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Actualités - OPINION

LE POINT Le cyclone Gallup

Les présidents devraient se méfier d’un second mandat trop généreusement accordé par leurs concitoyens. Triomphalement réélu le 7 novembre 1972 avec plus de 60 pour cent des voix face à George McGovern, sénateur démocrate du Dakota du Sud, Richard Nixon n’a eu que 21 mois pour savourer sa victoire, avant d’être balayé, le 8 août 1974, par le scandale du Watergate et de se voir contraint de démissionner pour éviter une destitution infamante, seul chef d’Exécutif américain de l’histoire à prendre une telle décision. Vingt-deux ans plus tard, en novembre 1996, Bill Clinton réédite l’exploit de son lointain prédécesseur : face au républicain Bob Dole qui n’en peut mais, il rafle la majorité des grands États – New York, Californie, Texas, Illinois et même Ohio – avant de ployer, sans toutefois tomber, sous le poids de deux scandales qui firent en leur temps énormément de bruit, causés par deux de ses innombrables conquêtes,Paula Jones et surtout Monica Lewinsky. Pas de « plombiers » dans le cas de George W. Bush, encore moins de secrétaires à tout faire. Mais la pente déclive sur laquelle glisse depuis quelque temps l’actuel locataire de la Maison-Blanche a commencé à donner beaucoup de souci à son entourage et bien entendu aux caciques du Grand Old Party. Professeur à la prestigieuse Kennedy School of Government de la Harvard University, Marvin Kalb vient de formuler un inquiétant verdict : le cyclone, écrit-il dans un article retentissant, a privé le président de sa couche de teflon, cet enduit protecteur des poêles sur lesquelles tout glisse. Le taux d’approbation de l’actuelle Administration pour sa politique en matière d’emploi est tombé à 39 pour cent ; le chiffre concernant l’engagement en Irak est fort loin des 67 pour cent des premières semaines de l’opération « Shock and Awe ». Quant aux réactions officielles à la suite du passage de Katrina et de Rita, elles sont jugées nettement désastreuses – et pas seulement par les Noirs, principales victimes de ces deux fléaux. En un mois, le président a visité à sept reprises les deux États sinistrés de la Louisiane et du Mississippi sans parvenir à rétablir le courant qu’il avait réussi à créer après les attentats du 11 septembre 2001. Le sondage Gallup organisé la semaine dernière conjointement par l’hebdomadaire USA Today et la chaîne de télévision CNN devrait le faire réfléchir : les Américains ne voient plus en lui le leader inspiré dont ils croyaient s’être dotés autrefois. Le boulet que le président traîne désormais vient de s’alourdir encore après les révélations sur le comportement de deux grosses pointures de son parti, Bill Frist et Tom DeLay, tous deux en délicatesse avec la justice. Le premier, leader de la majorité au Sénat, fait l’objet d’une enquête de la redoutable Securities and Exchange Commission (le gendarme de la Bourse US) pour une ténébreuse affaire de vente, en juin dernier, d’actions de la HCA Corp., une firme de gestion d’hôpitaux fondée par sa famille. Le second, qui préside le groupe du parti à la Chambre des représentants, est soupçonné d’avoir des liens d’affaires avec un lobbyiste washingtonien à la réputation sulfureuse, Jack Abramoff. Un troisième homme, David Hossein Safavian, chargé des achats à la Maison-Blanche, travaillait parallèlement pour d’importants clients étrangers. Tout cela fait qu’aujourd’hui, la cote des républicains est en chute libre, moins de 40 pour cent, alors que le pays se prépare à l’épreuve décisive des « mid-term elections » appelée à se dérouler dans treize mois. Historiquement, le parti au pouvoir a perdu cette consultation plus souvent qu’à son tour, mais une défaite est la dernière chose dont le GOP a besoin à l’heure actuelle. Les démocrates ont déjà entrepris de faire feu de tout bois. « Nous avons, à la direction des affaires du pays, l’Administration Katrina », a asséné John Kerry, en référence à la manière dont a été organisé l’acheminement des secours après la tempête du mois dernier. Et ce n’était là qu’une première salve annonciatrice de violents tirs politiques à venir. Neuf mois après sa réélection, le président est condamné à réussir une double mission : améliorer les performances de son équipe et convaincre une opinion publique de plus en plus incrédule qu’il fait effectivement de bons choix. En appelant l’autre jour ses « fellow Americans » à faire des économies de carburant, il a ordonné de débrancher à la Maison-Blanche les imprimantes et les fax inutiles, et d’allumer le moins d’ampoules possible. Il lui faudra cependant trouver autre chose pour faire oublier l’effet désastreux causé par une récente révélation de CREW (Citizens for Responsibility and Ethics in Washington), un groupe de contrôle basé dans la capitale fédérale : sur les 13 membres les plus corrompus du Congrès, onze appartiennent au Parti républicain. Gageons que Dick Cheney et ses anciens employeurs de Halliburton ne lui seront pas d’un grand secours dans sa tâche. Christian MERVILLE

Les présidents devraient se méfier d’un second mandat trop généreusement accordé par leurs concitoyens. Triomphalement réélu le 7 novembre 1972 avec plus de 60 pour cent des voix face à George McGovern, sénateur démocrate du Dakota du Sud, Richard Nixon n’a eu que 21 mois pour savourer sa victoire, avant d’être balayé, le 8 août 1974, par le scandale du Watergate et de se...