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Actualités - CHRONOLOGIE

Dhour el-Choueir devrait peut-être attendre l’été prochain pour retrouver sa gloire passée Au Metn, le départ des troupes syriennes n’a pas lancé la reconstruction

Six mois après le départ des troupes syriennes de tout le Liban, Dhour el-Choueir et le Bois de Boulogne, dans le Metn, attendent toujours la reconstruction. Pourtant beaucoup ont espéré que la région retrouve sa superbe après le retrait syrien. Ce n’est pas le cas. Les imposantes villas et les élégants immeubles de pierre blanche sont toujours saccagés. Avec une exception, confirmant la règle : la villa Raymond Michel Jabre, ancien quartier général des troupes de Damas, où la restauration a bel et bien commencé (voir l’article de « L’Orient-Le Jour » daté du 28 septembre 2005). À Dhour el-Choueir et au Bois de Boulogne, ainsi qu’à Tallet Tamraz (colline de Douar, ligne de démarcation avant 1990 occupée ensuite par l’armée syrienne), des belles résidences du passé, il ne reste plus que les murs extérieurs et les grands espaces – qui servaient de jardins – qui témoignent de la gloire du passé. D’ailleurs il suffit d’entendre les propriétaires des maisons dresser le bilan des dégâts occasionnés par l’armée syrienne pour mesurer l’ampleur des travaux à effectuer : dans tous les jardins, les arbres ont été coupés probablement pour être utilisés comme bois de chauffage, les clôtures en pierre et en fer forgé ont été démontées, les puits artésiens utilisés par les troupes de Damas comme dépôts d’ordures ou bassins d’égouts. Il ne reste plus aucune conduite d’eau ou d’électricité. Les volets ont également disparu. À l’intérieur des maisons, tout est aussi à refaire : baignoires, éviers, lavabos, cadres de portes et de fenêtres, interrupteurs d’électricité ont été démontés. Certains escaliers ou balustrades en bois et en fer forgé ont également subi le même sort. Partout, les carrelages sont recouverts de suie, les murs sont noirs ou portent des inscriptions rappelant le nom des soldats syriens qui sont passés par là ou encore des graffitis rendant hommage aux présidents Hafez et Bachar el-Assad, et au parti Baas. Il ne sera pas facile aux propriétaires de ces belles villas de reconstruire. Et un bon nombre d’entre eux n’osent pas penser au coût total de la restauration. D’ailleurs, c’est par étapes qu’ils comptent restaurer. Ils attendent aussi un dédommagement du ministère des Déplacés. D’ailleurs, il semble que c’est l’une des raisons pour lesquelles ils n’ont pas entamé les travaux. Sur le plan économique, dans cette zone du Metn, le travail n’a pas repris cet été, comme c’est le cas dans d’autres lieux de villégiature, notamment Kfarabida, Madfoun et Thoum au Liban-Nord, localités côtières évacuées au printemps par les troupes de Damas. Au pont de Madfoun par exemple, tout au long de l’été, les baigneurs se sont réemparés de la plage où les soldats syriens avaient installé durant 28 ans leurs bases de lance-missiles sol-air. Avant la guerre, la clientèle de Dhour el-Choueir et du Bois de Boulogne n’était pas originaire du Golfe. Commerçants et propriétaires d’hôtels comptaient notamment sur les Beyrouthins, les Aleppins et les Damascènes. Dans un passé plus lointain, durant les années quarante et cinquante, c’est la haute bourgeoisie égyptienne qui passait l’été dans cette région du Liban. Les commerçants et les propriétaires d’hôtels savent très bien que les temps ont changé. La clientèle des hôtels ne loue plus des chambres au mois, comme c’était le cas avant 1975, se contentant de réserver leurs places pour quelques week-ends d’été. Beaucoup de maisons qui étaient destinées à la location avant la guerre sont toujours détruites. La crise économique qui a suivi la mort de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, notamment dans le secteur touristique, et l’insécurité due aux explosions nocturnes se sont répercutées sur cette région fraîchement évacuée par les troupes de Damas. De plus, Dhour el-Choueir a eu, au cours de ces derniers mois, son lot d’incidents : une charge a explosé non loin de la place de la localité et diverses rixes ont eu lieu entre partisans du PSNS et supporters de l’opposition. L’une de ces rixes avait fait un mort. Le Dr Nabil Ghosn, président du conseil municipal de Dhour el-Choueir, qui a lui-même demandé, peu après le départ de l’armée syrienne, qu’une troupe de 60 soldats de commandos de l’armée soit stationnée en permanence dans la localité afin d’apaiser les esprits et prévenir tout débordement, n’épargne pas ses efforts pour que son village et ses belles bâtisses revivent. C’est un brin de fierté dans la voix qu’il parle du Festival de l’émigré, organisé à Dhour el-Choueir depuis 1962. « En 1992, dans le cadre de ce festival, nous avions organisé la première soirée après-guerre à l’hôtel Kassouf », indique-t-il. L’hôtel Kassouf, un monument. Une élégante bâtisse de pierre blanche construite durant les années vingt sur un terrain de onze mille mètres carrés. Avant la guerre, l’hôtel figurait, avec le Grand Hôtel de Bhamdoun et l’hôtel Saint-Georges à Beyrouth, sur la carte postale des vacances d’été. Il a aussi servi de décor pour nombre de films égyptiens des années cinquante et soixante. Inutile de préciser que l’hôtel Kassouf est aujourd’hui complètement délabré : il a été bombardé en 1976 et occupé de 1978 à 2005 par les troupes de Damas. Et c’est peut-être bien la pancarte affichée depuis quelques mois devant l’hôtel qui offre le spectacle le plus désolant de Dhour el-Choueir et qui marque bel et bien la fin d’une époque. On peut lire sur l’écriteau une petite phrase « terrain à vendre » jumelée d’un simple numéro de téléphone. Renseignements pris, pour acquérir l’hôtel, qui sera probablement détruit par son nouveau propriétaire, il faut payer trois millions et demi de dollars. Mais le président du conseil municipal de Dhour el-Choueir ainsi que beaucoup d’autres habitants tiennent à sauver le bâtiment. Peut-être pourront-ils trouver une formule pour le préserver. Le Dr Ghosn précise : « En 1992, j’étais président du conseil municipal et nous avions décidé d’organiser une soirée dans le cadre du Festival de l’émigré à l’hôtel Kassouf. Nous avions demandé à l’armée syrienne de retirer durant quelques jours ses troupes du bâtiment. » Le président du conseil municipal ne dira pas combien il a fallu de temps pour nettoyer une partie du rez-de-chaussée ou à quel point il a été choqué de constater l’état de délabrement de l’hôtel. En fait, ceux qui ont visité l’établissement durant ses moments de gloire ou qui ont visionné des films tournés dans le bâtiment sont écœurés de voir l’état des lieux après tant d’années d’occupation. Par exemple, le grand escalier intérieur reliant le rez-de-chaussée au premier étage a complètement disparu, démonté par les soldats syriens, et les grands éviers de la cuisine ainsi que les imposants fourneaux ont été transformés en immense poubelle. Les soldats ont construit de petites chambres en ciment dans le géant lobby au rez-de-chaussée. Le beau jardin est devenu un désert, cela sans s’attarder sur l’état de ce qui servait de luxueuses chambres et salles de bain… Racontant le Festival de l’émigré à l’hôtel après la guerre, le Dr Ghosn indique que « les grands escaliers à l’entrée ont été éclairés par des torches, un comité de femmes de la localité a décoré les lieux avec de grands pans de tissu blanc pour tenter de cacher la destruction et 950 chaises ont été placées à la terrasse de l’hôtel ». Et depuis 1992 et jusqu’à la fin de l’occupation, l’hôtel Kassouf a été évacué à plusieurs reprises par l’armée syrienne pour accueillir quelques événements du Festival de l’émigré. Ainsi plusieurs artistes ont tenté, l’espace d’une soirée, de redonner un peu de vie aux lieux. Mais maintenant, avec le départ de troupes de Damas, il faudra beaucoup plus qu’un événement par an pour sauver l’hôtel Kassouf et pour que Dhour el-Choueir se reconstruise. « Il ne faut pas oublier qu’à une époque, Dhour el-Choueir était une véritable ligne de démarcation et qu’il existe beaucoup de maisons détruites par les bombardements. Il y avait des jours où plus de six cents obus s’abattaient au quotidien sur la localité », indique le Dr Ghosn. « Plus de six cents maisons sont toujours détruites, nous nous sommes présentés à plusieurs reprises au ministère des Déplacés, en vain », s’insurge-t-il. « Pour reconstruire, les habitants ont besoin de sécurité, ce n’est pas le cas cette année », indique-t-il. « De plus, il faut qu’ils aient les moyens de rebâtir », note le président du conseil municipal, soulignant que « la municipalité a pris des décisions encourageant la restauration, notamment une exemption des taxes municipales durant deux ans à tous ceux qui veulent retaper leurs maisons ». Il donne l’exemple d’un propriétaire qui a récupéré son immeuble de quatre étages après le départ des soldats syriens : « Il s’est présenté à la municipalité, il a eu tous les permis nécessaires, mais il n’avait pas les moyens d’entamer les travaux de restauration. Il a trouvé une solution provisoire : tous les dimanches, il organise avec sa famille un barbecue dans la cour du bâtiment. » Le Dr Ghosn précise aussi qu’avant la guerre, la localité de Dhour el-Choueir abritait à elle seule quatorze hôtels. Aujourd’hui il n’existe plus que deux. Mais le président du conseil municipal veut garder malgré tout son optimisme. Entouré d’une équipe où figurent des femmes et des jeunes, notamment Zeina Khneisser, membre du conseil municipal, il parle des projets à venir, des sites touristiques et religieux à visiter à Dhour el-Choueir. Pour lui, très rares sont les personnes, qui passaient l’été à Dhour el-Choueir et qui ont récupéré leurs maisons, qui penseront à la vente de leur résidence. « Les propriétaires appartiennent à toutes les communautés et les régions du pays. Certains d’entre eux se sont établis à l’étranger », raconte le Dr Ghosn. « Quelques-uns avaient récupéré leurs résidences durant la guerre, ils les ont restaurées », conclut-il. Pour lui, comme pour beaucoup d’autres habitants de la localité, il faut attendre encore un peu pour que Dhour el-Choueir se remette à vivre. Espérons que la saison prochaine sera plus avantageuse pour la localité, ses habitants et ses commerçants. Patricia KHODER
Six mois après le départ des troupes syriennes de tout le Liban, Dhour el-Choueir et le Bois de Boulogne, dans le Metn, attendent toujours la reconstruction. Pourtant beaucoup ont espéré que la région retrouve sa superbe après le retrait syrien. Ce n’est pas le cas. Les imposantes villas et les élégants immeubles de pierre blanche sont toujours saccagés. Avec une exception, confirmant...