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Actualités - CHRONOLOGIE

Festival De Baalbeck - Subtilités mélodiques et rythmiques avec le Dizzy Gillespie Big Band Les mythes et les gens du jazz (photos)

Le problème avec les légendes, c’est qu’elles véhiculent des mythes. Alors, lorsqu’on se trouve en présence d’une formation de all-stars, on a tendance à placer la barre des espérances trop haut. Entendons-nous bien : le concert de vendredi du Dizzie Gillespie all-star Big Band – puisque c’est de celui-là dont il s’agit dans ces colonnes – était une véritable réussite, un plaisir indéniable. Comment expliquer alors cette sensation qui nous tiraille en sortant d’être encore sur notre faim ? Tous les éléments étaient réunis en faveur d’une soirée mémorable. Et inoubliable, elle l’était. Mais peut-être pas rassasiante. L’envie était grande de revenir au concert du lendemain. Car ils sont attachants, ces grands de la note bleue qui ont côtoyé, aimé, vénéré même, le feu trompettiste aux joues gonflées. Le temple de Bacchus était plein et la foule déjà tendue, il ne restait plus qu’à entamer les premières notes du spectacle pour que les éléments se déchaînent. Slide Hampton, chef d’orchestre et un des meilleurs trombonistes actuels, occupait le côté droit de la scène, mais en toute humilité, le visage fixant souvent le sol. Il était admirablement entouré du Cubain Paquito d’Rivera (clarinette et saxophone), du Texan Roy Hargrove (trompette), des Américains Stanley Cowel (piano), de James Moody (saxophone), du Brésilien Claudio Roditi (trompette), Dennis Mackrel (batterie) et de la chanteuse italienne Roberta Gambarini. Disons seulement qu’avec cette équipe réunie et son savoir-faire, les spectateurs pouvaient s’attendre à un spectacle de haute qualité. Le premier morceau est vite achevé et la foule n’est pas bousculée par l’ampleur des arrangements. Une période d’adaptation est certes nécessaire. Avec le premier morceau mariné à la sauce cubaine, le public embarque sans retenue dans l’ambiance Latin Jazz, mais c’est à ce moment que le groupe s’est fait un malin plaisir de brouiller toutes les pistes : exit sonorités sud-américaines, bonjour jazz nord- américain. Le ton est ainsi donné. Il fallait s’attendre à des subtilités mélodiques et rythmiques, non pas à des tapages à fond la caisse. Le propos musical se dilue, puis reprend corps de plus belle. Le concert a ainsi de formidables envolées. Et plus d’un cadeau. Comme ce pianiste, par exemple. Stanley Cowell, homme du jazz, profondément, nourri de multiples musiques (dont les traditions africaines, le romantisme du XIXe siècle). Pour la plupart des spectateurs, Cowell est une découverte. Pour les autres, c’est la confirmation de son immense talent. Surtout lorsqu’il nous fait entendre des croisements dans les tempos, rapides, très rapides, et soudain vient un étirement de ballade. Son jeu ultralyrique, sans pathos, respire une allégresse profonde, de même qu’une certaine spiritualité. Autres moments de bonheur offerts par Paquito d’Rivera, virtuose tant du saxophone que de la clarinette. Que dire de Roy Hargrove, ce surdoué des pistons, et ses malicieuses percées cuivrées nerveuses et brèves, créant des chocs dialectiques avec cette ambiance feutrée. Le trentenaire s’est d’abord fait connaître, à la fin des années 80, comme un jeune lion du bop, capable de jouer à la perfection dans la plus pure tradition du jazz mainstream. Mais, parallèlement à cette carrière de soliste respectable, il a toujours maintenu une oreille attentive du côté des musiques de la rue (funk, soul, rap). Impossible de ne pas citer James Moody, le saxo toujours prêt à une malicieuse « sentence », et qui joue avec la légèreté d’un jeune musicien et la sagesse d’un homme qui a traversé le monde et la vie pendant huit décennies. Notons que Moody, qui fait partie de l’histoire du jazz depuis la fin des années quarante, a été le sideman de Dizzy Gillespie, de beaucoup d’autres aussi, est devenu un leader, en particulier dans le plus récent chapitre de sa carrière. Il a fêté ses 80 ans le 26 mars 2005 (bon anniversaire !), James Moody a reçu au cours de la dernière décennie de nombreuses récompenses, un hommage du Lincoln Center, et il a signé un contrat d’enregistrement avec une major, Warner Bros. Dans le monde du jazz, il inspire unanimement le respect. Vous jouez ? Alors « scattez » maintenant Après quelques morceaux purement instrumentaux, Roberta Gambarini s’est mise à chanter. Avec sa belle voix soul, mais peu originale, elle était plus à son avantage sur les morceaux enlevés, où son phrasé se faisait plus rentre-dedans, plus marqué par la scansion funk. Le concert s’est déroulé en deux sets, le deuxième, plus long, durant lequel les musiciens prenaient visiblement plus de plaisir à jouer. Et le public suivait, évidemment. Le second set a également vu de nombreux musiciens pousser un peu de la voix, à commencer par Claudio Roditti, puis Ray Hargrove, mais aussi et surtout James Moody sur une ritournelle soul assez impressionnante d’humour facétieux (ça gloussait de plaisir dans le public). Le concert s’est achevé sur un rappel au cours duquel Gambarini a donné une version assez douceâtre de Sunny Side of the Street. « Le jazz, c’est comme les bananes, ça se consomme sur place ». Jean-Paul Sartre avait, encore une fois, raison. Reste l’envie profonde de rendre aux membres du Dizzy Gillespie all-star Big Band la force et l’amitié qu’ils nous ont spontanément accordées, et surtout de faire en sorte qu’ils soient fiers de se produire au Liban. Il ne faut pas oublier qu’ils ont courageusement rempli leur part du contrat et bravé les avertissements de l’Administration US concernant la visite de ses ressortissants au Liban (les chars de l’armée postés à l’extérieur du temple de Baalbeck étaient là pour nous le rappeler). Admiration et respect donc. Maya GHANDOUR HERT

Le problème avec les légendes, c’est qu’elles véhiculent des mythes. Alors, lorsqu’on se trouve en présence d’une formation de all-stars, on a tendance à placer la barre des espérances trop haut. Entendons-nous bien : le concert de vendredi du Dizzie Gillespie all-star Big Band – puisque c’est de celui-là dont il s’agit dans ces colonnes – était une véritable réussite,...