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Les origines et les racines du Hezbollah passées au crible par Saoud el-Mawla

Moussa Sadr et Mohammad Mahdi Chamseddine dans la tourmente de la « marjaïya » iranienne

En 1906, l'Iran a été le théâtre d'une grande révolution, la révolution de la Constitution. Les Iraniens ont participé à cette révolution pour tenter d'instaurer une royauté constitutionnelle de manière à contrôler le pouvoir par le biais de la Constitution, via le Parlement et un gouvernement parlementaire et constitutionnel. Tous les « foqaha », tous les ulémas du Najaf ont publié alors des fatwas soutenant la révolution de la Constitution iranienne (appelée Mashrouta). Le grand « marjaa » el-Naïni a publié un livre très connu sur le gouvernement constitutionnel démocratique.
Cette révolte a toutefois échoué et, par la suite, le chah a rétabli le despotisme. Soutenu par des ulémas anticonstitution (on les appelle la Mustabidda), il a estimé qu'il fallait instaurer une « hawza » (école religieuse) à Qom pour faire face à la « hawza » de Najaf qui était la référence des constitutionnels iraniens.
Après la Première Guerre mondiale, le pouvoir des Pahlavi fut instauré. Le chah Pahlavi a pris le pouvoir avec le soutien des Britanniques. Les Pahlavi étaient contre la « hawza » et contre les religieux. C'était la période de l'occidentalisation et de la laïcisation par en haut, comme en Turquie et en Afghanistan. C'est alors qu'a commencé la période du conflit avec les religieux. Ce fut donc la période de la persécution des religieux de Qom jusqu'à la révolte de 1963.
Pendant cette période, les ulémas de Najaf ont participé à la vie politique de l'Irak, notamment lors de la révolte de 1915 contre les Britanniques, jusqu'à la grande révolte de Najaf de 1920, sans compter l'instauration du gouvernement du roi Fayçal auquel les chiites furent associés. Le grand imam de l'Irak à l'époque des rois hachémites, puis des coups d'état, était Mohsen el-Hakim. « C'est lui qui a envoyé Moussa Sadr puis Mohammad Mahdi Chamseddine au Liban, indique Saoud el-Mawla. En 1963, à la période où Mohsen el-Hakim était à son apogée à Najaf, le grand "marjaa" des chiites de Qom était le grand imam iranien Broujerdi. Khomeyni n'était pas alors un "marjaa". En 1963, lorsque éclata la grande révolte, Khomeyni fut exilé par le chah qui voulait l'emprisonner ou même le tuer, mais les "marjaa" de Qom à cette époque ont tenu, en présence de Broujerdi et Chariaat Madari, les grands "marjaa" de l'époque, une réunion avec les "marjaa" de Najaf, comme Mohsen el-Hakim. Les représentants des deux écoles ont publié un communiqué affirmant que Khomeyni est un "marjaa", dans le but de le protéger. Il a donc été exilé à Najaf, au début de 1964. »
De 1964 à 1969, Khomeyni a donné des cours à Najaf. Son livre Al-houkouma el-islamiya (« Le gouvernement islamique ») ou « wilayat el-faqih », publié en 1979, est un recueil des cours qu'il a donnés en 1969 à Najaf.
« À cette période, souligne Saoud el-Mawla, entre 1964 et 1969, Mohsen el-Hakim et avec lui la famille el-Hakim, ainsi que Moussa Sadr et Mohammad Mahdi Chamseddine, pratiquaient une politique plutôt démocratique, se basant sur le fait qu'il faut œuvrer à bâtir la société chiite, à intégrer les chiites dans leur pays respectif, sous le slogan de la justice. »
En 1958, est apparu le parti « al-Da'wa ». Tous les ulémas de cette époque ont participé à la formation du parti « al-Da'wa », mais deux ans plus tard, en 1960-1961, Mohsen el-Hakim a rendu publique une « fatwa » recommandant de quitter le parti, car il estimait que c'était une copie chiite du parti des Frères musulmans. En effet, tous les écrits de Sayyed Qotob étaient diffusés et discutés à Najaf, dont le concept de « hakimiyya », introduit par Sayyed Qotob et le Pakistanais Mawdoudi, et selon lequel le pouvoir revient à Dieu, et donc les représentants de Dieu doivent prendre le pouvoir. Pour Sayyed Qotob, c'était l'avant-garde islamique qui devait prendre le pouvoir ; pour Khomeyni, c'était les « fouqaha ».
L'idée de « hakimiyya » s'est traduite ainsi par l'idée de wilayat el-faqih. Le faqih tient le pouvoir divin de l'imam Mahdi, donc c'est lui qui est seul capable d'instaurer un gouvernement islamique. Sayyed Qotob et Mawdoudi parlaient d'une avant-garde islamique et de Frères musulmans qui devaient instaurer un gouvernement islamique. Comme Khomeyni était chiite, il disait que dans la khilafa (ou succession du prophète), les imams étaient les plus aptes et devaient assurer la khilafa (la relève) et après eux, par conséquent, c'était les « fouqaha » qui étaient les descendants de ces imams.
La conception de wilayat el-faqih est donc d'instaurer un pouvoir où le faqih est un gouverneur absolu. Il tient tous les pouvoirs de l'État, et c'est lui qui légitimise les pouvoirs, y compris le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Il peut déclarer le jihad, avoir recours à la violence. Ils ont donc donné au faqih tous les pouvoirs qui étaient du ressort de l'imam occulté, infaillible. Pour comprendre cette évolution, il faut prendre en considération deux idées : l'une est l'importance et l'influence des idées sunnites de Mawdoudi et Sayyed Qotob ; et la seconde est la révolte populaire en Iran, avec la chute du régime du chah.
Dans ce cadre, il serait utile de faire un bref rappel historique. « Tous les faqih musulmans chiites contemporains, dont notamment Mohsen el-Hakim, el-Khoï, Sistani, Moussa Sadr, Mohammad Mahdi Chamseddine, étaient contre la wilayat el-faqih, précise Saoud el-Mawla. Ils ont introduit la notion de wilayat el-oumma, c'est-à-dire que pendant la période d'attente du retour du Mahdi, les gens ont la wilaya sur leur vie ici-bas, et que le pouvoir devrait revenir au peuple, à la nation, par le biais d'élections démocratiques. Ils disaient exactement cela : durant la période de la ghayba, ou l'attente de l'imam, la participation à la vie nationale et politique devrait se faire par le biais des élections, ce qui signifie que l'on mandate celui qui est choisi par les électeurs. Par contre, dans la wilayat el-faqih, le mandat vient de l'imam Mahdi. C'est donc le Mahdi qui a mandaté le faqih. »
Dans l'histoire de la révolution islamique, entre 1979 et 1981, il y a eu une grande alliance. Il y avait notamment le mouvement démocratique islamique, dont l'imam Moussa Sadr faisait partie ; ce mouvement s'appelait le « Mouvement de libération de l'Iran », dirigé par Mahdi Bazerkan et Ibrahim Yazdi, et dont Ali Chari'ati faisait partie, ainsi que l'ayatollah Taliqani. C'était un mouvement islamique démocratique.
Bazerkan a été le Premier ministre de la nouvelle République islamique. Après lui est venu le président Banisadr qui était d'une autre tendance, qui s'appelait le Front national, lequel est également islamique démocratique, datant de l'époque de Mousaddak.
« Khomeyni a fait un coup d'État au sein de la révolution islamique, à l'instar de ce qui s'est produit après la mort de Khomeyni avec Khamenei, lorsqu'il y a eu un coup d'État contre Mountazari, souligne Saoud el-Mawla. Entre 1979 et 1981, on se trouvait en Iran en présence de toutes ces forces islamiques démocratiques, les forces islamiques révolutionnaires, comme les Moujahidine Khalek, les forces marxistes, comme les fedayine Khalek, le Toudeh (parti communiste), etc. À l'ombre de ce tableau, des référendums ont été organisés sur la Constitution. La première Constitution qui a été écrite ne mentionnait rien sur la wilayat el-faqih. Puis un grand débat sur le terme démocratie a été initié afin d'adopter la mention islamique démocratique. Mais c'est le terme de République islamique qui a été en définitive adopté. Il n'en demeure pas moins qu'il y a eu à cette époque un débat sur le terme "démocratique", surtout de la part de Mahdi Bazerkan, Yazdi et le mouvement de libération nationale. Il y a eu conflit sur ce plan. »
Et Saoud el-Mawla d'ajouter : « Dans les années 75-78, il y a eu un grand conflit entre Khomeyni et Moussa Sadr. Khomeyni était à Najaf et Moussa Sadr au Liban. Hachemi Rafsandjani est venu en 1975 au Liban spécialement pour essayer d'entreprendre une mission de conciliation entre les deux. Le conflit portait sur la "marjaïya" de Mohsen el-Hakim. Moussa Sadr soutenait que le "marjaa" était Mohsen el-Hakim à Najaf, et après Mohsen el-Hakim venait l'imam el-Khoï. Il n'acceptait donc pas la "marjayaa" de Khomeyni », ni d'ailleurs la wilayat el-faqih.
En 1906, l'Iran a été le théâtre d'une grande révolution, la révolution de la Constitution. Les Iraniens ont participé à cette révolution pour tenter d'instaurer une royauté constitutionnelle de manière à contrôler le pouvoir par le biais de la Constitution, via le Parlement et un gouvernement...