les législatives 2009 - le 14 ou le 8 Mars ? Cette question fait le tour du Liban, jour après jour, heure après heure, et la réponse est unique : les chrétiens décideront de l'issue de ce scrutin. Un point c'est tout, un point c'est eux. Mais pas n'importe quels chrétiens : les indécis d'entre eux ; ceux qui...