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Actualités - OPINION

ÉCLAIRAGE - Ahurissant hommage à la Syrie au lendemain de l’attentat contre Chidiac et du « coming out » de son gendre Lahoud désormais totalement et dangereusement hors sujet

Il fallait une goutte d’eau pour faire déborder un vase plein à ras bord et qui ne demandait qu’à s’épandre pour que jaillisse enfin, de toutes les bouches, de mille et une façons, un retentissant « kafa », un « ça suffit » qui défoule certes, mais qui ne peut plus se permettre de rester simple cri citoyen ou rachitique slogan politique. Cette goutte d’eau, en fait un raz-de-marée, ce catalyseur peut-être salutaire, c’est l’absolu calvaire qu’est en train de vivre depuis dimanche soir une May Chidiac transformée malgré elle en un saint Sébastien (dé)voué dans sa chair à la cause libanaise. Alors, depuis 48 heures, un sujet, un seul, a pris le pas sur pratiquement tous les autres, et même le rapport Mehlis passe au (relatif) second plan ; depuis 48 heures, de tous bords, on se lâche. À commencer par l’opposition aouniste, qui joue décidément jusqu’au bout le jeu de la démocratie en appelant à un débat sur la politique sécuritaire du gouvernement. C’est peut-être un peu too much (l’ennemi est beaucoup trop fort, trop pernicieux, en même temps tellement évident, tellement connu), mais c’est clairement de bonne guerre. De l’autre côté de l’échiquier politique, et quelques heures à peine après que son pathétique et pitoyable – mais courageux et transparent – ministre de l’Intérieur eut presque pleuré et hurlé aux yeux de ses compatriotes son infinie impuissance, Fouad Siniora s’est pris pour un Napoléon haranguant et galvanisant ses troupes sur le terrain des batailles. C’est loin d’être encore ce qui lui est demandé, mais le Premier ministre a commencé à comprendre qu’il a été investi par la très plurielle majorité. En un tour de main et visiblement pas effrayé par l’ampleur de la tâche, il s’est ainsi efforcé 1) de remonter le moral des Libanais ; 2) de leur promettre que cette indépendance pour laquelle ils se sont tellement battus ne sera en rien prostituée ; 3) de demander à Hassan Sabeh de prévoir un petit quelque chose ; 4) de reconnaître, un peu tardivement certes mais humblement, que les auteurs des 14 attentats en un an ne sont pas « de simples criminels ou délinquants », mais de véritables « terroristes », que le Liban n’est donc pas entièrement habilité et préparé à ce genre de combat ; 5) de sonder l’intention des grands de ce monde sur une éventuelle aide onusienne pour les enquêtes sur la série d’attentats ; 6) de demander l’aide de la France et des États-Unis, et de « tous les pays frères et amis qui auraient un rôle important à jouer » ; 7) de préparer un plan gouvernemental en trois volets destiné à redynamiser et optimiser l’appareil sécuritaire. Seul gros bémol : aucune allusion à ces essentielles nominations au sein de l’appareil sécuritaire, prélude incontournable pour toute opération de restructuration et d’épuration. Capable du pire comme du meilleur, Fouad Siniora ne veut sans doute pas – et c’est bien dommage – prendre la responsabilité de révéler à l’opinion publique l’identité (que tout le monde connaît) de ceux qui jouent à bloquer tout cela : Émile Lahoud ainsi que le Hezbollah (que le locataire de Baabda continue de protéger), un parti de plus en plus capricieux et qui continue de se poser, malgré tout ce qui s’est passé, en insensée exception culturelle sourde à toute velléité de dialogue. Le tout, à l’heure où le Liban a urgemment besoin que toutes ses factions soient logées à la même enseigne : celle du respect de l’État (de droit) et de son pouvoir, du respect de la légalité internationale. Il n’empêche, le n° 2 de la Chambre, Farid Makari, et le vaillant ministre de l’Information, Ghazi Aridi, ont tous deux appelé hier à ce que ces nominations soient menées à bien et, dans le cas contraire, que ceux qui les bloquent soient pointés du doigt. En attendant, un homme, un seul, continue de faire comme si de rien n’était. D’être totalement et dangereusement (la réputation de la présidence de la République n’a jamais été, malheureusement, aussi peu flatteuse) hors sujet. Salah Honein avait relevé il y a quelques jours que même durant ses sept années à la présidence, Émile Lahoud « n’a jamais assumé ses responsabilités, plutôt attiré par la décision syrienne. La décision libanaise n’a jamais été libre sous le mandat Lahoud », avait dit l’ancien député. La première année du second mandat imposé par Damas s’avère encore pire, puisque, hors sujet, le n°1 de l’État l’est depuis le 3 septembre 2004 : à Beyrouth le 14 mars et tous les autres jours qui ont suivi ; à New York où, pendant que l’avenir du Liban se préparait en compagnie de Fouad Siniora, il récitait le mot du Liban – une suite de poncifs – devant quelques représentants des pays de la planète. Et le reste est à l’avenant. Quelques heures à peine après que le n° 2 du gouvernement, son gendre Élias Murr, eut fait un fracassant coming out politico-sécuritaire sur la LBCI et fait clairement comprendre que son intégrité physique a été menacée à la suite d’une dispute avec Rustom Ghazalé, le locataire de Baabda s’est jeté dans un dithyrambe enflammé à l’adresse de la Syrie et de Bachar el-Assad. Quant au démenti cinglant asséné à Élias Murr par SANA, il aurait très bien pu être daté de Baabda. C’est insensé : à l’heure où le monde entier, ou presque, multiplie les pressions sur Damas, il doit être bon, des rives du Barada, de savoir que l’on peut compter sur quelqu’un. C’est touchant, sauf lorsque ce quelqu’un est le président imposé et indécollable d’un Liban qui a plus que jamais besoin de changer d’air – et d’ère – ; d’avoir ses souvenirs devant lui. Ziyad MAKHOUL
Il fallait une goutte d’eau pour faire déborder un vase plein à ras bord et qui ne demandait qu’à s’épandre pour que jaillisse enfin, de toutes les bouches, de mille et une façons, un retentissant « kafa », un « ça suffit » qui défoule certes, mais qui ne peut plus se permettre de rester simple cri citoyen ou rachitique slogan politique. Cette goutte d’eau, en fait un...