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Actualités - OPINION

Nouveaux départs

Plus de deux semaines de palabres pour voir naître enfin un gouvernement jouissant pourtant, d’office, d’une majorité parlementaire des plus massives… Ce paradoxe démontre à quel point toute quête sérieuse d’unité nationale, objectif que s’était assigné dès sa désignation le Premier ministre Fouad Siniora, ne saurait s’appuyer sur la seule comptabilité des votes au sein de l’Assemblée : surtout quand celle-ci, malgré le salutaire raz-de-marée de l’opposition, n’est jamais que le produit d’une loi électorale boiteuse, héritée de l’ère syrienne et fortement contestée. Ce retard illustre, de même, les bizarreries de la Constitution qui fait obligation aux deux piliers de l’Exécutif de s’entendre sur la composition du gouvernement sans toutefois proposer la moindre issue technique, en cas de désaccord prolongé. Cela dit, il convient de saluer à sa juste mesure l’avènement de cette équipe panachée de députés et d’extraparlementaires, la première de l’indépendance renaissante. De lui souhaiter bonne route, car les embûches ne manquent pas, dont la seule évocation va sans doute requérir des trésors de sémantique pour ce qui est de la rédaction du programme gouvernemental : la résolution 1559, stipulant le désarmement du Hezbollah s’imposant naturellement en tête de liste de ces questions épineuses. Pour n’être pas totale et absolue, en l’absence du Courant patriotique libre, l’unité ne manque tout de même pas d’impressionner : si le même Hezbollah fait une entrée très remarquée dans les allées du pouvoir, la représentation communautaire traduit un sincère effort d’équilibre, notamment avec le retour des Forces libanaises et de la branche classique du parti Kataëb. C’est un chapitre d’une autre nature, mais non de moindre importance, qu’ouvre, au demeurant, la toute prochaine libération de Samir Geagea. Ainsi se trouvera complétée, en live, la galerie de portraits du Liban actuel, un Liban politique immuablement peuplé de dinosaures, d’orphelins et héritiers de dinosaures ou encore de revenants : un Liban pas si nouveau, en définitive, qu’on le dit et l’écrit. Le chef des Forces libanaises n’est pas un ange, certes, et son nom est lié à certains des épisodes les plus sanglants de la guerre. Mais Geagea, qui malgré son ralliement à l’accord de Taëf s’opposait opiniâtrement à la mainmise syrienne sur le pays, est le seul chef de milice à être allé en prison. C’est en base d’une fausse accusation, de surcroît, qu’il avait été soustrait à l’amnistie sur les crimes de guerre. Justice sélective ? Il existait pire encore sous le règne des services, et c’était une justice actionnée au moyen d’une criminelle machination : l’attentat à la bombe contre l’église de Zouk Mikaël, dont nul responsable, depuis 1994, ne s’est jamais soucié de rechercher les véritables auteurs. Michel Aoun, Samir Geagea : deux spectaculaires come-backs en l’espace de quelques semaines à peine, la même et bruyante griserie des partisans, la même et douce revanche sur les années d’exil ou de prison pour deux hommes que tout sépare – y compris ce nouveau gouvernement –, mais que réunit pourtant plus d’un trait commun. Voilà bien en effet deux chefs incontestablement populaires, c’est-à-dire capables de mobiliser des foules, mais qui sont loin pour autant de faire l’unanimité. L’un et l’autre appellent, au sein même de leur communauté, des sentiments aussi passionnés que contradictoires : ils peuvent susciter l’enthousiasme, mais aussi une sourde inquiétude. Le plus extraordinaire, cependant, est que ces deux hommes qui, en croisant le fer, ont provoqué l’éclatement puis l’effondrement de ce que l’on appelait durant la guerre le « pays chrétien » restent, 15 ans après, les principaux chefs politiques de cette même communauté. Leur désastreux match nul semblait devoir les disqualifier conjointement (et même solidairement, pourrait-on ajouter ) ; et c’est exactement le contraire qu’a produit la fameuse frustration communautaire, alimentée à l’envi par la domination syrienne. Car ni le parrainage de Damas n’a secrété des substituts un tant soit peu convaincants de chefs chrétiens ; et ni les personnalités chrétiennes modérées – dont maintes s’étaient d’ailleurs astreintes à la retenue jusqu’au grand déballage qui a suivi l’assassinat de Rafic Hariri – n’ont été en mesure de capitaliser sur cette frustration pour s’approprier durablement les toutes premières loges. Quelle sorte d’homme va émerger bientôt des sous-sols carcéraux du ministère de la Défense où il a séjourné durant 135 mois pour récupérer son rôle dans la vie publique ? Un comte de Monte-Cristo endurci, s’il en était besoin encore, par sa longue réclusion, et brûlant de régler de vieux comptes ; ou plutôt un sage nourri de méditations mystiques, prodigieusement mué en Nelson Mandela et enclin désormais à la sérénité ? Là aussi, il faut souhaiter bonne route. Issa GORAIEB
Plus de deux semaines de palabres pour voir naître enfin un gouvernement jouissant pourtant, d’office, d’une majorité parlementaire des plus massives… Ce paradoxe démontre à quel point toute quête sérieuse d’unité nationale, objectif que s’était assigné dès sa désignation le Premier ministre Fouad Siniora, ne saurait s’appuyer sur la seule comptabilité des votes au sein de...