Rechercher
Rechercher

Actualités

CORRESPONDANCE Un journaliste au front avec la peur au ventre Si la lâcheté m’était contée (photos)

WASHINGTON-Irène MOSALLI Tout le monde n’est pas héroïque, preux et valeureux. Et ils sont courageux ceux qui avouent ne pas l’être. C’est le cas d’un jeune journaliste nommé Chris Ayres, qui vient de publier un livre intitulé Reportage de guerre pour gens lâches. Et s’il reconnaît sans honte aucune que la bravoure n’est pas du tout son fort, il le fait avec beaucoup de lucidité, de sincérité et d’humour. Alors, qu’est ce qui l’a amené à couvrir le front irakien ? Son expérience est un mélange de véracité, d’hilarité et de velléités. Avec, en prime, un excellent talent de conteur qui, de plus, sait aller au fond des choses. Son histoire est la suivante. À l’origine, Chris Ayres, 27 ans, était un joyeux luron qui se complaisait dans le travail qu’il faisait comme correspondant du The Times londonien à Hollywood. Et là, il se la coulait douce. Ses journées et ses nuits étaient ponctuées de cappuccinos, de déjeuners, d’apéritifs, de dîners et de soupers à Sunset Boulevard avec stars et starlettes confondues. Un «way of life» qui lui convenait parfaitement. Et dans ce cocon de luxe, il se sentait protégé d’autant que c’était un hypocondriaque né. Il s’imaginait continuellement atteint de diabète, de la maladie de Creutzfeldt-Jakob ou d’un Alzheimer prématuré. Un beau matin, il est tiré d’un sommeil réparant une soirée tonitruante par un appel téléphonique de son patron à Londres qui lui dit: «Serez-vous intéressé de couvrir le front irakien?» «Bien sûr», avait-il répondu encore dans les vapes mais aussi avec en tête l’image des correspondants de guerre qu’il avait toujours admirés et enviés pour leur courage fou et leur teint bronzé. De Sunset Boulevard à l’Irak Une fois l’écouteur raccroché et les yeux dessillés, il a réalisé qu’il ne connaissait de la guerre que ce qu’il avait vu au cinéma: Saving Private Ryan et Apocalypse Now. Néanmoins, il ne voulait plus reculer. Tout en imaginant le pire: il serait peut-être blessé, kidnappé, décapité, il serait contaminé par l’anthrax et autres gaz empoisonnés…, et les terrains minés et les scorpions. Mais la réalité allait dépasser son imagination. Lors d’un cours intensif qu’il devait suivre avant de rejoindre son poste, sur le thème «Survivre dans des pays dangereux», on lui avait remis un petit sac en plastique «pour doigts et orteils» à ramener avec soi en cas d’accident pour qu’ils soient remis en place! Il ne restait à ce néophyte que de se changer les idées en allant faire des emplettes, selon une liste envoyée par le corps des Marines. Il achète, entre autres, dans une boutique haut de gamme de Sunset Boulevard, une tente d’un jaune phosphorescent surmontée d’une croix rouge. Il se rend compte trop tard, qu’elle a tout de la cible idéale. Parmi ses achats (d’un montant de 5000 dollars), des rouleaux de papier-toilette matelassés, des douzaines de tubes de crème antisolaire et des seringues de sérum antidote pour tous genres de gaz toxiques. Finalement, il s’embarque avec l’unité de Marines dont il doit couvrir les activités et qui s’est choisie un nom: «Dealers de la mort». À la célèbre question, «What did you do in the war?», il ne saurait quoi répondre tant il était hors du coup. Il écrit à ce propos: «Ma mère en savait davantage sur la guerre que moi. Parfois je sentais que tout ce que j’étais capable de faire, c’était de me tenir près des canons et de décrire le bruit qu’ils faisaient. Valait-il la peine de mourir pour ça?» Mais, en fait, il a mieux fait que de dévisager le canon. Il a réussi un récit portant sur la peur viscérale face aux horreurs des combats. Il a également capturé le mélange d’effroi et d’ennui qui s’infiltre dans les campagnes militaires, et il a parfaitement exprimé toute l’anormalité de la situation des journalistes intégrés aux combattants et que l’on nomme en anglais «embadded». Il a eu le courage de dire sa peur de la guerre, proclamée haut et fort dans le titre de son livre Reportage de guerre pour gens lâches.

WASHINGTON-Irène MOSALLI

Tout le monde n’est pas héroïque, preux et valeureux. Et ils sont courageux ceux qui avouent ne pas l’être. C’est le cas d’un jeune journaliste nommé Chris Ayres, qui vient de publier un livre intitulé Reportage de guerre pour gens lâches. Et s’il reconnaît sans honte aucune que la bravoure n’est pas du tout son fort, il le fait avec beaucoup de...