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Actualités - CHRONOLOGIE

Redistribution accélérée des cartes, dans l’espoir de changer la donne

Deux formules avortées depuis la désignation de Siniora, au sortir des élections. L’une avec, l’autre sans Michel Aoun. Le président du Conseil désigné ne désespère pas. Il pense qu’en mettant de nouveau tout à plat, sur la table, en repartant de zéro en somme, il peut trouver un moyen de résoudre le casse-tête qui lui est posé. De contourner les conditions et les contre-conditions, le jeu complexe de bridgeurs qui tout en essayant de maximaliser leurs propres acquis estiment qu’il est tout aussi important d’empêcher autrui de marquer des points. En tête des exigences rédhibitoires obstructionnistes, on trouve l’impérieuse offensive du tandem Amal-Hezbollah concernant le supersensible portefeuille des Affaires étrangères. Les deux formations veulent obtenir cette chasse gardée, sans se soucier d’en analyser les conséquences pour le pays en termes de sanctions extérieures plus ou moins voilées. Car l’on imagine mal l’Amérique accepter sans sourciller qu’une personnalité proche du Hezb, sa bête noire, devienne son interlocuteur diplomatique obligé. Au fil des jours et des heures, ce point est devenu le nœud principal de l’écheveau ministériel. Car le parti refuse absolument de transiger. Et rejette même le compromis consistant à mettre les Affaires étrangères au nom de Siniora lui-même. Cette attitude découle de la certitude que sans les AE, il serait encore plus difficile au Hezbollah de contrer sa bête noire à lui, la 1559. Dans la même optique, le Hezb, qui veut avoir deux ministres, se préoccupe de surveiller de près cet instrument de pression ou de contre-pression que constituent les protocoles et les accords conclu avec l’extérieur. Il souhaite également être bien présent au niveau des préparatifs d’un congrès de l’assistance étrangère, un Paris III ou un Beyrouth 1. Or des pôles sunnites craignent que la désignation d’un chiite engagé aux côtés du tandem Amal-Hezbollah ne porte préjudice aux intérêts du pays auprès des Occidentaux, les Américains mais aussi les Européens, sans compter les riches Arabes comme les Saoudiens. Car, disent-ils, bien que cela soit faux, et qu’en tout cas, cela ne s’applique pas à notre pays, les étrangers pensent, à cause en partie de l’Irak et de l’Iran, qu’il existe un clivage croissant entre les deux communautés. En d’autres termes, ces étrangers préféreraient, dans la conjoncture présente, avoir affaire à un sunnite, ou à un chrétien, qu’à un chiite politiquement marqué. Ils ajoutent qu’on voit mal comment un radical saurait accueillir Condoleeza Rice, qui vient à Beyrouth l’automne prochain. D’autres cadres vont plus loin dans le même raisonnement. Ils relèvent que Rice elle-même ne pourrait pas serrer la main à un ministre lié à une formation classée comme terroriste par Washington. Ils soulignent qu’en confiant les Affaires étrangères à un proche du Hezb, l’État libanais irait aux extrêmes dans sa politique de soutien à la Résistance. Politique qui lui vaut, comme on sait, les admonestations non seulement des Américains ou des Européens, mais aussi de l’ensemble de la communauté internationale. Qui répète que cet État doit déployer sa propre armée à la frontière sud et désarmer le Hezbollah ainsi que les camps palestiniens, comme l’édicte la 1559. Pour en revenir aux vicissitudes ministérielles, plusieurs professionnels pensent que le tandem Amal-Hezbollah ne devrait pas placer l’État libanais en mauvaise posture. Mais mettre de l’eau dans son vin, pour ne pas acculer le président du Conseil désigné à se récuser. Ces sources soulignent que l’obstination des deux formations a tout l’air d’être de l’obstruction pure, du moment qu’elles savent parfaitement que la majorité parlementaire ne peut pas souscrire à leurs conditions. Nombre de députés se sont du reste rendus auprès de Saad Hariri, pour lui confirmer ce refus d’obtempérer aux exigences d’Amal et du Hezbollah. Et pour le prier, en tant que chef de file du plus important bloc parlementaire, de tenter de régler au mieux la question. La Syrie En même temps, le pouvoir doit se soucier, avant même d’être en place, de la crise des relations avec la Syrie. On sait en effet que Damas multiplie les entraves au trafic des camions libanais passant la frontière. Les Syriens refusent d’appliquer les accords et protocoles bilatéraux, et ils en demandent la révision, affirmant qu’ils leur portent préjudice. Dans ce cadre, ils ont gelé l’exécution du contrat de fourniture de gaz syrien fin mai dernier à la centrale électrique libanaise de Deir Ammar. Cela après avoir laissé les Libanais jeter les lignes d’un gazoduc. Sans compter les incidents, les affrontements avec des éléments armés à proximité de la frontière. Cette attitude négative pèse en fait sur le déroulement de la formation du cabinet. Les Syriens cachent à peine qu’ils sont courroucés par les prises de position libanaises qui ont suivi l’assassinat du président Rafic Hariri, le 14 mars et le retrait de leurs troupes. Ils pensent que les hommes politiques libanais auraient pu, auraient dû, empêcher les débordements qui ont marqué les manifestations indépendantistes. En fait le gouvernement libanais n’a pratiquement pas eu le temps de parler avec les Syriens, avec tous les événements survenus depuis l’assassinat du président Hariri. Ils lui reprochent quand même de n’avoir pas instauré un dialogue pouvant apaiser leur ressentiment. Et, pour beaucoup, cette irritation et l’escalade relationnelle expliquent sans doute pourquoi Amal et le Hezbollah, qui restent des alliés de Damas, ne facilitent pas les choses sur le plan ministériel. Les professionnels pensent de même que la Syrie ne serait pas mécontente qu’un de ses proches soit en charge de cette politique étrangère libanaise qu’elle ne peut plus contrôler comme jadis. Plus loin encore sur la même voie, on observe que certains fidèles de la Syrie se proposent d’annuler, en tout ou en partie, les effets du 14 mars. En manœuvrant, par des alliances, pour contrer le Courant du futur et la majorité de 72 députés dont l’ancienne opposition dispose à la Chambre. Cela rend la tâche de Siniora encore plus difficile. Il n’est donc pas exclu qu’en fin de compte, il se rabatte sur la solution d’un cabinet extraparlementaire, composé de personnalités compétentes, capables et probes. Une équipe de travail dont il serait en fait le premier expert, n’étant lui-même pas un politicien traditionnel. Cette formule serait un pas en avant en direction du non-cumul de la députation et du portefeuille. Condition que d’ailleurs beaucoup jugent nécessaire pour toute réforme véritable. Car ainsi la Chambre pourrait contrôler les actes du gouvernement sans états d’âme ni arrière-pensée, n’étant pas impliquée dans l’Exécutif. Et le principe de la séparation de pouvoirs ne s’en porterait que mieux. Toujours est-il que, répétons-le, Siniora confirme par ces coups de fil à l’adresse des responsables syriens qu’il veut se préoccuper d’assainir le climat bilatéral. En admettant qu’il est assez logique que la Syrie se cabre quand tant d’accusations concernant le système militaro-sécuritaire ou même les assassinats sont lancées contre elle. Philippe ABI-AKL
Deux formules avortées depuis la désignation de Siniora, au sortir des élections. L’une avec, l’autre sans Michel Aoun. Le président du Conseil désigné ne désespère pas. Il pense qu’en mettant de nouveau tout à plat, sur la table, en repartant de zéro en somme, il peut trouver un moyen de résoudre le casse-tête qui lui est posé. De contourner les conditions et les...