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Actualités - OPINION

ÉCLAIRAGE L’islamisme, ou le cauchemar du terroriste introuvable

Inconnus des services de police ou d’espionnage, ils se transforment en kamikazes dans un restaurant de Bali ou le métro de Londres. Les nouveaux terroristes islamistes posent aux forces de l’ordre un insoluble problème, estiment des experts. Plus de deux semaines après avoir fait sauter les sacs piégés qu’ils portaient sur leurs dos et malgré la diffusion des photos de leurs têtes laissées intactes par les explosions, les auteurs des attentats de Bali (23 morts le 1er octobre) n’ont toujours pas été identifiés. À Londres cet été, ce sont les familles des kamikazes, incrédules, qui les ont reconnus sur les bandes vidéo des caméras de surveillance. Arrêté après sa fuite à Rome, l’un des terroristes amateurs du 21 juillet, Hussain Osman, a assuré n’avoir eu avec la nébuleuse el-Qaëda d’autre relation que la lecture de certains écrits extrémistes sur Internet. Il avait rencontré ses futurs complices dans un club de gym. Sans moyen de les remarquer, de les repérer et donc de les neutraliser, les forces antiterroristes mondiales sont désarmées face à cette nouvelle forme de menace islamiste. « Il n’y avait aucun indice pour les forces de l’ordre. Rien », commente Magnus Ranstorp, directeur du centre d’études du terrorisme de l’Université de Saint-Andrews, en Écosse. « Il y a désormais une forte composante d’autoradicalisation : c’est symptomatique du fait qu’el-Qaëda est désormais partout et nulle part ». « Depuis le 11 septembre 2001, 24 à 26 différents complots, plus ou moins graves, ont été déjoués, uniquement en Europe ». Les nouveaux terroristes islamistes « sont une génération spontanée, incroyablement habile dans son utilisation des instruments de la globalisation ». Installer des milliers de caméras de surveillance, surveiller les listes de passagers aériens ou filtrer des millions de courriels dans les messageries électroniques du monde entier ne permettront, au mieux, que d’accélérer les enquêtes après les explosions, estime Jean-Luc Marret, de la Fondation pour la recherche stratégique, basé à Paris. « Ils n’ont plus aucun lien avec des réseaux internationaux : plus de télécommunications, plus de filières. S’ils sont tous seuls dans leur coin, à quatre ou cinq dans un club de gym, je ne vois pas de parade. On a de moins en moins les moyens de les détecter. Et ce qui est arrivé à Londres et à Bali arrivera dans l’ensemble de l’Union européenne et en Amérique du Nord.» Même pessimisme chez Zachary Abuza, professeur au Simmons College de Boston et auteur de plusieurs livres sur l’islamisme militant en Asie du Sud-Est : « Nous sommes dans l’erreur : nous recherchons des individus. Mais vous ne parviendrez jamais à vaincre la Jamaah Islamiyah ou al-Qaïda en arrêtant des gens. Parce qu’ils recrutent plus vite que nous pouvons les arrêter ou les tuer », prévient-il. « C’est une guerre idéologique, et nous l’avons déjà perdue. Vous pouvez envoyer (la représentante spéciale du président Bush) Karen Hughes au Moyen-Orient pour le restant de ses jours, cela ne changera rien », affirme M. Abuza. Pour ces experts, c’est le concept même de « guerre au terrorisme » qui doit être remis en question. « Même le Pentagone a tenté de le rebaptiser “stratégie globale contre l’extrémisme violent”, assure Magnus Ranstorp. Cela n’a pas plu à l’Administration Bush. Mais c’est la reconnaissance que le point crucial est de décrédibiliser le message qui pourra inspirer la prochaine génération. Ceux qui ont 14 ans aujourd’hui: les convaincre de ne pas rejoindre le djihad. Pour les autres, c’est trop tard. » Michel MOUTOT/AFP
Inconnus des services de police ou d’espionnage, ils se transforment en kamikazes dans un restaurant de Bali ou le métro de Londres. Les nouveaux terroristes islamistes posent aux forces de l’ordre un insoluble problème, estiment des experts.
Plus de deux semaines après avoir fait sauter les sacs piégés qu’ils portaient sur leurs dos et malgré la diffusion des photos de leurs têtes...