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Actualités - REPORTAGE

Reportage - Le carnage dans un camp au Burundi avait fait 160 morts Un an après le massacre de Gatumba, les Banyamulenge se sentent toujours maudits

«Tout à coup, on a entendu des cris, puis c’était le carnage », raconte Francis, un jeune Banyamulenge rescapé du massacre de quelque 160 personnes il y a un an dans le camp de réfugiés de Gatumba (Burundi), lors de la commémoration de ce massacre samedi à Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Un foulard violet autour du cou, en signe de deuil, Francis va et vient dans la petite église du centre de Goma, où était célébrée une messe en mémoire des victimes. Autour de lui, plus de 500 personnes chantent, la tête baissée ou les bras levés au ciel, accompagnées par une batterie et une guitare électrique. Dans la nuit du 13 au 14 août 2004, quelque 160 personnes ont été massacrées – par balles, machettes ou brûlées vives – et 110 blessées, lors de l’attaque de ce camp de réfugiés de Gatumba, situé à 4 km de la frontière avec la RDC. L’attaque avait visé essentiellement des réfugiés banyamulenge, Tutsis congolais d’origine rwandaise installés dans l’est de la RDC depuis plusieurs générations. Au fond de l’église, une banderole a été déployée sur laquelle on peut lire : « Nous demandons une enquête internationale neutre sur le génocide de Gatumba et la condamnation de ses auteurs. » Francis, étudiant à Goma, relate la nuit du massacre. Les assaillants « se sont approchés vers 22h00 en tirant (...) À l’époque au Burundi, les balles crépitaient partout la nuit (...) et on pensait que les coups de feu n’allaient durer que quelques minutes », mais, poursuit-il, « tout à coup, on a entendu des cris, puis c’était le carnage, la débandade ». Francis parle de personnes âgées et d’enfants brûlés vifs, de massacres à la machette ou par balles. Jeanne, âgée de 40 ans et veuve, affirme avoir vu des femmes enceintes éventrées. « Quand je me suis réveillée, vivante, j’étais couverte de sang », a-t-elle relaté. Selon Francis, des militaires burundais étaient stationnés dans le camp, mais ils ont été « incapables d’intervenir ». « Le HCR n’était pas présent, c’était la nuit. Mais l’ONU avait sa force tout près (...) Ils avaient toute la force nécessaire pour intervenir. Et l’attaque a duré plusieurs heures », précise-t-il avec rancœur. Francis affirme également que les assaillants « parlaient kinyarwanda (la langue parlée au Rwanda), kirundi (la langue du Burundi) et kiswahili » (une langue notamment parlée dans l’est de la RCD). Les FNL (Forces nationales de libération, dernière rébellion du Burundi) avaient revendiqué la responsabilité du massacre. Mais selon plusieurs responsables régionaux et des témoignages recueillis sur place immédiatement après le drame, des combattants congolais maï-maï et des extrémistes hutus rwandais réfugiés en RDC y avaient également participé. « Aujourd’hui, le FNL est à la table des négociations avec le gouvernement burundais pour avoir une part du pouvoir, la communauté internationale ne fait rien, il n’y a pas d’enquête. Je vais finir par croire que nous sommes un peuple maudit », s’emporte Francis. Au cours de la cérémonie, un pasteur, prêchant en français a relevé qu’en RDC, « autour de Bukavu (dans le Sud-Kivu), les Banyamulenge ne peuvent pas vivre ». « Nous sommes une minorité, nous ne sommes pas en sécurité car nous ne pouvons pas exercer nos droits à travers toute la RDC comme n’importe quel Congolais », déplore-t-il. Les Banyamulengue vivant à Gatumba avaient presque tous fui en mai-juin 2004 les violences dans la province congolaise du Sud-Kivu, frontalière du Burundi et du Rwanda. Sonia ROLLEY (AFP)
«Tout à coup, on a entendu des cris, puis c’était le carnage », raconte Francis, un jeune Banyamulenge rescapé du massacre de quelque 160 personnes il y a un an dans le camp de réfugiés de Gatumba (Burundi), lors de la commémoration de ce massacre samedi à Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).
Un foulard violet autour du cou, en signe de deuil, Francis va...