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Actualités - OPINION

IMPRESSION Toujours rien

Vers la fin des années Mitterrand, la France était morose. On ne consommait plus, on n’inventait plus, on ne jouait plus, on avait perdu le goût de la fête. Jack Lang, sémillant ministre de la Culture, avait beau s’évertuer à créer des événements pour mettre un peu de fausse joie dans cette grisaille, ce n’était que sursauts dans un quotidien désespérément gluant. La France se morfondait, et le champagne n’y pouvait rien. L’économie pourtant allait plutôt bien, l’indice du chômage n’était pas critique, l’argent rentrait convenablement, les grands projets présidentiels allaient bon train. C’est l’absence de désir qui enrayait la machine. L’envie de rien. Une trop longue routine avait assassiné tout élan. Un cas unique dans l’histoire où la consommation ne dépendait plus du porte-monnaie, mais simplement de l’humeur du porteur. Il fallait un changement, quelque chose pour sortir du labyrinthe de l’attente. Chirac survint. Et nous, qu’attendons-nous ? Sur la façade est de l’ancien palais présidentiel, en face de la tour Murr, le portrait de Hariri me fait son sourire placide et son regard désabusé. À côté de lui, le dateur électronique indique en rouge: « 257e jour, la vérité, pour le Liban. » La plaque s’étale sur une bonne largeur de la muraille. Combien peut-elle contenir de chiffres ? Faudra-t-il un jour faire le décompte en mois, en années, pour gagner de la place ? Mon ami Hariri ne compte plus lui, il a l’éternité. Mais nous, de 21 octobre en 15 décembre, de Mehlis en malices, nos jours s’épuisent. Nous attendons de la vérité qu’elle nous libère, mais de vérité, chacun ici a la sienne et pourrait attendre longtemps avant d’avoir raison. Est-ce une raison pour que la vie s’arrête ? 257e jour et moral à zéro, déjà abrutis par les attentats en série, nous vivons en creux, l’ombre de notre ombre et l’ombre de sa main. Pourrait-il nous la tendre, de là où il se trouve ? Juste nous dire : Vivez, que diable, vous êtes vivants ! Flambez, vous qui étiez d’incorrigibles flambeurs. Respirez, vous dont le monde arabe conspue la liberté et admire l’audace. Vous dont le reste du monde salue l’esprit d’entreprise et la faculté de rebâtir en toute circonstance. Aide économique ? Changement présidentiel ? Re-rapport Mehlis ? Sommes nous déjà si loin du bonheur ? Plus rien ne semble pouvoir nous remuer. Déjà l’écœurement achève de noyer un résidu d’enthousiasme. Dèche ou pas, il nous faudra pourtant ramasser nos cœurs. Et quitte à faire semblant, y inviter l’envie de vivre. Elle finira par s’installer. Fifi ABOU DIB
Vers la fin des années Mitterrand, la France était morose. On ne consommait plus, on n’inventait plus, on ne jouait plus, on avait perdu le goût de la fête. Jack Lang, sémillant ministre de la Culture, avait beau s’évertuer à créer des événements pour mettre un peu de fausse joie dans cette grisaille, ce n’était que sursauts dans un quotidien désespérément gluant. La France se...