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Actualités - ANALYSE

perspectives - Joumblatt chercherait-il à relancer la politique d’exclusion pratiquée après Taëf ? La recherche du consensus intercommunautaire, passage obligé du nouveau pouvoir

À d’autres temps d’autres mœurs. Après le désengagement de la Syrie sur la scène libanaise, le jeu politique local reprend désormais, enfin, son cours normal. Et les responsables se doivent d’apporter maintenant la preuve concrète qu’ils peuvent gérer leurs différends et trouver une issue à leurs désaccords par la concertation et la recherche continue du consensus, sans interférence étrangère. Au cours des quinze dernières années, depuis la conférence de Taëf, en 1989, et jusqu’au retrait total des troupes de Damas en avril dernier, l’exercice du pouvoir était largement tributaire du tuteur syrien, lequel constituait le seul et unique « régulateur » des rapports entre les pôles d’influence du pays. Pendant quinze ans, toute la vie politique ainsi que le fonctionnement de l’appareil étatique, à tous les niveaux et dans les moindres petits détails, ont été faussés à la base, ont été déviés de leur trajectoire, par les interventions tentaculaires du tuteur syrien. Maintenant que ce régulateur artificiel n’existe plus, force est de retourner aux institutions, à la Loi fondamentale, à l’esprit consensuel – pierre angulaire de la formule libanaise de coexistence – non seulement pour assurer une gestion rationnelle des affaires de l’État, mais aussi pour garantir la perpétuation de l’équilibre interne entre les diverses composantes du tissu social libanais. Dans l’immédiat, la classe politique de l’ère postsyrienne est ainsi à l’épreuve et se doit de rétablir l’incontournable stabilité intercommunautaire. Cela se traduit d’abord, concrètement (à titre d’exemple), par le strict respect des prérogatives du président de la République, notamment pour ce qui a trait à sa participation effective à la formation du gouvernement, conformément aux dispositions de l’article 53 de la Constitution. Il y va de la cohésion de l’édifice national. Certains responsables feignent d’ignorer à cet égard que cet indispensable respect des prérogatives présidentielles est à dissocier totalement de la personne du chef de l’État. Sauf si l’objectif recherché est de remettre en question insidieusement le poids et le rôle du président de la République. Ce qui reviendrait, auquel cas, à saper les fondements mêmes de la formule de coexistence. Le nécessaire retour aux équilibres internes impose aussi le respect de la mission impartie au Conseil des ministres en sa qualité de détenteur du pouvoir exécutif. Ce qui implique impérativement que le Conseil des ministres doit refléter les réalités sociocommunautaires et doit être régi par l’esprit consensuel à la base de la volonté de vouloir vivre en commun, perçue par la Constitution comme seule et unique source de la légitimité de tout pouvoir. Cela est plus particulièrement indispensable lorsque nous nous trouvons dans une phase fondatrice comme celle que traverse aujourd’hui le Liban après le retrait syrien et au cours de laquelle de grandes décisions doivent être prises. C’est précisément ce défi que le Premier ministre désigné Fouad Siniora espère relever en essayant de mettre sur pied une équipe ministérielle regroupant, suivant un savant dosage, les courants et les forces vives du pays tels que déterminés par les dernières élections législatives. Mais compte tenu du caractère absurde de la loi électorale qui a façonné l’organisation du scrutin, il est impératif de tenir compte dans l’exercice du pouvoir, et par souci du respect des équilibres internes, du report réel des voix plutôt que du nombre de sièges remportés par certains regroupements politiques. Tel est le cas, à titre d’exemple, du Courant patriotique libre et des Forces libanaises dont la représentativité globale, à en juger par le report de voix qui s’est fait en leur faveur, est manifestement supérieure à leur poids parlementaire obtenu sur base de la loi électorale actuelle. Ce paramètre est sans doute l’un des facteurs qui a poussé le chef du plus grand bloc parlementaire, Saad Hariri, à œuvrer en vue d’une participation du général Michel Aoun au gouvernement, faisant montre ainsi d’un sens aigu des responsabilités nationales. Et l’on ne comprend pas, dans ce cadre, comment le leader du PSP, Walid Joumblatt, peut exprimer, comme il l’a fait dans une déclaration au Mustaqbal, vendredi dernier, de sérieuses réserves au sujet de la participation de toutes les fractions au gouvernement. L’allusion à la volonté d’associer le courant « aouniste » à l’Exécutif, comme l’a souhaité M. Hariri, est évidente. Le chef du PSP voudrait-il retourner ainsi à la politique d’exclusion et d’ostracisme qui a visé une large partie des Libanais quinze ans durant, après Taëf ? Que certains le veuillent ou non, les grands dossiers auxquels fera face le pays au cours de la prochaine étape ne peuvent être traités que sur base d’une entente consensuelle entre tous les courants représentant les diverses sensibilités locales. Des problèmes aussi cruciaux que la loi électorale, l’armement du Hezbollah, la redéfinition des rapports avec Damas, la restructuration de l’administration étatique ou la solution équilibrée aux nombreuses failles apparues dans la Constitution de Taëf nécessitent pour être réglés un large consensus national, et donc la participation de tous à la prise de décision. La recherche du consensus : telle devrait être sans aucun doute le leitmotiv de cette nouvelle phase fondatrice dans laquelle s’est engagé le pays. Un leitmotiv qui illustre une pratique politique à laquelle les Libanais n’étaient plus habitués. Et à laquelle la classe politique devrait à nouveau s’accommoder pour que le Liban, affranchi de la tutelle syrienne, puisse enfin trouver son équilibre et sa stabilité internes. Michel TOUMA

À d’autres temps d’autres mœurs. Après le désengagement de la Syrie sur la scène libanaise, le jeu politique local reprend désormais, enfin, son cours normal. Et les responsables se doivent d’apporter maintenant la preuve concrète qu’ils peuvent gérer leurs différends et trouver une issue à leurs désaccords par la concertation et la recherche continue du consensus, sans...