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J’accuse à mon tour

Dans la presque banalité affligeante, Gebran Tuéni fut la dernière victime de cet infernal engrenage de la violence. Si les victimes de Zalka, Jeitaoui et autres régions libanaises n’ont pas bénéficié d’hommages posthumes, Gebran, par contre, a eu droit à son panégyrique sur l’incontournable place des Martyrs, une initiative somme toute louable venant d’une population acclimatée, presque domestiquée, à la violence. J’accuse ce peuple tolérant, à la limite subjugué par ce fatalisme moyen-oriental. À la panoplie complète du parfait terrorisme, le Libanais oppose une parfaite indifférence, à la rigueur irritante. Imbue de son initiative éphémère du 14 mars, la population s’étonne de rester sur sa faim. Sinon, pourquoi les révolutionnaires, pourtant bien oranges, d’Ukraine et ceux de la Serbie auraient-ils eu gain de cause ? Pourquoi les protestataires de Géorgie et ceux de Pologne avaient-ils atteint le dessein qu’ils chérissaient alors que les contestataires du 14 mars sont restés sur leur faim ? Banderoles brandies et slogans scandés par un bel après-midi de mars ne suffisent guère à imprégner une inflexion correctrice à la dérive de notre démocratie. Une démocratie ne s’importe pas par simple empathie ou subite envie comme lorsqu’on succombe à l’esthétique de l’ultime portable en vogue ou que l’on s’amourache des courbes fluides de la dernière Mercedes. L’État nation requiert beaucoup plus de sacrifices que ceux consentis à ce jour par mes compatriotes. Les Libanais ont beaucoup à apprendre des frondeurs de l’Europe de l’Est, infatigables combattants de la liberté, qui avaient bravé les rigueurs saisonnières des mois durant et sacrifié leur bien-être quotidien au profit de leur libre pensée. J’accuse nos politiques impuissants, à la limite, profitant de ce fatalisme moyen-oriental, qui, face à tant de barbarie, opposent autant de contorsions syntaxiques dulcifiées pour exorciser toute la déficience étatique. Ces politiques qui, ratiocinent leurs quotas ministériels, ou qui se languissent dans les sinuosités de la lutte sacrée et surannée anti-israélienne alors que d’autres réveillent les vieux démons de la guerre civile, ne vivent plus dans le concert des nouvelles donnes politiques. Rétrécis par leurs œillères politiciennes, ils persistent dans la logique de l’État attentiste, prient la Providence et, faute de prendre les devants, traînent le boulet pesant, handicapant héritage de nos ancêtres, de la logique de la démocratie à l’amiable. Tout ce magma politique, véritable canular médiatisé, se prétend d’un État de droit. Entre l’outrecuidance des fanatisés du fusil et les inepties des agités de la comptabilité de la gestion d’État, force est de constater l’enlisement du pays dans la plus morose des situations qu’il ait connues. Et le gouvernement, s’ébrouant entre chèvre et chou, se taille des raisons d’État en feuille de vigne providentielle pour camoufler une impuissance croissante. Je félicite quand même nos intrépides poseurs de bombe, qui, sous couvert de la nuit, se risquent vaillamment de miner les rues paisibles de la capitale. Je félicite leur façon chevaleresque de piéger les civils candides dans leur sommeil, et leur incommensurable héroïsme pour défier, mutiler et exécuter nos politiques et autres femmes au volant. Je ne peux que m’incliner devant tant d’aplomb mis à placer leurs colis destructeurs au cœur des quartiers les plus paisibles et détaler sans se faire prendre. Je me console quand même à la seule idée que le visage de May ou de Gebran resplendira davantage dans la longue nuit que traverse le pays, alors que ceux de nos valeureux bourreaux resteront à jamais cachés, marqués par le sceau de toute la honte et déchéance que peut déployer la fourberie humaine. Dr Joseph MANTOURA
Dans la presque banalité affligeante, Gebran Tuéni fut la dernière victime de cet infernal engrenage de la violence. Si les victimes de Zalka, Jeitaoui et autres régions libanaises n’ont pas bénéficié d’hommages posthumes, Gebran, par contre, a eu droit à son panégyrique sur l’incontournable place des Martyrs, une initiative somme toute louable venant d’une population...