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Actualités - REPORTAGE

Les travaux dans l’une des plus anciennes résidences de la région prochainement entamés Parti au début de la guerre, Naief Emad est rentré définitivement au Liban après le retrait syrien

Naief Emad est un jeune père de famille. Il est l’actuel propriétaire de la villa Emad, située au Bois de Boulogne, connue communément par les habitants de la région sous le nom de « palais du pacha Emad », et bombardée en 1976, puis occupée par l’armée syrienne de 1978 à 2005. Naief Emad est un ami d’enfance de Philippe et de Claude Jabre. « Les Jabre avaient le terrain de tennis, nous avions les balançoires, dit-il, avec un grand sourire. Avant la guerre, nous passions nos étés ensemble. Tous mes souvenirs d’enfance sont là… Et puis, durant toutes ces années d’absence, j’avais l’impression que nos maisons étaient de loin plus grandes », indique-t-il expliquant, comme pour s’excuser : « Quand on est petit, on voit les choses en grand. » L’histoire de la villa Emad est bien particulière. Celle de son propriétaire aussi. La résidence est l’une des plus anciennes du Bois de Boulogne. Elle avait été construite par étapes. Le premier étage a été bâti en 1927 par Khattar Emad qui était établi en Égypte et qui avait été gratifié du titre de pacha par le roi Farouk. En 1935, le deuxième étage de la villa a été édifié par Naief Emad, grand-père de l’actuel propriétaire qui porte le même nom. La toiture en tuiles a été construite au début des années cinquante. Jusqu’à la nationalisation égyptienne, la famille Emad passait ses étés dans la villa du Bois de Boulogne et ses hivers en Égypte, pour rentrer définitivement au Liban durant les années cinquante. Même si elle est complètement saccagée, la villa et son parc de 8 600 mètres carrés témoignent de la gloire du passé. Les pièces du premier étage sont immenses, leur hauteur impressionnante. Malgré la suie, on peut encore distinguer les multiples couleurs du carrelage. Du fer forgé qui constituait les balustrades des escaliers, des balcons et du parc, il ne reste plus que deux pans : ceux qui constituaient le portail de la villa. Le reste, comme beaucoup d’autres matériaux, a été démonté par les troupes de Damas pour être emporté ailleurs. Mais c’est surtout en voyant les pièces adjacentes à la cuisine et les diverses chambres construites sous le toit que l’on se fait une idée des jours de gloire. « Ces espaces servaient au logement des domestiques », indique Simon Rahbani, avocat de Naief Emad. Il raconte également que le parc de la villa avait reçu à plusieurs reprises, il y a bien longtemps, des prix et des distinctions du ministère du Tourisme. Construire pour la génération à venir Inutile de dire que le beau jardin du passé n’est plus qu’un terrain vague… à part une toute petite pousse verte entourée d’une terre fraîche : « C’est un plant de cèdre que le propriétaire a tenu à planter avec le départ des Syriens », indique Rahbani. Il évoque encore Naief Emad. « Il était à l’étranger, dès les premiers instants du retrait syrien au début du mois de mars, il téléphonait tous les jours pour poser la même question : “Ils ne sont pas encore partis ?” Il a même engagé un concierge avant le départ des troupes de Damas », raconte Rahbani. Naief Emad a quitté le Liban en 1976, au début des événements. Il était parti pour la Suisse afin de poursuivre ses études. C’est là-bas qu’il s’est établi… jusqu’au printemps 2005. « Le départ des Syriens a été le catalyseur de mon retour définitif au pays. Quand les troupes de Damas sont parties, j’ai tout quitté en Suisse et je suis revenu récupérer ce qui m’appartient, raconte-t-il. Je suis parti avec la guerre, en catastrophe, et je me sentais déraciné », indique-t-il encore, comparant le fait de récupérer sa résidence et de passer un dimanche à la villa Jabre à « un retour aux sources ». Évoquant encore ses souvenirs d’enfance, il indique : « Nous vivions autrement. Nous étions une quarantaine de personnes à passer l’été à la maison du Bois de Boulogne. Nous étions un groupe d’enfants à grimper dans les arbres et courir dans les champs. Les familles vivent autrement maintenant. » Il ajoute : « Au Bois de Boulogne, l’espace n’a pas bougé en trente ans. L’occupation a protégé la région de la construction sauvage… Mais les Syriens ont saccagé les maisons, coupé les arbres… Et dire qu’ils étaient initialement venus pour nous protéger ! » Son père Nehmé indique : « J’avais perdu espoir de voir un jour les Syriens partir de chez moi. Je m’étais marié dans cette maison. Les Syriens ne nous ont rien laissé, même pas une chaise », dit l’octogénaire donnant des détails sur tout ce qui a été saccagé. On apprend aussi que les autorités libanaises ont demandé aux propriétaires de la villa Emad de payer les arriérés en électricité et en eau. « Quand les soldats syriens ont évacué la maison en mars dernier, l’armée libanaise a voulu en faire une caserne. Les soldats ont cru que la maison avait été vendue. J’ai légué la propriété, il y a quelques années, à mon fils, avant le départ des troupes de Damas. C’est à lui de reconstruire. » Naief Emad, qui est rentré définitivement avec son épouse suisse au Liban, entamera prochainement la restauration de la résidence. Trinquant pour un meilleur avenir, il prend sa fille, Linda, haute comme trois pommes dans ses bras. « C’est pour elle que je veux reconstruire. Ma mère s’appelait Linda, elle avait habité les lieux. Ma fille aussi habitera, à son tour, la villa Emad. C’est là que sont nos racines », conclut-il.
Naief Emad est un jeune père de famille. Il est l’actuel propriétaire de la villa Emad, située au Bois de Boulogne, connue communément par les habitants de la région sous le nom de « palais du pacha Emad », et bombardée en 1976, puis occupée par l’armée syrienne de 1978 à 2005.
Naief Emad est un ami d’enfance de Philippe et de Claude Jabre.
« Les Jabre avaient le terrain de...