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Les origines et les racines du Hezbollah passées au crible par Saoud el-Mawla

L’Empire safavide vs l’Empire ottoman

La notion selon laquelle seul le Mahdi était habilité à former un gouvernement islamique a été ébranlée avec l'émergence en 1501 de l'Empire safavide, mis en place par la famille safavide, qui était une famille soufie des tribus turkmènes, sunnite et hanafite, comme tous les Turcs, mais avec des visées nationalistes.
« Lorsque les Safavides ont commencé à instaurer leur empire, ils sont entrés en conflit avec les Ottomans qui sont, eux aussi, sunnites et hanafites, souligne Saoud el-Mawla. Les Safavides ont choisi d'adopter le chiisme duodécimain. Ils constituaient une secte soufie très proche des kazelbache, des bekdachi turcs, et ils croyaient en Ali et les imams. C'était donc facile pour eux d'opérer ce changement vers le chiisme. Ces Safavides étaient comme les alaouites de Turquie. Pour eux, la priorité allait à l'ethnie, à l'identité, au pouvoir. Ils ont donc bâti toute leur conception du pouvoir sur une identité chiite propre à eux. »
Le grand chah Ismaël affirmait devant ses conseillers et émirs qu'il avait rencontré le Mahdi dans une caverne et que celui-ci lui avait donné son épée et son cheval (signes de pouvoir terrestre et de jihad). Il estimait ainsi être le dépositaire des pouvoirs du Mahdi, puisqu'il avait reçu son cheval et son épée, donc sa force et son pouvoir. Il affirmait aussi avoir vu l'imam Ali dans un rêve et qu'il lui avait dit qu'il devait mener campagne. Mais il avait besoin de la légitimité des « marjaa », des « fouqaha », des ulémas, surtout ceux de Jabal Amel. Il a donc fait venir les ulémas de Jabal Amel pour leur demander de lui donner la légitimité et reconnaître qu'il est le remplaçant du Mahdi, soulignant qu'il instaurait son empire au nom du Mahdi. Cela a débouché sur quelque chose qu'on appelle la « niyaba royale », c'est-à-dire la députation spécifique revenant aux sultans safavides.
Le chah Tahmâsp a ainsi nommé le faqih, un Libanais de Jabal Amel. Mais les « fouqaha » de Jabal Amel n'ont pas accepté l'idée, selon laquelle le chah était le remplaçant (ou le député) de l'imam Mahdi. Il n'en demeure pas moins que les Safavides ont quand même instauré leur gouvernement qui est devenu un gouvernement chiite divin, c'est-à-dire qui a la bénédiction du Mahdi.
« La crise entre sunnites et chiites date surtout de cette période, la période de l'exacerbation des tensions entre l'Empire ottoman et l'Empire safavide. Bagdad était le champ de bataille entre les deux camps. Les Safavides ont donc instauré un empire sacré au sein duquel le chah était considéré comme le remplaçant du Mahdi », souligne Saoud el-Mawla. Ils ont fait introduire dans le chiisme beaucoup de pratiques qui n'existaient pas, comme l'indique Ali Chari'ati dans un livre important sur « le chiisme alaouite et le chiisme safavide » (alaouite ici en rapport avec Ali et non pas à la secte au pouvoir en Syrie).
Les Safavides affirmaient que l'imam Hussein s'est marié avec Shahrabano, la fille du dernier chah perse (yazdagerd). Donc la lignée des imams n'était pas uniquement une lignée sacrée du côté du père Hussein, mais aussi du côté de la mère. Ils ont introduit ainsi l'idée, selon laquelle la famille sacrée était en même temps royale et divine, ce qui est historiquement faux.
« Les pratiques sanglantes et théâtrales de la Achoura ont aussi été introduites par les Safavides, précise Saoud el-Mawla. Même au Jabal Amel, cela a été introduit en 1912 par des réfugies iraniens à Nabatiyé, dans le but d'affirmer l'identité chiite indépendante face aux Ottomans sunnites. On peut citer ici cette anecdote mentionnée par Chari'ati (et par tous les livres écrits par des voyageurs européens au XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles en Iran) : dans le théâtre de Achoura, ils introduisent un chrétien qui se passionne pour Hussein et le défend, alors que le sunnite le tue... Les Safavides ont introduit aussi la vénération de Abu-Lou'lou'a , un Perse qui a tué le calife Omar. Son mausolée est sacré et visité par des foules à Qom... Omar était à la tête de l'armée qui a conquis la Perse... On comprend bien ici le sentiment nationaliste perse très violent. »
La notion selon laquelle seul le Mahdi était habilité à former un gouvernement islamique a été ébranlée avec l'émergence en 1501 de l'Empire safavide, mis en place par la famille safavide, qui était une famille soufie des tribus turkmènes, sunnite et hanafite, comme tous les Turcs, mais avec des visées...