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Actualités - OPINION

LE POINT Match nul

Tout le monde l’appréhendait, fermait les yeux en feignant de ne pas le voir se profiler à l’horizon. Le scénario catastrophe s’est réalisé au soir d’un dimanche électoral pas comme les autres, ô combien ! Du coup, voici l’Allemagne – et avec elle l’Europe tout entière – confrontée, au pire, au risque d’un dangereux immobilisme, au mieux à une thérapie homéopathique alors que la conjoncture politique, mais surtout économique, aurait nécessité un bistouri de chirurgien. La frilosité de l’Allemand moyen s’est traduite par des chiffres qu’aucun institut de sondage n’avait osé prévoir, reflet pour Angela Merkel d’une contre- performance qui n’a d’égale que celle d’Edmund Stoiber en 2002, pour Gerhard Schröder d’une menace qui vient de se préciser : celle de l’irruption sur la scène du nouveau Parti de gauche qui, avec près de 8,5 pour cent des voix, réalise un score plus qu’honorable. Pour les sociaux-démocrates, l’usure du pouvoir aura pesé moins lourd que prévu : 34,3 pour cent contre 38,5 pour cent il y a trois ans. C’est pour le camp des conservateurs du CDU-CSU que la sanction aura été la plus sévère : avec une perte sèche de 3,3 pour cent des voix, Angela se retrouve, pour reprendre la formule impitoyable du Suddeutsche Zeintung, « sans pays, elle qui pensait tout contrôler et qui voit désormais tout lui filer des mains». La guerre de la chancellerie aura bel et bien lieu, réduite à un maquignonnage qui a déjà commencé pour déterminer les couleurs de la formule à venir et dont on sait pour l’heure qu’elle ne sera pas un « feu de signalisation » réunissant le rouge du SPD, le jaune du FDP et les Verts. Quant à une grande coalition entre les partis centristes et les deux principales formations, elle semble devoir en rester au stade des vues de l’esprit puisque le chancelier sortant en revendique lui aussi la direction. Officiellement, l’élection par le nouveau Bundestag d’un successeur à l’actuel chef de gouvernement n’interviendra qu’après le 2 octobre, lorsque seront proclamés les résultats définitifs et que se sera joué l’ultime acte de cette drôle de bataille, dans la circonscription n° 160 de Dresde. D’ici là, et pour peu que tout continue de se présenter aussi mal que permettent de le croire les premières heures qui ont suivi la journée dominicale, la perspective d’un nouveau scrutin anticipé ne devrait pas être écartée, encore qu’elle ne semble pas particulièrement alléchante tant pour l’ensemble des états-majors que pour l’homme de la rue. Mais au vu des résultats obtenus par les deux « grands » et de la porte ouverte à toutes les incertitudes, il est inconcevable qu’un gouvernement tienne la distance de quatre ans séparant le pays de la prochaine consultation. Dans l’immédiat, les ténors devraient songer à modifier un discours bien peu exaltant. En effet, l’un, Herr Schröder, proposait la révision des comptes sociaux et une réduction drastique des allocations chômage ; l’autre, Frau Merkel, réclamait des sacrifices de la part de ses concitoyens, agitait la menace d’une hausse de la TVA et posait une condition de mobilité pour retrouver un emploi. À l’heure où le nombre de chômeurs a dépassé la barre fatidique des 5 millions… En attendant une décantation qui nécessitera des semaines, voire des mois, la période d’incertitude qui s’ouvre n’augure rien de bon. Le résultat du vote du 18 septembre ne peut que déboucher sur un gel des réformes ou, moins grave peut-être mais tout aussi lourd de conséquences, une politique de « réformettes » – « exactement ce dont nous n’avons pas besoin », vient de déclarer la présidente de la Fédération des jeunes entrepreneurs. Et surtout à mille lieues de l’agenda 2010 jadis initié par Schröder et qui représentait une nette rupture avec l’État providence. Déjà malade et considérablement affaiblie, la première économie de la zone euro donne la pénible impression désormais de naviguer à vue, en proie à la plus grande confusion, alors même que continue de résonner l’écho du double coup de semonce des « non » du 29 mai (français) et du 1er juin (néerlandais) au projet de Constitution. Qu’il semble loin aujourd’hui le miracle de l’après-guerre, quand une Allemagne exsangue et coupée en deux commençait à renaître de ses cendres encore fumantes, dans un formidable élan qui devait servir d’exemple au monde ! Évanouie l’audace des années cinquante-soixante, on vient de retomber dans ce redoutable ennemi des peuples qui a nom immobilité. Et ce n’est pas un « perdant rieur », encore moins « un vainqueur triste » qui l’en sortira. « Eine kanzlerfrau » de fer dans un pays où les femmes n’ont jamais été les bienvenues en politique ? Il y a quelques jours, la perspective aurait fait se retourner dans sa tombe un certain Otto von Bismarck. Le voici désormais rassuré. Christian MERVILLE

Tout le monde l’appréhendait, fermait les yeux en feignant de ne pas le voir se profiler à l’horizon. Le scénario catastrophe s’est réalisé au soir d’un dimanche électoral pas comme les autres, ô combien ! Du coup, voici l’Allemagne – et avec elle l’Europe tout entière – confrontée, au pire, au risque d’un dangereux immobilisme, au mieux à une thérapie...